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Critique de Chahrazed11


La lecture de cet ouvrage est certes compliquée, parfois ennuyeuse mais en même temps très intéressante pour celles et ceux qui se posent la question de la parentalité. Badinter déconstruit ici certains préjugés sur la maternité, la féminité et la paternité. Plus intéressant encore, ce livre dénonce également l'effacement des revendications féministes depuis les années 80-90 au profit de la crise de l'identité.
Tout d'abord, je dois dire pourquoi la première lecture fut ennuyeuse pour moi. C'est en fait totalement subjectif. Je sors à peine de l'élaboration d'une thèse et j'avais envie de lire autre chose que des chiffres, des dates et des longues notes de bas de page qui perturbent la lecture continue du texte…J'ai donc abandonné la lecture au bout du premier chapitre pour lire un autre livre avant de reprendre le conflit à la source pour apprécier au fur et à mesure la portée et l'intérêt sociétal et scientifique de ce texte documenté en discours performatifs (qui agissent sur les interlocutrices) comme en études quantitatives et qualitatives sur les femmes et la maternité…
Ce livre se base souvent sur des chiffres auxquels j'aurais préféré les témoignages des « childless : les femmes sans enfant » et de celles qui choisissent d'être mères et refusent de « se conformer au nouveau diktat du principe de précaution ». Mais le véritable intérêt de cette analyse du conflit femme/mère/institution est de démontrer en quoi l'image de la mère idéale n'existe pas. En effet, les discours naturalistes qui sont de plus en plus contraignants (fais pas ci, fais pas ça…) ne sont qu'une manière de culpabiliser les femmes et les mères en leur faisant croire par exemple que l'allaitement est obligatoire. Ces discours sont considérés comme « légitimes » car ils sont énoncés par des médecins, des sages-femmes, des infirmières ou des institutions mondiales aussi respectées que la Leche League, l'UNICEF ou l'OMS ou encore l'UE. Or, E. Badinter déconstruit ce qu'elle nomme la « bataille du lait » à travers la référence à plusieurs études, dont l'étude de Geoff der dans laquelle il avait démontré en 2006 que le facteur essentiel qui influence le QI de l'enfant était « le milieu socioculturel de la mère et que l'allaitement n'avait aucune influence sur le QI » (p140). Ainsi, à travers des thématiques qui peuvent sembler banales car traitées habituellement dans des revues de femmes, des dictionnaires médicaux ou des magazines de psychologie, l'historienne, philosophe et féministe, Elisabeth Badinter a réussi dans un essai assez documenté à déconstruire toute une idéologie patriarcale soutenue et défendue, non plus par les hommes, mais par certaines femmes soucieuses de se venger des « mauvaises mères » irresponsables des années 70 (ce sont les filles de mères féministes qui eurent 20 ans en 1990). Derrière le ressentiment de ces filles probablement inconscientes des avancées en droit que leurs mères ont réalisé (l'avortement, la contraception, le travail et la liberté sexuelle…), c'est le retour au naturalisme à travers l'institution d' « une nouvelle définition de la féminité » qui passe nécessairement par un « destin maternel » caractérisé par la frustration (ex :tolérance zéro à l'alcool et au tabac, obligation de l'allaitement, rejet du biberon, des contraceptions, des crèches et des nounous). Tous ces changements qui ne font pourtant pas de bruit au vu de la crise économique et identitaire en Europe doivent nous alerter sur la menace de ce nouveau « naturalisme écologique » qui, « à force de trop charger la barque » devient le premier obstacle à une maternité apaisée. Il reste aux femmes à imposer leurs désirs et leurs volontés contre tout discours culpabilisant et pour une féminité et une maternité réconciliées. Car « à force d'entendre répéter qu'une mère doit tout à son enfant, son lait, son temps et son énergie, sous peine de le payer fort cher par la suite, il est inévitable que de plus en plus de femmes reculent devant l'obstacle. » (Badinter 2010 : 252).
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