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Critique de afriqueah


Les souvenirs sont trompeurs : j'ai soutenu crânement que cette nouvelle des Diaboliques n'était pas sanglante… avant de la relire, et qu'elle me saute au coeur, puisque de coeur il est question.
L'entrée en matière de Barbey d'Aurevilly est un constat : la littérature, enfermée dans un « bégueulisme », n'est pas du tout morale, elle est pétrie de peur et d'hypocrisie : elle ne parle pas de l'inceste, par exemple, et en cela n'exprime pas la société où il est si répandu.
Pourtant, la nouvelle « La vengeance d'une femme » ne parle pas d'inceste, mais d'une autre sorte de « crimes de l'extrême civilisation, plus atroces que ceux de l'extrême barbarie, par le fait de leur raffinement, de la corruption qu'ils supposent et de leur degré supérieur d'intellectualité. »
Barbey décrit un libertin, un viveur, un « dégustateur de femmes » revenant d'Orient, c'est tout dire, dont la vue est happée par le tortillement d'une femme en jaune. Il la suit, elle l'invite, elle se dénude et le foudroie par sa beauté.
Des pages absolument sublimes suivent : « elle était bien plus indécente, bien plus révoltamment indécente que si elle était franchement nue. ».
D'une panthère (encore)elle a la souplesse, les bonds, les égratignures et les morsures. Elle se donne, elle s'enroule, elle se perd dans le plaisir.
« Positivement, elle lui soutira son âme, à lui, dans son corps, à elle. », car « il y a dans ce qu'on appelle le plaisir, avec trop de mépris peut-être, des abîmes aussi profonds que dans l'amour. »
Sauf qu'elle regarde un portrait accroché à son bras, alors qu'ils sont au comble de l'extase, il est jaloux, froissé dans sa vanité et voilà : elle est mariée à un grand d'Espagne, elle-même fait partie de la haute aristocratie, ce fut un mariage sans sentiment et… elle le hait.
Le récit est alors repris par la duchesse d'Arcos, elle qui a été élevée dans la plus stricte étiquette qui comprime les coeurs comme dans un corset.
Son coeur, elle découvre qu'elle en a un lorsqu'elle rencontre Esteban, marquis de Vasconcelos, portugais.
Suit le récit d'un amour brûlant et chaste, presque mystique, transcendance de l'amour, sentiment de ne faire qu'un, de n'avoir qu'un seul coeur…
Aux pages décrivant le plaisir, suit donc l'hymne de l'amour, en des pages inoubliables elles aussi.
Sa vengeance ? descendre si bas dans la société, en se prostituant, et en cherchant les maladies inévitables des filles de sa condition, que son nom, celui de son mari, en sera entaché pour toujours.
Le grand d'Espagne qui a le privilège rare de ne pas se découvrir devant le Roi, devient le cocu d'une putain.
Pourquoi cette vengeance ? parce que (scène que ma mémoire un peu bégueule sans doute, avait éliminé, scène rappelée par Patsales, qu'elle en soit remerciée) le mari fait étrangler l'amant, lui fait arracher le coeur, le donne aux chiens, alors qu'elle voudrait, puisque c'est son coeur à elle, le manger.
Diabolique nouvelle, en la terminant je me suis dit qu'il n'était pas besoin de thriller, Barbey suffit amplement.

PS : Je suis obligée de « faire comme si »il s'agissait d'une BD, mais c'est bien de la nouvelle qu'il est question.
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