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Critique de Isidoreinthedark


Le roman de Tom Barbash, auteur d'un recueil de nouvelles douces amères « Les lumières de Central Park », se déroule en 1980 dans le Dakota Building où vivait John Lennon et sur lequel plane l'ombre inquiétante du film de Polanski « Rosemary's baby ».

Le narrateur, le jeune Anton Winter, de retour d'une mission humanitaire en Afrique où il a été terrassé par le paludisme, vit avec sa famille dans le célèbre immeuble qui jouxte Central Park. Il s'efforce de relancer la carrière d'animateur télévision de son père Buddy qui a subi un violent coup d'arrêt suite à une dépression aussi soudaine que spectaculaire.

Beautiful Boy est un livre atypique, presque immobile, parfois déroutant, souvent nostalgique, qui explore la psyché de ses protagonistes avec une touchante finesse. L'absence de tension du récit fait toute l'originalité de l'ouvrage, qui cache son jeu et son ambition derrière le minimalisme de l'arc narratif réduit à la traversée du désert toute relative de Buddy Winter. Tom Barbash tente en effet de nous dépeindre l'envers du décor, de nous faire traverser l'écran, à la manière de l'héroïne du film de Woody Allen « La rose pourpre du Caire », de nous faire ressentir ce qui se jouait en 1980, derrière les apparences, les paillettes et les faux-semblants.

Le roman protéiforme aborde la course à la primaire démocrate ratée de Ted Kennedy dans laquelle la mère d'Anton s'est investie, et en creux l'élection d'un acteur de seconde zone qui marquera le début du tourbillon libéral des années 80. Il traite des affres de la célébrité en s'attardant sur le parcours de John Lennon qui reprend vie après une longue période d'isolement sans se douter que Mark David Chapman rôde au bas du Dakota. La relation filiale et la question de l'inversion des rôles sont évidemment au coeur du récit, qui oscille entre un père un peu perdu et un fils aimant qui réalise peu à peu qu'il risque de se perdre à trop vouloir aider ce père encore flamboyant et tant admiré. Beautiful Boy revient enfin longuement sur l'enfance et sa part de rêve, et frôle le rivage de l'uchronie lorsqu'Anton qui s'est lié d'amitié avec Lennon tente de reformer les Beatles le temps d'une émission qui redonnerait son lustre d'antan à son paternel à la dérive.

Du haut de ses vingt trois printemps, le narrateur pressent que le New York qu'il a toujours connu, ses artistes bohèmes, ses camés, sa violence aussi, va bientôt perdre son âme au profit d'un enrichissement sans fin et d'une propreté aussi impeccable qu'aseptisée. Derrière l'apparente légèreté, l'élégance et l'humour des protagonistes se cache la malédiction qui plane sur le Dakota Building. Et ce roman sans suspense serre pourtant le coeur, lorsqu'il nous rappelle que l'assassinat de John Lennon en décembre 80 marque la fin irrémédiable d'un rêve tumultueux et joyeux né au début des années soixante lorsque les Beatles jouaient sans fin dans les clubs interlopes d'Hambourg.
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