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Critique de Charybde2


9ème et sans doute hélas ultime roman de la "Culture" : apothéose de la curiosité moteur de la vie.

Publié en octobre 2012, le neuvième roman du cycle de la Culture pourra (hasard de l'écriture...) faire figure d'apothéose pour Iain M. Banks. Pas nécessairement en termes de pure qualité narrative ("Une forme de guerre" reste difficile à égaler) ou de machiavélisme noir de l'intrigue ("Excession" ou "Des enfers virtuels" sont de sérieux concurrents), mais parce que cet (hélas très probablement...) ultime roman met sans doute en scène le coeur même de la Culture, ce qui au fond la fait exister et avancer, à savoir la curiosité comme art de vivre et de penser.

Les Gzilt, une civilisation fort proche et d'un niveau technologique sensiblement équivalent à la Culture, qui furent même, des centaines d'années auparavant, au nombre des systèmes ayant discuté ensemble de la fondation de la Culture elle-même, avant finalement de décliner poliment l'offre qui leur fut faite de se joindre au creuset en création, se préparent à "sublimer", à rejoindre ce stade ultime des populations qui ont tout vu, tout entendu, tout fait, et qui aspirent collectivement à se dissoudre dans ce mystérieux nirvana où les ont précédé tant d'autres civilisations du plus haut niveau de technologie et de maturité.

Une jeune réserviste de l'Armée (dans cette société Gzilt qui présente le curieux miroir militaro-techno-démocratique du communisme libertaire de la Culture, tout citoyen ou presque est réserviste), avant tout musicienne en voie de réaliser, juste avant la Sublimation, l'oeuvre de sa vie, à savoir une exécution parfaite de la légendaire et réputée injouable sonate Hydrogène du compositeur T.C. Vilabier, va se trouver bien malgré elle entraînée dans un tourbillon totalement frénétique, à quelques jours du point final de sa civilisation, engendré par une folle quête de vérité "in extremis", où l'on découvrira à ses côtés le jeu forcené des factions gzilt ayant décidé de promouvoir envers et contre tout la sublimation, l'étrange périple d'un ermite de la Culture à la longévité surprenante, et qui pourrait à ce titre détenir dans sa monstrueuse mémoire des secrets fondateurs que l'on croyait oubliés de tous, et enfin, toujours, le charme et le ravissement d'un groupe informel d'IAs de la Culture (lointaine réminiscence des cercles ad hoc d' "Excession") bien décidés à SAVOIR et COMPRENDRE ce qui se passe...

Banks étant un vrai romancier, les réflexions intenses qu'engendre la lecture ne sont jamais chez lui présentées en digressions indigestes ou en bavardages d'essayiste, mais bien tissées dans la trame même du récit : rôle social et psychologique d'un outre-monde, fatigue morale d'une civilisation, inventivité et curiosité comme moteurs (et au passage, comme condition nécessaire de la possibilité d'IAs fortes et bonnes, pour verser sa pièce au débat "Strong AI / Friendly AI" qui continue à enflammer cogniticiens, prospectivistes et chercheurs en singularité)... tout cela nous rappelle une fois de plus que Banks, pour avoir choisi un "théâtre des opérations" situé "ailleurs et demain", et comptant parmi les plus flamboyants, efficaces et intelligents des space operas, nous parle toujours et avant tout d' "ici et maintenant".

Banks est grand, je le savais, et il ne m'aura donc jamais déçu.
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