Interview d'Odile Chabrillac :
"Tout ce qui va nous permettre de sortir de la névrose facilite l'identification des signes. Le travail sur soi, qui peut être psychothérapeutique ou psychanalytique, agit comme un nettoyage. En outre, on ne peut pas s'ouvrir à l'immensité des possibles si l'on n'est pas enraciné, si l'on n'a pas trouvé l'espace juste entre le Soi et l'ego. Or, il est nécessaire d'ajuster cet espace, car nous sommes façonnés par notre environnement. Le travail sur soi permet de revenir sur les hypothèses proposées par les parents, l'entourage, le collectif et de changer de perception, comme si on enlevait des lunettes déformantes qu'on a toujours portées. Si on n'interroge pas ces hypothèses, elles deviennent des pensées limitantes et finissent par créer notre réalité". (p. 194)
Le monde que nous percevons est une réflexion de notre propre monde intérieur.
Quand je me sens en phase avec moi-même, quand mes actions sont alignées sur ma joie, alors je sais qu’il n’y a pas d’autre choix. Je gravite autour de ce principe de joie. Du coup, même quand la vie paraît difficile, les décisions paraissent beaucoup plus faciles à prendre. J’accueille la difficulté telle qu’elle est, car je sais que c’est le seul moyen d’honorer mon talent.
L'acceptation de ma honte archaïque fut une étape importante. Cependant, cela ne suffit pas à la faire disparaître totalement. Il allait encore falloir oeuvrer pour déployer l'amour dans les interstices du chagrin. Mais j'étais bien décidée à avancer dans cette direction. Je ne marchais plus, je sautillais. Je courais même, certains jours. En changeant mon regard sur mon corps, mon énergie tout entière s'est transformée. Ce n'était pas une posture narcissique. Je comprenais qu'il s'agissait d'un acte militant. Ma guérison n'était pas circonscrite à ma propre personne. En me soignant, je soignais les femmes de ma lignée, même disparues. En remettant mon corps en liberté, j'affranchissais celles qui m'avaient précédée, comme celles qui me succéderaient. Je pensais à ma fille, à ma mère, à mes grands-mères et à toutes les autres que je n'avais pas connues. J'avais envie de toutes les prendre dans mes bras et de leur crier que nos corps étaient des temples d'une beauté absolue. (p. 317)
Dès que j'avais besoin d'amour, il me suffisait de raconter la séparation de mes parents lorsque j'avais six ans, le départ de mon père au Canada, sa mort prématurée l'année de mes treize ans, les conflits permanents avec ma mère pour obtenir clémence et affection. Si ça ne suffisait pas, je racontais les détails les plus sombres, les scènes d'injustice, la maltraitance, et je parlais ensuite des violences subies par les femmes de ma lignée, ainsi que des fantômes de mes deux grands-pères morts bien avant ma naissance, qui ont hanté mes premières années.
L'énergie de résistance et de lutte que j'ai dû déployer pour surmonter ces épreuves -incomparables avec la tentative de meurtre d'Olivier Roellinger- suscitaient toujours l'admiration et m'excusaient de tout. Contrairement à lui au moment de notre rencontre, je n'avais pas encore compris qu'il ne s'agissait plus de se battre ni de se plaindre, mais d'accepter tout mon passé tel qu'il était, de me l'approprier pleinement et de me sentir chanceuse des transformations qu'il avait inaugurées très tôt en moi. (p. 82)
J'ai toujours l'impression d'avoir une dimension à la fois minuscule et essentielle. Lorsque l'on fait l'expérience de l'harmonie avec la nature, on se sent indispensable au grand tout et c'est alors qu'on est vraiment à sa place. (p. 88)
Je n’aimais pas beaucoup ce mot « joie », que je trouvais mal choisi par le traducteur du livre de Marie Kondo. La joie avait une connotation stupide à mes yeux. J’aspirais au bonheur total, non à la joie simple.
La légitimité ne se mesure pas au nombre de diplômes dont on dispose. Elle naît en faisant.
On dit souvent que les personnes qui luttent contre leur surpoids manquent de volonté. Il me semble qu'elles ont, au contraire, une détermination hors du commun.
J'ai appris à détester mon corps toute petite. Je n'ai pas envie ici d'accabler mes parents en déballant l'histoire d'une famille dysfonctionnelle comme il en existe tant. J'ai adoré la raconter en boucle pour me présenter aux autres comme une victime dont on devait absolument prendre soin. J'ai fini par trouver cette armure lourde et grinçante.
Puis carrément handicapante.
Je savais pourtant que le but du yoga n'est pas de savoir faire le grand écart ou cent huit grenouilles d'affilée. Je me méfiais du mot "fierté" qui flirte toujours avec son opposé : la honte. La seule qualité à développer dans le yoga comme dans la vie est d'observer afin de recevoir. (p. 286)