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4,05

sur 771 notes
Voici un livre fascinant, déchirant, émouvant, beau et cruel qui raconte d'une manière directe, sans fard, à la deuxième personne , à la fois brutale et intime , le destin d'une femme hors norme, explosive, tourmentée .....qui abandonna ses enfants.....pour suivre radicalement sa voie !
Artiste passionnée , à la recherche d'elle même, sensuelle, tactile....fugitive, Suzanne assoiffée de liberté :poète , peintre, amoureuse, militante, Errante, part toujours, ne veut pas prendre racine, n'aime pas ce qui est" fixe,"cherche à aller toujours plus loin, ressent un furieux et sauvage besoin de libération, ne laisse pas de traces........

L'écriture forte, directe, envoûtante, , faite de chapitres courts mais intenses vous happe et vous transporte dans le Québec des années 40 où les artistes muselés respiraient peu au sein du mouvement des Artisans du Refus Global !
C'est aussi l'histoire d'une femme Anais -Barbeau- Lavalette qui parle à sa grand- mère qu'elle n'a pas connue comme si elle voulait effacer la douleur de sa propre mère , blessée à jamais .......
Une oeuvre originale , puissante, remarquable qui revisite avec talent , finesse, subtilité, douleur, les liens familiaux, la création, la liberté, la maternité, l'abandon , la tristesse , le déchirement .....

Un coup de coeur pour un ouvrage qui raconte notre histoire à "nous les femmes" et que chacune pourrait ou devrait lire entre fiction et réalité historique !
Mais je ne suis pas Canadienne !


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La femme aux semelles de vent.

Grâce à ce livre d'Anaïs Barbeau-Lavalette mêlant fiction et éléments biographiques, j'ai fait la connaissance d'une femme fascinante, Suzanne Meloche.
Poétesse et peintre dans la lignée du mouvement automatiste québécois de Paul-Emile Borduas, elle est l'auteure des « Aurores fulminantes », poème saturnien aux couleurs surréalistes .
Suzanne Meloche est aussi une femme mystérieuse et insaisissable, difficile à cerner ayant confié ses deux enfants Mousse et François en bas âge à de la famille par peur de la misère . Un état transitoire qui devient un abandon car Suzanne Meloche refusera jusqu'à sa mort de parler à sa fille et à ses petits enfants malgré leurs tentatives de renouer avec elle.

« Tes poèmes dorment au font de tes poches. Mousse bave dans ton cou .Tu avales la vie des autres et ne sais pas comment construire la tienne ».

Il y a de l'amour pourtant, sûrement. Alors pourquoi ?
Lancinante question que je me suis posée en lisant ce beau texte touchant en forme de lettre adressée par l'auteure à sa grand-mère défunte.

Anaïs Barbeau-Lavallette utilise le tu, va à la rencontre de celle-ci par le biais des documents laissés à sa mort, des photos, des billets de transports (Suzanne voyageait beaucoup entre l'Europe, les Etats-Unis, Montréal et sa terre natale d'Ottawa jusqu'à la Gaspésie) et des témoignages précieux recueillis avec l'aide d'une détective privée.
C'est aussi l'occasion d'approcher l'histoire du Québec des années 1940 jusqu'au début du 21ième siècle, de s'intéresser au manifeste artistique du refus global en 1948 et de ses implications dans la société québécoise.
Les pièces s'assemblent, le portrait d'une femme engagée et insoumise laisse enfin une empreinte, des mots. le texte est la renaissance d'une femme portant sur ses épaules le poids de soumission de la lignée maternelle qui pour s'en échapper ne voyait que la fuite.
Mais ne peut-on pas être libre ensemble ? Conjuguer le je avec le nous, un vaste défi.

J'ai ressenti de l'affection dans les mots dédiés à une grand-mère et une grande empathie envers toutes les femmes qui subissent le poids des aliénations domestiques ou religieuses.

C'est une lettre profondément touchante.
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À la mort de sa grand-mère, qu'elle n'aura vu que trois fois dans sa vie, Anaïs Barbeau-Lavalette s'interroge sur cette femme insaisissable, inconnue, fuyante, intrigante, presque détestée. En vidant son appartement, elle tombe sur des photos, des lettres, des coupures de journaux. Pour essayer de la rattraper avant que celle-ci ne lui échappe complètement, l'auteure fait appel à une détective privée. Ainsi en apprendra-t-elle davantage sur elle. Sur sa vie, son mari, ses enfants, sa poésie, sa peinture, sa révolte...

