Les femmes n'avaient pas le droit de lire.
Les femmes n'avaient pas le droit de choisir leur mari, leur métier, leur avenir.
Pas le droit de plonger pour pêcher des perles ou vendre des biens au marché pour aider leur famille.
Pas le droit de se couper les cheveux à moins qu'un homme ne le leur demande.
Pas le droit d'avoir des idées.
Pas le droit de choisir.
Dans toutes les histoires, les femmes abandonnent tout, dit Maris d’une voix étranglée. On est censées céder, toujours. Et ne jamais se battre. Pourquoi, à ton avis ? — Parce qu’ils ont peur de ce qui se passerait si on le faisait.
Pour toutes celles à qui on a dit de s’asseoir et de se taire… et qui sont restées debout.
Ce n’est pas un choix quand on n’a pas la possibilité de dire non. Un oui n’a pas la même valeur quand c’est la seule réponse à laquelle on est autorisé !
- Mon père répétait souvent que l'oppression n'est pas un état définitif. C'est un poids que l'on porte jusqu'à ce qu'il devienne trop lourd... et qu'on s'en déleste. Cela ne se fait pas sans peine ni douleur, mais il était convaincu que ce poids serait toujours, toujours, combattu et renversé au bout du compte.
La loi interdisait aux femmes de lire. La loi leur interdisait presque tout, en réalité, à part enfanter, se tuer à la tâche dans des usines et nettoyer les maisons des riches.
– Tous tes rêves sont hors de notre atteinte, l’interrompit Serina, lassée de l’aigreur de sa soeur. Tu ne pourras jamais choisir ton métier ou ton mari, ni… ni rien d’autre. Ca ne marche pas ainsi.
Ce n’était quand même pas la faute de Serina si Viridia n’accordait que très peu de libertés aux femmes. Elle avait appris il y avait bien longtemps que s’y opposer ne servait à rien. Elle préférait donc tirer le meilleur parti de ce qu’elle avait. Et elle avait une chance de devenir l’une des femmes les plus vénérées de tout le pays. Si l’Héritier la choisissait, elle pourrait, qui sait, donner le jour au futur Supérieur.
– Rien ne devrait être hors de notre atteinte, voilà ce que je pense, dit Nomi.
La valeur d’un homme peut se mesurer à l’importance qu’il accorde à ses semblables et aux animaux.
Les femmes ne se battaient pas. Jamais. Ni contre les hommes, ni entre elles. La violence était toujours sanctionnée par la plus stricte des punitions. Serina avait entendu des histoires de femmes ayant voulu se défendre seules : une cousine éloignée qui s’était révoltée contre un mari colérique, une fille de l’usine textile qui avait giflé un homme cherchant à lui voler un baiser. Toutes avaient été sévèrement punies. Fouettées, emprisonnées… envoyées au Mont Destruction ou dans une prison semblable.
Nous ne sommes pas des fleurs, affirma-t-elle. Tu l'as dit, Oracle, nous sommes la brique et le fil barbelé. Nous sommes le fer.