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Critique de Kirzy


Voilà un ouvrage universitaire de grande qualité qui ambitionne de restituer les événements de mai 68 dans toute leur profusion et leur vitalité.

L'historienne Ludivine Bantigny est sortie des sentiers battus et rebattus.
C'est sans doute l'aspect qui m'a le plus intéressé, cette façon de se défaire de nombreux clichés et caricatures.

Mai 68 ce n'est pas :
- que Paris et le quartier latin, là on sillonne toute la France y compris la plus rurale qui elle aussi a été secouée
- qu'une affaire d'étudiants privilégiés, j'ai découvert toute la diversité sociale qui était présente sur les barricades, des ingénieurs, des brancardiers, des serveurs ; comment les paysans et ouvriers ont fait convergé leur lutte vers celles des jeunes. L'auteur nous raconte en détails d'incroyables rencontres entre des univers sociaux qui ne se croisaient jamais.
- l'amorce d'un individualisme forcené lié au néo-libéralisme, c'est avant tout l'essor d'un collectif qui bouillonne de projets pour changer la vie. de nombreux chapitres permettent de parfaitement sentir toute cette ambiance foisonnante, comme une immense conversation politique qui aurait saisi le pays.
- un anachronisme dans les Trente Glorieuses, au contraire, on sent sourdre dès le début des années 1960 une angoisse du chômage, 5 millions de personnes tout de même. L'ANPE a été créée en 1967, ce n'est pas un hasard.

J'ai grandement apprécié la partie sur « l'expérience sensible du politique » et notamment les chapitres consacrés aux émotions et au corps, comment il peut exulter en tenant un pavé dans la main tout en tenant une barricade. Je me suis marré en lisant les anecdotes très croustillantes sur les arcanes du pouvoir. Savoureuse réponse de de Gaulle à son ministre de l'Intérieur Christain Fouchet qui lui annonce que les forces de l'ordre sont traumatisés : « Mais Fouchet, traumatisées, qu'est-ce que ça veut dire ? Et bien, Fouchet, il faut faire ce qu'il faut avec la police, il faut lui donner de la gnôle ! Comme on le fait toujours pour les combattants des tranchées. »

Bref, j'ai appris énormément de choses en lisant cet ouvrage, j'ai ressenti toute la dimension multiple de ce mouvement social inédit et le grand ébranlement qu'il a été.

Ludivine Santigny a abattu un énorme travail documentaire : en plus des archives départementales de toute la France, elle a dépouillé des archives inédites : celle de l'Elysée, des RG et de la police. C'est un ouvrage très dense donc qui ne se lit pas comme un roman mais comme un livre universitaire.
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