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Critique de Bruidelo


Impossible à mettre dans une case, Gobseck, je serais bien incapable de vous dire ce que j'en pense, de ce vieil usurier «avare et philosophe, petit et grand», selon le narrateur de ce court roman, M. Derville. Il m'échappe, me laisse perplexe.
C'est un affreux bien sûr, cet «homme-billet» au teint blafard, impitoyable avec ceux qui sont contraints de recourir à lui:
«Quelquefois ses victimes criaient beaucoup, s'emportaient; puis après il se faisait un grand silence, comme dans une cuisine où l'on égorge un canard.»
Mais sa profonde connaissance du monde en impose, le rapproche du romancier: avec tous les désespérés qu'il a vu défiler dans son logement humide et sombre, il a pu pénétrer dans les plus secrets replis du coeur humain, épouser la vie des autres, la voir à nu. Et il offre un point de vue remarquable pour exposer avec force les travers d'une société bourgeoise bien cynique, où l'argent et le faux-semblant règnent en maîtres, où la «justice» n'est là que pour préserver les inégalités:
«Pour se garantir leurs biens, les riches ont inventé des tribunaux, des juges, et cette guillotine, espèce de bougie où viennent se brûler les ignorants.»
Gobseck est mystérieux aussi, il a l'aura d'un tumultueux passé d'aventurier, ayant bourlingué en Inde et en Amérique, fréquenté de célèbres corsaires, acquis la conviction que les principes moraux changent à chaque latitude...
Et puis c'est un personnage d'une stature qui impressionne et frappe l'imaginaire, le narrateur voit en lui «une image fantastique où se personnifiait le pouvoir de l'or», et c'est vrai qu'il a un peu des allures de créature infernale lorsqu'on le voit tenir «les diamants près de sa bouche démeublée, comme s'il eût voulu les dévorer». Il devient même bien frappa-dingue, et c'est assez fascinant de le voir aller à ce point à fond dans son délire.
Bon, c'est vrai qu'ici Balzac ne s'est pas forcément tant que ça foulé sur la complexité de l'intrigue, ce n'est pas son meilleur roman sans doute, c'est un roman-portrait, mais quel portrait! Je ne sais pas trop quoi en penser mais je ne suis pas près de l'oublier, Gobseck.
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