Dans une longue lettre qu'elle lui adresse directement, l'auteure tente de dépeindre la vie de sa grand-mère, Suzanne Meloche. En de courts chapitres, Suzanne se dessine peu à peu. Artiste dans l'âme, ayant côtoyé Paul-Émile Borduas (auteur du refus Global), Claude Gauvreau, Jean Paul Riopelle, Muriel Guilbault ou encore Marcel Barbeau (avec qui elle se mariera et aura deux enfants, François et Manon, surnommée Mousse), Suzanne nous apparaît comme une femme libre et libérée, frivole, vivante, rebelle. Désireuse de vivre, penser, agir comme elle l'entend, elle ira jusqu'à abandonner ses deux enfants, quitter le Canada, changer de métier.
L'on peine, malgré tout, à s'attacher à cette femme nous apparaissant finalement peu sympathique et empathique, parfois égoïste malgré sa vie exceptionnelle. Avec ce récit, Anaïs Barbeau-Lavalette ne la juge jamais malgré la douleur infligée à sa propre mère, ne s'apitoie pas. Et ne l'excuse pas pour autant. Ses mots en sont d'autant plus puissants et certainement salutaires.
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̈Régler ses comptes et trouver la juste distance pour que le parler vrai reste ouvert,et que puisse s'y inscrire, progressivement , le visage de l'absente et sa part de liberté.

Jusqu'à ce que le "tu" blessé et meurtri devienne un "tu" empathique et fraternel. Et que se renoue au-delà de la mort, le lien fort et fragile de la filiation.

C'est le pari -réussi- d'Anaïs Barbeau-Lavalette qui, dans un roman très documenté, - elle a même mis une détective privée sur ses traces- écrit une longue lettre à la grand'mère qui les a abandonnees, elle et surtout sa mère, retrouvant ou imaginant les étapes de sa vie dans le Quebec rétrograde de Duplessis, secoué par les ruades de " Refus Global" , mouvement automatiste et artistique contestataire où s'illustrèrent Claude Gauvreau le dramaturge, Muriel Guibault la comédienne, Jean- Paul Riopelle et Marcel Barbeau les peintres, et Paul-Emile Borduas, leur maître à tous.

Tout cela sans recourir au pathos de l'autobiographie- tu nous as abandonnées, ma mère et moi, vois nos blessures- , ni aux ficelles usées de la biographie d'une "scandaleuse" - elle abandonne ses enfants et mène une vie dépravée au sein de la bohème artistique quebecquoise puis new yorkaise.

La "femme qui fuit" s'appelle Suzanne Meloche. Elle a été la femme de Marcel Barbeau, en a eu deux enfants, qu'elle abandonne, elle-même abandonnée à Montréal par son compagnon. Elle part tenter sa chance et tente de trouver sa place jusque dans les bus de l'integration affrontant le Ku-Klux-Klan. Elle va peindre, écrire, aimer, des hommes, une femme. Mais jamais trouver le repos ni la reconnaissance.

Plus qu'une fuite, j'ai vu dans ce livre puissant, charnel et intense, une quête inlassable de soi. Souvent âpre, jamais contentée, toujours déchirée. Celle d'une femme en avance sur son temps, lancée dans l'aventure de la liberté comme la petite chèvre de Monsieur Séguin dans la montagne!

La langue de l'auteure a la verdeur, la fraîcheur et l'originalité de bien des romanciers québécois :elle est la digne petite-fille de Suzanne, la poétesse des "Aurores Fulminantes"! Sincère sans être mièvre, poétique sans être empruntée, lumineuse sans être éthérée.

Suzanne et Anaïs ont entre elles plus qu'une filiation: un langage, une entente, et la plus jeune offre à l'autre la place qu'elle a vainement cherchée.

Elle lui permet d'être "libre ensemble", selon sa belle formule.
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Une femme rebelle que cherche à comprendre sa petite-fille, un texte magnifique.

Je me méfie souvent des auteurs dont j'ai beaucoup entendu parler, surtout lorsque comme ici, il sera question de personnages qui ont une certaine célébrité, car enfin, on parle beaucoup dans la presse « pipole » sans que j'aie vraiment envie d'en lire les histoires…

Mais, sceptique, j'ai été confondue, j'ai été totalement conquise par le roman biographique d'Anaïs Barbeau-Lavallette qui parle à sa grand-mère et raconte au « tu » la vie de cette artiste, de cette femme tourmentée qui sacrifie sa famille et ses amours pour être libre.

