Nous ne savons rien, l’histoire est mensongère et l’amour n’existe pas, mais parfois il suffit de la peur, la peur comme le fil d’or d’une fable, pour retrouver toutes les réalités perdues ; la vérité, la science, l’amour. Au moindre signe suspect, la peur engendre une constellation de villes possibles. Faites peur à quelqu’un capable de les construire et vous aurez le monde.
Comment Guastavino voit-il New York pendant ces deux années qu’il passe seul, séparé de l’enfant et dirigeant de petits chantiers ici et là? Pas comme nous, bien sûr, de cette façon mi-soumise, mi-cynique avec laquelle nous regardons New York, toujours conscients de notre ambivalence mais en baissant la tête parce que la majesté n’admet pas de réplique. Pour Gustavino, cela ne devait pas être aussi simple. Nous l’imaginons songeant qu’il avait peut-être jugé trop vite cette ville qui engloutit chaque semaine deux milles personnes et laisse Dieu sait où ces visages chinois, noirs, turcs, centreuropéens, anglo-saxons, mijotant à petit feu dans un melting-pot démesuré.