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Critique de deidamie


« Bonjour les Babélionautes ! Aujourd'hui, je viens causer d'un grand beau classique, La cousine Bette, d'Honoré de Balzac.

-Oh noooooon !

-Ah siiiiiiiii !

-C'est pourri, Balzac ! T'as vu l'épaisseur du bouquin, en plus ? Ca sent encore des pages et des pages de description qui ne font pas avancer l'action, c'est nul !

-Hé bien tu as tort : la première page ne s'ouvre pas sur quatre kilotonnes de description, mais sur un dialogue.

Or donc, Adeline Hulot, épouse du baron Hulot, rencontre des soucis d'argent : son époux dilapide leur fortune avec ses amantes. Adeline ne peut donc pas marier sa fille. Qu'à cela ne tienne : Hortense, ladite fille, va se trouver un fiancé en séduisant l'amoureux de la cousine Bette… qui va machiner...

-Qui va machiner ?

-Une Terrible Vengeance !

-Moué. Pourquoi pas.

-Tu parlais plus haut des pages de description : il n'y en a point autant dans ce livre. En revanche, je reconnais que les textes dissertant sur la nature du Polonais, des Sauvages, des Corses, des femmes m'ont quelque peu agacée. Ces passages-là ont mal vieilli, je le crains. Fort heureusement, ils sont peu nombreux si l'on considère l'oeuvre dans son ensemble, oeuvre qui fait la part belle à la peinture de caractères.

-Y a des trucs, quand même, nan mais, y a des trucs… ça va pas, quoi !

-Quels trucs ?

-Mais tu as vu le traitement d'Adeline ? comment la figure de victime est valorisée, donnée pour modèle de perfection, alors que… alors qu'aujourd'hui, on lui dirait de divorcer et de mettre Hector en taule s'il ne lui paye pas sa pension alimentaire ?

-Oui, mais le roman ne se passe pas « aujourd'hui ». Je pense que c'est une erreur de le lire entièrement avec ses lunettes de lecteur/trice du XXIe siècle. Bien sûr que sa situation est inadmissible et injuste, cependant, Balzac écrit sur et dans son siècle, pas sur et dans le nôtre, avec tout ce que cela comporte comme préjugés culturels et jugements religieux.

Le roman, disais-je plus haut, est parfaitement réussi en ce qui concerne les portraits. Les personnages ont les défauts de leurs qualités, leur bonheur provoque paradoxalement leur malheur (je pense ici à Hortense et à son époux). La cousine Bette constitue un personnage ambigu : sa vengeance ne tombe pas complètement du ciel, il y a un contexte fort défavorable pour elle et l'on peut se demander quelle est la responsabilité de ses parents dans le ressentiment qu'elle éprouve pour Adeline. Il n'en reste pas moins qu'elle est habitée par une soif de pouvoir malsaine, démontrée par sa relation avec Wenceslas, l'artiste qu'elle soutient, soigne et torture en même temps.

Voilà ce que j'ai apprécié dans ce roman : il plonge au fond des coeurs pour nous les livrer dans ce qu'ils possèdent de pur et de noir. Evidemment, ces nuances ne sont pas également réparties entre les personnages et j'avoue mépriser le baron Hulot.

Un autre des points forts de ce roman réside dans ses dialogues. Plusieurs scènes sont traitées comme des scènes de théâtre, ce qui dynamise le texte et l'action, les rendant plus prenantes.

Et puis, c'est très sexuel, comme roman.

-Pardon ? Balzac ? Sexuel ?!

-Oui, bon, pas de façon explicite, bien entendu, nous sommes en 1846 quand même. Toutefois, il est plaisant de repérer les sous-entendus, les métaphores dissimulant la vérité crue et nue.

Il reste une dernière chose que je voulais mentionner : l'humour.

-L'humour? Ah, parce que maintenant, Balzac, ce poids lourd de la morale, de l'analyse psychologique, devient un blagueur faisant rire les foules ? Ben j'aurais tout lu, Déidamie.

-Non, tu exagères ! Bien sûr que non, tu ne vas pas trouver des boutades désopilantes à la façon d'un humoriste maître de l'art du stand-up. Cependant, tu vas lire dans ce roman des tournures pince-sans-rire, une ironie discrète, de l'humour authentique, mais appliqué en touches légères et subtiles, parfois si ténues qu'elles ne se remarquent qu'à la deuxième lecture. Je regrette, quand la cousine Bette foudroie du regard sa bobine, cela me fait sourire.

La cousine Bette est un roman incroyablement riche par son style et ses portraits approfondis. Oui, le texte est pessimiste, parfois alourdi par des réflexions désuètes et des allusions bibliques ou antiques (qui connaît encore aujourd'hui Combabos* ?), je le reconnais. D'un autre côté, il offre une exploration extraordinaire de la société du XIXe siècle avec une prose intelligente et complexe.

-C'est beau, quoi.

-Oui, voilà. C'est beau. »

*Combabos (résumé rapide) : son roi le chargea d'escorter la reine Stratonice, désireuse d'élever un temple à Hiérapolis. Terrifié à l'idée de trahir le roi, il se coupa les parties génitales avant de partir. Lorsqu'il fut accusé d'avoir couché avec la reine, il put aisément prouver son innocence.
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