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Critique de kuroineko


Hikikomori : un terme japonais pour désigner un syndrome socio-psychologique dans lequel une personne s'enferme dans sa chambre, refusant toute sociabilité (famille, école, travail...). Apparu dans les années 1990, ce syndrome touche des dizaines de milliers d'individus au Japon, principalement des adolescents ou de jeunes adultes de sexe masculin. le phénomène tend à gagner en ampleur et d'autres pays, notamment en Europe et en Amérique.

M'intéressant au Japon depuis plusieurs années, le terme hikikomori ne m'était pas inconnu. Aussi ai-je sauté sur ce titre en le croisant par hasard dans les rayonnages de la médiathèque. Et quel beau livre, à la fois sobre et très touchant!
La personne recluse ici est un Américain, Thomas Tessler. Depuis trois ans, il "vit" enfermé dans sa chambre, sans vouloir voir sa femme. La communication orale est très restreinte entre eux deux et toujours avec cette porte/muraille entre eux. En désespoir de cause, Silke, l'épouse,  fait appel à une jeune femme japonaise émigrée à New-York pour parler à Thomas et essayer dans une ultime tentative de faire évoluer cette dramatique situation. Megumi a déjà été confrontée à cela: son frère aîné était aussi hikikomori.

Tout le récit tourne autour de ce trio. Les blessures de chacun apparaissent au détour des chapitres. Il serait commode de se dire que Thomas n'est qu'un sale égoïste qui se planque et rend sa femme malheureuse. C'est plus compliqué que cela. Confrontée à ce syndrome, j'ignore comment je réagirais en tant que proche du reclus. En cela, j'admire la constance et la persévérance de Silke. Elle nous est présentée à travers les points de vue de Thomas et de Megumi et on la sent sur le point de tomber en morceaux au début du roman.

Jeff Backhaus a créé des personnages criant de vérité et troublants dans leurs rapports à eux-mêmes et aux autres. Chacun porte un lourd fardeau de souffrance. Certains dialogues ou introspections sont particulièrement émouvants et font mouche. Ce roman donne à réfléchir sur les façons de gérer - ou pas - chagrins, culpabilité, amour, etc. Qu'est ce qui nous porte quand le malheur frappe? Connait-on vraiment les autres? Et soi-même face aux épreuves? Car on ne s'improvise pas hikikomori du jour au lendemain. Jeff Backhaus décrit le cheminement de Thomas vers sa réclusion, par petites touches disséminées.

Son style fait d'ailleurs merveille, avec sa sobriété sans pathos. L'écriture est fluide et ne porte pas de jugement. Il alterne des chapitres où Thomas est le narrateur avec d'autres ou le point de vue devient celui de Megumi. Cette construction permet d'avoir une vue de l'intérieur et par une tierce personne. Les changements augmentent ainsi l'intensité du récit. Pour un premier roman, c'est une réussite déjà pleine de maturité et du sens des relations humaines, même dans ce qu'elles peuvent avoir de plus tendues et fragiles.

Je referme ce livre avec une sensation de mélancolie. Pas lourde ou oppressante, ni heureuse. Juste une note douce-amère qui correspond bien au ressenti des personnages au final.
Sur le même sujet, j'avais déjà lu La dernière métamorphose de Hirano Keiichiro, beaucoup plus dérangeante et perturbante. Mais à lire pour découvrir ce syndrome singulier.
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