C'est le Québec des années quarante où la liberté d'expression est soigneusement encadrée par l'état, avec des livres à l'index et des artistes qui perdent leur emploi ou sont exclus des musées pour avoir osé signer un texte qui remettait en question la docilité du peuple.

L'écriture est belle et l'histoire est touchante. Mais l'auteur ne fait pas de cette femme une héroïne, elle nous en montre les faiblesses et les questionnements aussi bien que les moments de génie.

Une triste histoire, celle d'une femme qui n'a jamais su « être libre ensemble… »
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J'ai du mal à me positionner vis-à-vis de ce roman, l'écriture est agressive, les phrases courtes, sans fioriture ni rondeur, rébarbative en somme ! Je me suis habituée pour pouvoir le finir parce que c'est un cadeau d'une amie québécoise.

Anaïs Barbeau-Lavalette présente la vie de sa grand-mère, qu'elle n'a vu que 3 fois et qui dans les années 40 a fui son mari et mis ses enfants en nourrice parce que pour elle l'herbe était plus verte ailleurs !

Elle va s'immiscer dans un groupe d'artistes peintres et écrivains appartenant au Mouvement automatiste québécois”. Ils rejettent la société régie par les anglais et maintenue sous le joug de l'église ! Ils rédigent le manifeste du Refus global qui les mettra à l'index de la société !

Sans jamais se trouver et en fuyant souvent Suzanne Méloche va écrire des poèmes et peindre.

“Première femme à se livrer à une écriture automatiste, à des recherches phonétiques non éloignées de celles de Gauveau” - François-Marc Gagnon dans Chroniques du mouvement automatiste québécois.

Et pour tout dire je suis restée hermétique à Suzanne et à son art, j'ai eu de la peine pour ses deux enfants et plus particulièrement son fils qui jamais ne trouvera d'équilibre ! Je ne prends pas le parti de la critiquer, chacun est maître de ses choix et de ses peurs !

Challenge ATOUT PRIX 2021
Pioche mai 2021
Lecture THEMATIQUE mai 2021 : Littérature étrangère
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"Tu désertes encore. À couper ainsi les liens, tu te saigneras vivante."

"La femme qui fuit" m'a fait pleurer. C'est l'histoire troublante et vraie de Suzanne Meloche, née en Ontario en 1926, puis racontée à la deuxième personne par sa petite-fille (l'auteure), elle qui a rencontré sa grand-mère tout au plus trois fois dans sa vie. Anaïs, perturbée par la douleur d'un abandon précoce subie par sa propre mère Mousse, tente de comprendre comment un individu peut préférer une vie de bohème à une solide vie de famille. Comment une mère peut-elle simplement faire le choix d'abondonner ses enfants pour se réaliser ?

"Tu entres sans t'excuser d'être là. le pas sûr. Même si ça fait 27 ans que tu n'as pas vu ma mère.
Même s'il y a 27 ans, tu t'es sauvée. La laissant là, en équilibre sur ses trois ans, le souvenir de tes jupes accroché au bout de ses doigts.
Tu t'avances d'un pas posé. Ma mère a les joues rouges. Elle est la plus belle du monde.
Comment as-tu pu t'en passer ?
Comment as-tu fait pour ne pas mourir à l'idée de rater ses comptines, ses menteries de petite fille, ses dents qui branlent, ses fautes d'orthographe, ses lacets attachés toute seule, puis ses vertiges amoureux, ses ongles vernis, puis rongés, ses premiers rhums and coke ?
Où est-ce que tu t'es cachée pour ne pas y penser ?"

Dès l'enfance, Suzanne a tout un caractère. Issue d'une famille nombreuse et dévote, elle grandit pourtant en marge, avec des idéaux bien à elle. À la fois poétesse et peintre dans l'âme, c'est à Montréal qu'elle fera la rencontre de Paul-Émile Borduas, des Riopelle, de Marcel Barbeau et co., cercle d'artistes, auteurs et libres penseurs. C'est avec eux qu'elle s'épanouira vraiment et tracera son chemin. À travers l'histoire de Suzanne, on y découvre des tranches de celle du Québec; questions politiques, religieuses, linguistiques et artistiques des années 1945 à 1970.

