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Critique de Lucilou


De tous les romans de Honoré de Balzac que j'ai lus et aimés, " La Peau de Chagrin" est l'un de ceux qui marque . Je viens de le refermer, après une troisième lecture et j'en suis encore captive.
Le roman s'ouvre sur une maison de jeu dans laquelle jouent et se perdent d'inquiétants joueurs aux mines maladives, des habitués rusés, un public assoiffé du désespoir des perdants. Raphaël de Valentin, pâle archange un peu faible, entre et joue son dernier argent. Il perd... et décide qu'il est temps de mourir. Il se jettera dans la Seine, mais avant il déambule dans un Paris crépusculaire et froid. Pour se réchauffer une dernière fois, il entre dans la boutique d'un antiquaire qui recèle de multiples merveilles, vestiges d'anciennes civilisations ou de contrées exotiques, chères aux romantiques. L'antiquaire, homme mystérieux mas qui deviendra finalement très humain plus tard dans le roman, vend à Raphaël une peau de chagrin. Objet magique, inquiétant, elle a le pouvoir de réaliser tous les voeux de son propriétaire mais à chaque souhait exaucé, elle réduit et ajourne la vie de celui qui la possède... Ainsi commence "La Peau de Chagrin", par un jeune homme désespéré et un pacte qui n'est pas sans évoquer Faust.
Le roman se divise en trois parties: la première court de la maison de jeu à une ahurissante soirée, fruit de la peau. La seconde constitue un récit de Raphaël lui-même qui explique à un ami ce que fut son enfance et sa jeunesse. La troisième, elle, moins resserrée, narre la suite du destin de Raphaël.
Ce que le roman a de particulier est avant tout ce mélange de réalisme et de fantastique qui le nimbe. Balzac peint la société des années 1830 avec une finesse et une acuité dont il ne se dépare jamais: les conversations des convives du dîner, les avancées scientifiques et les théories... On y trouve même les traces des soubresauts politiques de l'époque. Pourtant, au coeur de ce tableau qui rappelle parfois "Le Père Goriot", il y a cette peau inquiétante qui réalise les voeux, que rien ne peut détruire (ni la chimie, ni la physique, ni la mécanique). Même dans la réalisation des plaisirs, des désirs, elle n'a rien d'une magie bienfaisante, rassurante. Non, elle agit avec une profusion malaisante, étouffante... Raphael lui-même ne s'y trompe pas.
Autre point fort du roman: ses personnages. le marquis de Valentin est complexe: j'ai souvent envie de le secouer tant il est mol, pleurnichard, naïf. Il est pourtant désarmant de pureté et la folie qui l'étreint à la fin du roman le rend digne d'un personnage de Byron et lui confère une belle épaisseur. Les personnages féminins sont moins complexes mais cohérents, bien construits: la douce Pauline bien sûr mais aussi et surtout Feodora (suis-je la seule qui aimerait en savoir plus sur elle? Son passé? Son avenir?). Rastignac est également de la partie, différent de ce qu'il sera par la suite, mais toujours extrêmement vivant, combatif. A titre personnel, j'ai un faible pour le père de Raphaël qu'on vit peu mais qui me touche beaucoup pourtant...
Enfin, un mot de la langue De Balzac, riche, opulente, chatoyante. Une langue toute romantique finalement, au service d'un intrigue troublante et des questionnements philosophiques qui lui étaient chers: peut-on tout posséder? Peut-on être heureux quand on a tout? Peut-on vivre vraiment? Pouvoir ou vouloir?
Un roman complexe, profond et très beau. Un grand Balzac... même s'il ne me bouleverse pas autant que "Illusions Perdues"...
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