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Critique de Merik


Merik
11 novembre 2023
Qu'est-ce qui nous incite à lire un livre et nous accrocher, en abandonner un autre ?
(Petite question vaine et sans importance que je me suis posée après cette lecture, précédée d'une autre, abandonnée)

Tombé il y a deux semaines sur un exemplaire jauni de celui-ci dans une boîte à livres, des effluves de jeunesse se sont paradoxalement éveillées en moi. de bons souvenirs de lecture post-bac, j'aimais de temps en temps me plonger dans la prose balzacienne en compagnie du cousin Pons, du père Goriot, d'Eugénie Grandet et d'autres. Je l'ai de suite commencé, dans une sorte de frénésie teintée de nostalgie. Bon, voilà. de là à dire qu'il m'a passionné nécessiterait d'occulter les efforts de concentration qu'il m'a demandé pour pouvoir suivre les sentiments emberlificotés dans l'amour platonique entre le narrateur Félix, et la comtesse Henriette de Mortsauf. Pour tout dire, j'ai même failli abandonner à la première partie, connaissant à l'avance les grandes lignes de la suite. Mais je me suis accroché, c'est quand même un classique, et j'ai finalement mieux goûté les sentiments comme les émotions, les descriptions de la Touraine, les façons de la cour dans la deuxième partie et la montée à Paris de notre héros, avant la dernière et sa plongée dans le vertige des sens. Sans parler du final – ha ha clap clap Honoré, qui nous sort du romantisme exacerbé par une morsure d'ironie.Tout a déjà été dit, notamment sur les porosités avec la vie amoureuse De Balzac. On pourra néanmoins lire ce roman en s'amusant de la prose d'une époque, dans une narration sourcilleuse de détails lyriques pouvant s'étirer à l'infini dans les circonstances (et les relatives) d'une simple parole. Exemple :
« – Madame a raison, dis-je en prenant la parole d'une voix émue qui vibra dans ces deux coeurs où je jetai mes espérances à jamais perdues et que je calmai par l'expression de la plus haute de toutes les douleurs dont le cri sourd éteignit cette querelle comme, quand le lion rugit, tout se tait. [...] ».
Formidable phrase à quoter (à se demander si Balzac n'a pas fait un pari avec ses potes) : quatre pronoms relatifs simples y sont présents ( qui que où dont... Mais où est donc passé quoi ?), il ne manque qu'un relatif composé à mon goût (par exemple un duquel, ça aurait été la cerise sur le gâteau à la saveur duquel j'eusse défailli)

Mais revenons à ma question sans intérêt. Dernièrement, j'ai abandonné un roman contemporain, très court et à l'opposé de celui-ci sur l'échelle de l'exaltation des sentiments et du style, « L'amour » de François Bégaudeau. Passé plus ou moins à côté, j'ai surtout eu vite marre de ce roman malgré sa brièveté, marre d'une description factuelle de la vie des « amoureux », à travers les objets, l'organisation pragmatique de leur vie de couple. Un mauvais roman ? Je n'en sais rien, mais ses 90 pages m'ont paru ennuyeuses, et surtout peu intéressantes. En mettant Bégaudeau à côté De Balzac, il me semble qu'on n'est pas loin de deux pôles extrêmes sur la manière de raconter l'amour à travers les siècles. L'une sociologique à l'excès (même si paraît-il l'émotion surgit au final), l'autre idéologique à l'extrême. L'une ciselée à l'antre de la modernité, l'autre travaillée à la sueur de la bougie et du café. Sans être réfractaire aux nouveautés (je lis plus de néo-romans que d'anciens), je vote pourtant pour le plus ancien. Quant à savoir pourquoi exactement, il me faudrait pour en être certain pouvoir démêler les aléas de la motivation ou les fluctuations de l'envie dans une période peu propice pour moi aux lectures facilement concentrées, mais mon petit doigt me parle néanmoins de simple plaisir de lecteur, peut-être un brin maso à vouloir déchiffrer une écriture entremêlée dans l'écheveau des âmes et des sens d'un classique du 19ème, quand le sentiment de perdre son temps fait vite son apparition avec le moderne, couru d'avance sur les chemins soporifiques d'une sociologie plate, réduit à peau de chagrin avec son style documentaire.
Bref, vive Balzac et les classiques (de temps en temps).
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