Émancipée bien avant son temps, Suzanne refuse toute forme de conformisme et n'aspire qu'à la liberté. C'est une femme bouillonnante, effrontée, talentueuse, qui croque la vie à belles dents et suit ses instincts, ses passions les plus folles, peu importe où ceux-ci la mènent, du moment qu'elle avance. C'est une femme qui a soif d'être vue, entendue, d'attirer l'attention, de déstabiliser, de sortir du lot. Incapable de s'ancrer quelque part ni de s'attacher à quelqu'un bien longtemps, elle fait ce qu'elle veut, quand elle le veut, tirant profit du meilleur, se laissant porter au gré du vent, quitte à tout sacrifier. C'est une rêveuse, une militante, pour qui la routine n'est pas une option. Terrifiée à l'idée de s'engluer dans la normalité, s'asphyxier dans sa propre vie, Suzanne, à qui répugne tout ce qui est ordinaire, fait le choix de fuir...

"La femme qui fuit" raconte beaucoup en peu de mots. Les phrases et chapitres courts suffisent à faire passer le message. le style est péremptoire et pourrait rebuter dans un autre contexte mais ici cela colle parfaitement aux sentiments qui se dégagent du texte. le ton de l'histoire, racontée au "tu", s'entend parfois accusateur, souvent amer (et on peut le comprendre !); parfois il ne fait que relater avec distance comment Suzanne a vécu - selon les recherches approfondies menées par une détective privée. Dès le départ j'ai été ensorcelée par la magnifique cascade de mots, une poésie parfois sans pitié mais tellement poignante.

C'est un livre que j'ai adoré parce qu'il m'a remuée au plus profond de moi-même. L'abandon d'enfants n'est certes pas un sujet facile ni plaisant à aborder et j'ai eu beaucoup de peine pour ceux de Suzanne, marqués à jamais.

Je ne peux que recommander "La femme qui fuit", femme qui aura malgré tout laissé des traces positives, malheureusement peut-être pas assez avec les personnes qu'il aurait fallu...

