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Critique de elea2020


Enfin, je me suis attaquée à La Peau de chagrin, qui a croisé maintes fois ma route en m'envoyant des signaux - et je ne regrette pas.
J'y ai retrouvé le Balzac romantique des premiers romans, pas romantique dans le sens sentimental, mais bien dans le sens littéraire, tant l'auteur sait manier le contraste, la force des passions, aussi bien qu'il évoque la tentation de l'absolu. Mais déjà point le grand auteur, maître de l'analyse psychologique, presque inégalé, sinon par les auteurs russes, comme Tolstoï ou Dostoïevski.

Le personnage dont le roman adopte le point de vue est un jeune marquis, Raphaël de Valentin, prématurément ruiné par la maladresse de son père. le jeune homme connaît la misère, car il a dû commencer sa vie en remboursant les dettes parentales. de quoi vous dégoûter de la vie, d'autant plus que son père était un homme sec, austère et autoritaire. Raphaël fera contre mauvaise fortune bon coeur, et vivra quelques belles années dans un galetas sordide, embelli par ses études philosophiques, et par la présence de deux belles âmes, la jeune Pauline et sa mère, ses logeuses, aux petits soins pour lui.
Pourquoi faut-il alors qu'il rencontre, par l'entremise du tentateur Rastignac (intéressant personnage que j'ai hâte de retrouver), la troublante Foedora, surnommée "la femme sans coeur", dans la partie centrale du roman ? Foedora qui le mène à sa perte, car pour lui plaire il a besoin d'argent, et pour ce faire, il est prêt à perdre son âme...

Autrefois, j'avais cette vision De Balzac répandue : passons les 40 premières pages avant d'entrer dans l'action, après ça ira mieux... - eh bien non, pas du tout en fait, je me suis sentie vite prise par la main, emmenée dans cette promenade, à travers des tableaux de la société parisienne du début du XIXe siècle, mon siècle préféré. Je me suis passionnée pour cette rencontre ésotérique avec le vieil antiquaire, pour la peau de chagrin, ou d'onagre, âne sauvage quasi mythique en Orient, laquelle peau rétrécit en fonction des voeux émis par son possesseur, processus devenu si connu qu'il a donné une expression courante : "se réduire comme une peau de chagrin". C'est dire la puissance, l'ampleur de ce roman, dont la portée, le symbolisme, débordent sur notre vie, longtemps après sa publication.

Il a eu pour moi une telle importance que, malgré mon expérience dans la vie, j'ai eu l'impression d'en apprendre beaucoup sur l'homme, sur la société des hommes ensemble, sur les choix de vie qui s'offrent à nous, ascétisme ou intempérance, dissipation, concentration ou dispersion, solitude ou sociabilité, et ces sujets cruciaux que constituent la mort, sa place dans la vie, ou plutôt la valeur que sa présence donne à la vie. Balzac nous parle encore de l'amour, de ce que nous sommes prêts à lui sacrifier, sous l'emprise d'une personne aimée à sens unique, alors que lorsqu'il est partagé, il nous enrichit encore, il rayonne sur notre vie.

C'est encore un roman-monde, un roman-système : Balzac y a de nombreux porte-paroles, qui exposent des théories aussi diverses qu'érudites (mais jamais ennuyeuses) sur la médecine, les sciences, l'histoire, l'économie politique... Il se fait aussi, à l'occasion, mais sans lourdeur, avec une profonde originalité, moraliste, nous laissant un précieux bagage pour continuer notre route. Balzac est sensible, atypique, magistral, et j'ai pris toute la mesure de ce qu'est un grand classique : à tout âge on peut le lire, le relire, en faire son miel, y trouver des leçons, des plaisirs divers, à commencer par cette langue magnifique, d'autant plus adorable qu'elle a ses défauts, mais ses défauts bien à elle, qui nous la font aimer encore davantage.

Dois-je préciser que c'est un coup de coeur ? Je ne suis pas prête de faire disparaître les romans de Balzac de mes étagères.
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