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Critique de BurjBabil


7ème chambre de validation des écrits étrangers, ministère de la vérité vraie, année 12 du grand redressement moral.
La présidente du jury :
- Mme Bala, présentez-vous à la cour des babéliotes authentiques
- Née à Dubaï, j'ai grandi en banlieue de Toronto et je vis à Saint-Jean de Terre-Neuve.

M. Tango, procureur de la bienpensance livresque :
- Pourquoi ne pas écrire chez vous, il y a assez d'écrivains autochtones en ce beau pays Canadien.

- Car la langue importe peu, elle n'est que le vecteur des émotions.

La présidente du jury :
-Expliquez nous ce qui vous a donné l'envie d'écrire ce roman.
M. Tango :
- Mais enfin, expliquer, c'est déjà commencer à excuser !

- le sort des réfugiés a toujours été un sujet sensible pour moi, depuis mon premier roman, « boat people ». J'ai donc essayé d'imaginer des trajectoires similaires vécues par de simples civils emportés par les tourbillons de l'histoire. C'est ce beau pays Canadien, résultat de ces vagues successives d'immigration qui m'a donné envie de tracer des parallèles, de mettre en résonance des pensées intimes.

M. Tango : - Peut-être mais on ne peut pas comparer l'incomparable.

- Il n'est pas question pour moi dans ce livre de livrer une réflexion toute prête, un abécédaire de la tolérance, mais plutôt, par l'intermédiaire de mes personnages fictifs, d'imaginer les questions qu'on est en droit de se poser sur la validité des raisonnements identitaires.

M. Tango : - Mais l'identité, c'est la nation, et la nation, ce sont nos valeurs, menacées par tous les extrémistes de la Terre et de l'univers !
La présidente du jury : - Un peu de calme M. Tango, vous n'êtes plus en campagne électorale, ici ou ailleurs. Mme Bala, vous semblez doubler cette réflexion avec celle des choix personnels, pourquoi ?

- Il m'a semblé qu'un lien existe entre nos choix de vie, nos engagements professionnels et privés, et la société qui résulte de ces choix. Tout ne se passe pas uniquement par l'adhésion à un programme électoral plus ou moins démagogique porté par un orateur plus charismatique qu'un autre.

M. Tango : - Objection, votre honneur ! On ne peut pas parler de moi ainsi !
La présidente du jury : - Un peu de calme, M. Tango, Mme Bala vient de dire « charismatique », je doute qu'elle songeait à vous. Souhaitez-vous une interruption de séance pour revenir à une couleur normale ?

- Dans ce roman, j'ai voulu faire sentir comment cette Terre que j'aime, qui est la mienne, le Canada, a vu arriver des migrants de tous horizons. S'installant à côté d'autochtones sans leur demander leur avis. Parfois bienvenus, parfois spoliés lorsque les remous de l'histoire l'ont permis. Et me poser la question au coeur de ce livre : qui est habilité à délivrer un certificat de bonne conduite, de respectabilité et ,de fait, autoriser un migrant à s'installer à mes côtés.

M. Tango : Mais parmi eux il y a forcément des terroristes ! Et la lutte de notre vie, c'est celle contre le terrorisme, tout le monde le sait, tout le monde est d'accord !
La présidente du jury : - Cessez un peu de vous agiter, M. Tango, on pourrait penser que vous souffrez d'un syndrome « Gilles de la Tourette ».

- J'ai justement axé l'intrigue de mon livre sur ce que nous appelons terrorisme. Des actions que nous serions amenés à accomplir pour protéger nos proches, nos maris, nos femmes, nos enfants. J'ai voulu montrer la complexité de ces situations et la facilité, voire la suffisance avec laquelle nous pouvions juger des actes bien confortablement installés dans nos vies sereines de Canadiens intégrés. Mais sur place ? Sortis d'une bibliothèque confortable ? Je ne réponds pas, j'interroge...

M. Tango : Terrorisme, terroristes, terr...
La présidente du jury : - Évacuez M. tango immédiatement. Mme Bala, pourquoi devrions-nous autoriser votre livre à rester sur notre territoire, risquant ainsi de semer le doute dans les esprits pourtant bien façonnés par notre ministère médiatique de la pureté de la pensée ?

- Ces questions sont au coeur de nos sociétés et pourtant nous nous en remettons à des médiateurs intéressés pour éviter d'y réfléchir. J'espère que ce roman se fraiera un chemin jusqu'au plus profond de nos consciences et que nous serons capables collectivement d'exprimer ce qui nous rassemble ou devrait nous rassembler : notre humanité.
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