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Citations sur Une mère - Trente tableaux (34)

J’ai trente-deux ans. Je découvre que je ne suis pas folle, ou alors il y a beaucoup de folles comme moi. Des femmes racontent leur vie, leurs humiliations, leur invisibilité, leur souffrance inouïe à regarder la vie qui passe sans elles. Cela s’appelle un mouvement, une vague gigantesque qui balaie tout sur son passage, et je suis dedans, avec toutes ces autres, dans l’ivresse des commencements à surfer sur la crête d’écume. Je suis jeune encore, et je me prends pour une autre, une femme pour qui tout est possible, même l’impossible. Des femmes font la révolution et je veux l’attraper pendant qu’elle passe. Je sais qu’elle ne durera pas. C’est trop gros pour durer. L’histoire est en marche, il faut la raconter. Je décide de faire un long métrage. Ça s’appelle La Cuisine rouge. J’ai les idées bien arrêtées. Les femmes ne sont rien, ça les rend folles. Les hommes sont tout, ça les rend idiots. Beau couple, éternel comme l’enfer.
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Ce matin, je suis allée au village, et en longeant le lac, j’ai vu qu’il était entièrement gelé. Il n’y a rien qui me fasse autant plaisir que la vue soudaine au détour du chemin d’un beau grand lac par une belle journée ensoleillée, alors qu’un vent léger bouge l’eau juste ce qu’il faut. Pendant quelques instants, j’ai eu la fièvre du printemps, je me suis imaginée partir sur la route sans prévenir, dans ma nouvelle petite voiture rouge, filer, rouler quatre cent milles, aller revoir le lac primordial, celui qui me connaît, celui qui sait tout de moi, rouler sans m’arrêter, rouler, rouler jusqu’à la plage, entrer dans le lac avec l’auto dans un grand bruit, ouvrir la portière, et me laisser glisser dans l’eau bien-aimée qui me laverait de ma fatigue. Mais ce lac n’existe plus que dans ma mémoire. La dernière fois que je l’ai vu, des poissons gisaient sur sa rive, et plus personne pas la moindre famille, pas le moindre petit enfant ne s’aventurait dans ses eaux polluées.
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Mon problème, c’est que je voudrais détester pleinement ma mère, elle qui m’a fait tant de mal, et parfois j’y arrive vraiment, alors cela me rend joyeuse et claire, comme le ciel bleu acier d’un hiver cinglant, je la déteste et c’est tout, je peux vivre ma vie. Mais ça ne dure jamais longtemps, toujours la culpabilité revient, et l’incertitude aussi, était-elle vraiment méchante, et surtout, comme maintenant, après avoir raconté les tentatives futiles de ma mère pour être quelqu’un, je suis touchée, elle me touche, elle me touche encore. »

« Un peu plus tard j’ai fait connaître à ma mère Jean-Paul Sartre Camus Colette Simone de Beauvoir Marguerite Duras et combien d’autres. Jusqu’à ce qu’elle devienne trop aveugle pour lire, elle était une lectrice boulimique, capable d’apprécier le style et la profondeur des propos, et si d’aventure une de ses connaissances lui prêtait un genre de livre à la mode best-sellers et autres biographies, elle le mettait vite de côté en disant qu’elle ne pouvait pas s’intéresser à une histoire mal écrite. Eh bien jamais une seule de ces innombrables lectures n’a eu la moindre incidence réelle sur sa vie, rien ne change ma mère, rien. C’est ça l’horreur.
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Mon problème, c’est que je voudrais détester pleinement ma mère, elle qui m’a fait tant de mal, et parfois j’y arrive vraiment, alors cela me rend joyeuse et claire, comme le ciel bleu acier d’un hiver cinglant, je la déteste et c’est tout, je peux vivre ma vie. Mais ça ne dure jamais longtemps, toujours la culpabilité revient, et l’incertitude aussi, était-elle vraiment méchante, et surtout, comme maintenant, après avoir raconté les tentatives futiles de ma mère pour être quelqu’un, je suis touchée, elle me touche, elle me touche encore.
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Après la mort de mon père, ma mère a dû ressentir un grand vide, plus personne à accuser. Puis elle a trouvé monsieur Poitras. Monsieur Poitras était un comptable qui avait eu le malheur de vouloir l’aider pour ses impôts, et à propos de qui elle ne tarissait pas d’éloges. Mais monsieur Poitras a fait une erreur, une petite erreur, concernant les acomptes provisionnels de ma mère. Cette petite erreur a coûté quelques dollars à ma mère, mais peu importe, elle a tourné l’histoire dans sa tête jusqu’à ce qu’il lui apparaisse clairement que monsieur Poitras lui avait menti. Je ne sais pas si monsieur Poitras a senti, depuis les quelques kilomètres qui séparaient l’appartement de ma mère du sien, la haine dont il a été l’objet pendant des mois et des mois.
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Je retournai avec ma mère dans sa chambre, et le plus doucement possible essayai de lui faire entendre raison. Ma mère se retourna contre moi, m’abreuvant d’injures, elle savait que j’étais contre elle, je n’avais jamais rien compris, et elle allait se suicider. Elle accompagna cette menace d’un geste de se couper la gorge que je trouvai obscène et d’une violence extrême. La haine de ma mère envers moi était palpable, il ne me restait qu’à partir, ce que je fis, pendant qu’elle commençait à pleurer.
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Ma mère prétend que le médecin, comme d’ailleurs tout le monde à qui elle parle, lui a dit que ce n’était pas sa place ici, et qu’il allait lui trouver un autre endroit, plus approprié à une personne aussi fantastique qui marche monte et descend les escaliers, qui n’est pas une malade mentale comme tous ces autres et qui a une culture quelconque. C’est bien ce qu’elle a dit.
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Ma mère, fidèle à sa manière, ne fournit aucune aide, ne se place pas du bon côté, et ne donne aucune indication susceptible d’aider le pauvre hère plein de bonne volonté qui essaie de communiquer avec cette femme qui pense depuis toujours que seuls les autres doivent travailler à améliorer son sort. Depuis que je suis née, je ne me rappelle pas l’avoir entendue une seule fois, une seule pauvre petite fois, nous demander ce que c’était pour nous d’avoir une mère sourde.
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Pourquoi ma mère n’a-t-elle pas pris exemple sur ma grand-mère, pourquoi ma mère est-elle cette femme qui carbure au malheur, pleine de haine et de désespoir, pourquoi n’est-elle pas comme madame Sirois que tout le monde admirait et aimait qui ne se plaignait jamais et souriait tout le temps et ne tolérait pas qu’on critique son lâche mari qu’elle aimait envers et contre tous? C’est le mystère de ma mère, que rien ne change.
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Je réussis à l’entraîner sur le terrain de son enfance, et soudain elle change. L’amertume qui la défigure quitte son visage, qui redevient celui d’une enfant, je vois la petite fille d’alors, ce visage intelligent, oui, animé par des yeux bleus et vifs, qui racontent toujours la même chose, la Mère Courage, qui semble l’accompagner toujours, dont elle décrit la vaillance inépuisable, le sourire, celle que tout le monde aimait.
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