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Critique de Lucilou


Revenir à Balzac parce que cela faisait trop longtemps et pourtant, dieu sait si je l'aime.
Revenir à Balzac parce que découvrir ses personnages coup sur coup sur grand écran d'Eugénie Grandet à mon très cher Lucien de Rubempré m'a rappelé combien j'aime sa Comédie Humaine et ses acteurs, son regard de maître sur la société, ses arcanes et sur les passions qui la secouent parfois et combien le XIX°siècle m'est cher en littérature.
Revenir à Balzac donc et découvrir "Mémoires de deux jeunes mariées" dont j'ignorais tout et m'en délecter, pas autant que du "Père Goriot" ou des "Illusions Perdues", mais quand même.

Paru pour la première fois sous forme de roman feuilleton en 1841, "Mémoires de deux jeunes mariées" est le seul roman épistolaire d'Honoré de Balzac qui y met en scène l'échange entre Louise de Chaulieu et Renée de l'Estorade pendant près de quinze ans.
De la première lettre datée de septembre 1823 qu'adresse Louise à Renée, on apprend que les deux (encore) jeunes filles se sont connues et sont devenues amies au couvent dont elles viennent de sortir. La blonde Louise, issue de la très haute aristocratie -de celle qui crut si fort en la Restauration- a rejoint sa famille à Paris où elle fait son entrée dans le monde de soirées à l'opéra en soupers fins, de bals en promenades au bois en coupé élégant, frayant avec les plus hautes sphères. La jeune fille n'aspire qu'à deux choses: elle veut devenir quelqu'un et surtout elle veut trouver l'amour, le vrai, le grand, celui qui bouleverse et qui dévaste. La passion. Elle veut aimer à s'en pâmer un homme qui lui donnerait tout, son coeur, son sang et sa vie, un peu comme dans la chanson de Bryan Adams.
Renée la brune, elle, est retournée dans sa Provence natale et s'est laissée marier sans passion à Louis de l'Estorade, un homme falot quoique riche, un parti acceptable. Son époux l'aime, lui et si cet amour n'est pas payé de retour et semble bien triste, cela n'empêche pas Renée de prendre son parti de la situation, au contraire. Elle conclut avec son mari une sorte de pacte: contre sa main, la liberté d'organiser leur vie commune comme elle l'entend et de faire de leur domaine provençal le lieu le plus parisien qui puisse se trouver au coeur des collines.
La correspondance des deux amies qui s'étire de 1823 à 1835 nous donne à voir les deux chemins extrêmement différents empruntés par Renée et Louise ainsi que deux visions diamétralement opposées du mariage.

La sage Renée s'oppose à Louise la passionnée dans un échange complexe, profond et véritablement captivant, si prenant même qu'il se dévore d'une traite à l'issue duquel la gagnante n'est peut-être pas celle qu'on croit (quoique...).
Si Madame de l'Estorade semble d'emblée la moins favorisée par le sort, si elle n'a pas la flamboyance de Madame de Macumer, elle n'en paraît pas moins heureuse, au contraire, et sa raison ne la pousse finalement pas à exiger moins de la vie que son amie. Elle procède juste différemment...

Drôle de duo que celui de Louise et de Renée qui malgré d'irréconciliables divergences d'opinions reste soudé par une amitié touchante et pleine, comme la littérature classique en décrit d'ailleurs fort peu quand il s'agit de la conjuguer au féminin.
Drôle d'échange qui interpelle, captive et pousse à la réflexion aussi sans manichéisme ou facilité. Au contraire. Il suffit d'ailleurs de tomber sur cette phrase magnifique d'Honoré de Balzac à George Sand quand on a cru trouver une clef de lecture pour avoir envie de retrouver Louise et Renée et de se replonger dans leur correspondance: "J'aimerais mieux être tué par Louise que de vivre longtemps avec Renée".

Une merveille de finesse et d'élégance, un chef d'oeuvre méconnu.
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