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Critique de Lucilou


La claque. L'uppercut! Et dire que ce Balzac-là ne me tentait pas plus que ça au début... Que je pensais lui préférer Eugénie, Pons, Chabert et Rastignac... Bon sang, ces "Illusions"...
Le roman a pour cadre le France de la Restauration et s'ouvre à Angoulême. David Séchard est un imprimeur besogneux, taiseux mais profondément bon. Autour de lui, son meilleur ami, Lucien Chardon et la soeur de ce dernier, la jolie Eve avec laquelle il se mariera. Lucien est un jeune homme beau, lettré, délicat... Aux amours simples de son ami et de sa soeur, il préfère les passions plus romanesques. Au travail manuel, il préfère l'écriture. C'est donc en toute logique qu'il tombe fou amoureux d'une femme de la petite noblesse, Madame de Bargeton, et qu'il écrit pour elle un recueil de sonnet. Elle ne peut que se pâmer et succomber au charme de ce Pétrarque, elle qui se voit comme la Laure de son Lucien. Dans les petites villes, cependant, les amours secrètes ne le restent pas longtemps et au terme d'un duel et du scandale, les amants partent pour Paris. Notre poète espère qu'il pourra y faire publier le grand roman qu'il est en train d'écrire. Mais Paris ne tient pas ses promesses pour le jeune homme, parangon de candeur. Lui qui était si élégant en Province est bien fade, bien négligé face aux parisiens si bien mis. Madame de Bargeton qui lui paraissait si belle, si fine, si reine n'est qu'une bergère (et pas de celles, si jolies, des pastorales d'antan) comparée aux divines parisiennes. Lucien va de désillusions en maladresses et se couvre de honte lors d'une soirée à l'opéra, tant et si bien que sa bergère l'abandonne. Il lui reste l'écriture: ses sonnets sont trop naïfs et son roman... son roman... L'écriture est un échec. Heureusement, il reste l'amitié en la personne de D'Arthez, écrivain, qui se lie avec Lucien et qui l'introduit au Cénacle, un petit groupe de jeunes hommes aspirant à l'art et à l'écriture, se vouant à la création littéraire et artistique, refusant les concessions mais partageant la table et l'amitié. Un temps, Lucien - qui de "Chardon" est devenu " de Rubempré", prenant le nom de sa mère qu'il juge plus indiqué pour réussir- fréquente ce cercle vertueux, mais la réussite tarde à venir pour l'impatient qui succombe à la tentation du journalisme, de l'argent facile donc, de l'ambition et du luxe. Tant qu'il y est, il s'éprend d'une jeune et jolie actrice Coralie qui lui rend son amour, avec laquelle il s'installe. Orgueilleux, ambitieux, Lucien veut toujours plus et passe d'un journal libéral à un journal royaliste, faisant fi de ses principes, de ses idées. La plume d'un bon journaliste fait fi du fond si la forme est belle et se vend au plus offrant. Ses amis du Cénacle, eux, ne digèrent pas cette absence de principes et attaque leur ancien membre qui ne trouve du soutien qu'auprès de sa Coralie. La ruine, le déshonneur, les humiliations... Lucien est en train de tout perdre quand le coup de grâce survient: Coralie tombe gravement malade. Ils n'ont pas d'argent pour un médecin, ni même pour les funérailles. La jeune femme meurt misérable auprès d'un amant éploré tout aussi misérable qui décide -puisque Paris l'a trahi- de retourner en Province auprès de David dont l'imprimerie menace de lui être retiré, à cause d'une signature de Lucien qui l'avait engagée en paiement d'une dette. le retour de notre héros n'est pas celui de l'enfant prodigue et ses dernières illusions se consument dans le feu de la réalité. Agité de remords, il pense à se suicider. C'est alors que survient un abbé aussi providentiel qu'inquiétant (et qui n'est pas celui qu'il prétend être!) qui lui propose un pacte: l'argent, le règlement des dettes des siens, une vie de luxe et de plaisirs en échange d'une obéissance à toute épreuve. Un pacte faustien qu'accepte Lucien... Quant à savoir ce qu'il vivra ensuite, c'est dans "Splendeurs et Misères des Courtisanes" que ça se passe.
Roman parisien, roman d'apprentissage, "Illusions Perdues" condense toutes les obsessions balzaciennes: l'art, la volonté de parvenir, la dénonciation des tares de la société et de la corruption du journalisme, l'amour aussi. C'est aussi une merveille d'écriture: le style s'y déploie ample sans masquer l'essentiel planté d'un trait de plume enrichi de pointes magnifiques.
A la peinture fine et sans concessions d'un monde dur, gangrené par l'argent, Balzac ajoute une galerie de personnages complexes, fouillés jusque dans leur moindre agissement. Encore une fois, il se montre comme l'un des grands observateurs du comportement humain.
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