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Critique de colka


colka
12 novembre 2017
Ce livre est un brûlot ! C'est en tout cas ce que j'ai ressenti à sa lecture, tant j'ai eu besoin, à certains moments de faire une pause. Son personnage central, Suzanne poète et peintre québécoise est une une femme rebelle, transgressive, en fuite perpétuelle et c'est aussi la grand-mère de la narratrice. Et grâce au talent de cette dernière, j'ai été happée par l'histoire de Suzanne. Au fil de chapitres courts, de phrases nerveuses à l'écriture tantôt rude : "Mais dans ta bouche le goût de merde et de vies écorchées s'accroche" tantôt imagée :" il sait dans quels mots il marche" elle nous permet de suivre sans la lâcher, l'histoire tragique de cette femme hors du commun.
Sans doute l'emploi du "tu" qui scande tout le récit y est-il aussi pour beaucoup car il maintient constamment un dialogue tendu entre la narratrice, le lecteur et Suzanne. On sent fortement chez Anaïs Bardeau la volonté de tout dire en ne cachant rien des faits et gestes de cette grand-mère iconoclaste, même lorsqu'il s'agit des épisodes les plus terribles de sa vie :"Ce matin-là, sur un chemin de terre sans fin, tu lui passes la corde au coeur, tu lacères ce qui la relie au monde" écrit-elle en évoquant l'abandon de Mousse, la fille de Suzanne et sa propre mère. Mais l'on n'est jamais complètement dans le réquisitoire car elle sait également nous faire admirablement ressentir les déchirements auxquels Suzanne a été confrontés et qu'elle a déversés dans la peinture : "Tu largues ton saccage intérieur sur de la toile, tu suis le métronome anarchique de tes tripes qui là seulement se dénouent."
Ce qui est fascinant, est que sous la plume de l'auteur, Suzanne devient une héroïne tragique cernée pas la mort -celles qui vont jalonner son chemin de vie ; Muriel, Claude, Gary - et condamnée à une extrême solitude dont elle est en partie responsable tant elle a passé son temps à rompre les amarres mêmes celles auxquelles elle tenait le plus : "Tu attends l'autobus. Dévidée. Lestée. Seule au milieu des rafales."
Ce récit sous tension ne nous épargne rien des errances de Suzanne qui va vivre une partie de son existence allant d'une ville à l'autre, d'un amant à un autre. Il ne nous cache pas non plus ces moments de vie où elle va se perdre dans le sexe, l'alcool, la violence et dont elle aurait pu ne pas sortir indemne. Cela donne lieu à des scènes à la tonalité à la fois épique et fantasmagoriques comme celle de Harlem en feu, ou celle de l'attaque d'un autobus d'antiracistes par des membres du KKK.
La fin du récit va decrescendo et les derniers chapitres consacrés à la fin de vie de Suzanne marquent un apaisement. Pas seulement dans les faits - elle va sortir de la folie grâce à la pratique du zen - mais aussi dans la relation de la narratrice avec sa grand-mère. le " tu" va se conjuguer avec le on et le je. Et la narratrice, dans une dernière page que je trouve très émouvante, va inscrire son aïeule dans son histoire familiale tourmentée en même temps qu'elle devient mère.
La boucle est bouclée....
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