CHALLENGE PLUMES FÉMININES
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Je ne comprends pas le décalage qu'il y a entre mon ressenti et celui des autres lecteurs qui, à l'unanimité ,ont adoré ce roman. Je n'ai pas été emportée par cette histoire que j'ai lue avec une certaine distance.
Je n'ai que très rarement été en empathie. Seuls le début et la fin m'ont véritablement touchée.
Suzanne est une femme avant-gardiste, elle aime et recherche la liberté ce qui la conduira à abandonner ses deux enfants, dont la mère de la narratrice, pour vivre sa liberté.
Elle ne cessera de changer d'endroits, de métiers, aura diverses relations afin de ne jamais "prendre racine".
Ce roman est intéressant, il aborde les thèmes de la liberté, de l'abandon, de l'engagement, des liens, de l'art et il nous incite à nous documenter sur le surréalisme québécois, le manifeste "refus global" , l'autoomatisme . Toutefois, il n'a pas réussi à me toucher au plus profond de moi comme visiblement les autres lecteurs.
M'interrogeant sur mon manque de sensibilité, j'ai voulu en savoir un peu plus, et j'ai écouté l'auteur Anaïs Barbeau-Lavalette parler de son livre et là, oui, j'ai eu une grande sympathie pour elle et été touchée par ses paroles. Alors, est-ce l'écriture qui ne m'a pas convaincue ?
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Pas d'apitoiement, pas de larmoiement mais plutôt un ton toujours juste, toujours vrai , pour nous parler de cette grand mère que l'auteur n' a pas connue, pour nous parler de cette "femme qui fuit": la mère de sa mère. Un style qui pourrait être repoussant mais au contraire qui nous happe totalement. Ces phrases courtes, ce rythme, ces mots, ce récit nous envoutent et on ne peut plus lâcher cette lecture.
L'auteur s'adresse toujours à sa grand-mère assoiffée de liberté, jamais contentée, abandonnant ses enfants et son mari pour...oui pour quoi ?
Anaîs Barbeau Lavalette nous parle de la douleur de sa mère , de ce trou au coeur et à l'âme qui jamais ne se refermera . Une vie dans l'attente d'une mère. Mais l'auteur nous parle aussi des femmes artistes à une époque où celles-ci devaient rester dans leur cuisine. Suzanne Meloche, qui deviendra Suzanne Barbeau, poète, peintre, amoureuse, militante passera sa vie à chercher, à toujours aller plus loin sans jamais se retourner et à la suivre ainsi, l'auteur nous parle d'une époque.Tout un pan de l'histoire du Québec nous est décrit. On traverse la crise, la guerre, on vit avec les artisans du Refus Global ne pouvant accepter une société vivant dans le passé; on fréquente les ateliers de peintres tels Riopelle, Borduas, Pollock; on est invité aux soirées enfumées pleines des mots et des rêves de Gauvreau et autres poètes; on subit Duplessis, sa noirceur et sa répression. C'est une époque où tout vibre, où tout est à construire au Québec. Et toujours cette femme qui veut à tout prix laisser une marque, participer à l'histoire, sans savoir comment.
Anaïs Barbeau Lavalette n'hésite pas à nous faire entrer dans l'intimité de cette femme , dans celle de sa mère, dans la sienne et tout au long de cette excursion, elle nous tient la main.
Un coup au coeur et un coup de coeur. Merci Anaïs Barbeau-Lavalette.
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Ce livre est un brûlot ! C'est en tout cas ce que j'ai ressenti à sa lecture, tant j'ai eu besoin, à certains moments de faire une pause. Son personnage central, Suzanne poète et peintre québécoise est une une femme rebelle, transgressive, en fuite perpétuelle et c'est aussi la grand-mère de la narratrice. Et grâce au talent de cette dernière, j'ai été happée par l'histoire de Suzanne. Au fil de chapitres courts, de phrases nerveuses à l'écriture tantôt rude : "Mais dans ta bouche le goût de merde et de vies écorchées s'accroche" tantôt imagée :" il sait dans quels mots il marche" elle nous permet de suivre sans la lâcher, l'histoire tragique de cette femme hors du commun.
Sans doute l'emploi du "tu" qui scande tout le récit y est-il aussi pour beaucoup car il maintient constamment un dialogue tendu entre la narratrice, le lecteur et Suzanne. On sent fortement chez Anaïs Bardeau la volonté de tout dire en ne cachant rien des faits et gestes de cette grand-mère iconoclaste, même lorsqu'il s'agit des épisodes les plus terribles de sa vie :"Ce matin-là, sur un chemin de terre sans fin, tu lui passes la corde au coeur, tu lacères ce qui la relie au monde" écrit-elle en évoquant l'abandon de Mousse, la fille de Suzanne et sa propre mère. Mais l'on n'est jamais complètement dans le réquisitoire car elle sait également nous faire admirablement ressentir les déchirements auxquels Suzanne a été confrontés et qu'elle a déversés dans la peinture : "Tu largues ton saccage intérieur sur de la toile, tu suis le métronome anarchique de tes tripes qui là seulement se dénouent."
Ce qui est fascinant, est que sous la plume de l'auteur, Suzanne devient une héroïne tragique cernée pas la mort -celles qui vont jalonner son chemin de vie ; Muriel, Claude, Gary - et condamnée à une extrême solitude dont elle est en partie responsable tant elle a passé son temps à rompre les amarres mêmes celles auxquelles elle tenait le plus : "Tu attends l'autobus. Dévidée. Lestée. Seule au milieu des rafales."
Ce récit sous tension ne nous épargne rien des errances de Suzanne qui va vivre une partie de son existence allant d'une ville à l'autre, d'un amant à un autre. Il ne nous cache pas non plus ces moments de vie où elle va se perdre dans le sexe, l'alcool, la violence et dont elle aurait pu ne pas sortir indemne. Cela donne lieu à des scènes à la tonalité à la fois épique et fantasmagoriques comme celle de Harlem en feu, ou celle de l'attaque d'un autobus d'antiracistes par des membres du KKK.
La fin du récit va decrescendo et les derniers chapitres consacrés à la fin de vie de Suzanne marquent un apaisement. Pas seulement dans les faits - elle va sortir de la folie grâce à la pratique du zen - mais aussi dans la relation de la narratrice avec sa grand-mère. le " tu" va se conjuguer avec le on et le je. Et la narratrice, dans une dernière page que je trouve très émouvante, va inscrire son aïeule dans son histoire familiale tourmentée en même temps qu'elle devient mère.
La boucle est bouclée....
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