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Critique de LightandSmell


Ce magnifique hardback contient six nouvelles. Bien que chacune d'entre elles soit indépendante, elles partagent toutes un point commun, celui d'être ancrées dans l'univers des contes et du folklore notamment slave. L'auteure s'inspire ainsi ouvertement de différentes histoires que l'on connaît tous plus ou moins : La petite sirène, les contes des Mille et Une Nuits, Hansel et Gretel…

Je vous rassure, l'auteure ne nous propose pas de pâles copies, mais bien des histoires uniques qui n'ont rien à envier aux contes d'antan. On y retrouve cette ambiance si particulière, ce mélange de magie et de sorcellerie, cette aura de découverte et de mystère mais aussi de danger et de mort, ces denses forêts aux sombres secrets, ces créatures hideuses qui côtoient de frêles jeunes filles, ces princes beaux mais pas forcément preux, ces parents plus obsédés par la gloire et la fortune que le bonheur de leur progéniture, des trahisons, de l'amour sous différentes formes, des désirs de revanche… Et puis, qui dit conte dit morale et Leigh Bardugo ne déroge pas à la règle en nous offrant des morales toujours pleines de sagesse et comme souvent dans les contes, intemporelles.

A travers ces six histoires, l'auteure nous invite à aller au-delà des apparences, à voir la beauté dans la laideur et la laideur derrière les apparats, elle nous montre que les apparences sont bien souvent trompeuses et que derrière des personnages banals ou même beaux, peut se cacher la pire des cruauté quand sous la cruauté apparente peut se cacher la plus grande des bontés. Pour ce faire, elle nous pousse dans nos retranchements, utilise contre nous nos jugements parfois trop hâtifs, nous mène sur des fausses pistes… avant de mieux nous éblouir par des révélations fracassantes qui, pour certaines, vous laisseront interdits. Ne vous attendez donc pas à des histoires où tout finit bien, mais plutôt à des histoires sombres dont les retournements de situation vous laisseront indéniablement une forte impression.

Je n'ai pas lu d'autres livres de Leigh Bardugo, mais je dois dire que dans le registre des contes, sa plume fait des étincelles. le niveau d'anglais m'a parfois ralentie dans ma lecture, mais j'ai été happée par sa manière de construire ses histoires, et de déployer, tout autour des lecteurs, un filet dont il est bien difficile de s'échapper. Vous commencez ainsi les premières lignes du livre en vous demandant vers quels horizons l'auteure va vous emporter, puis très vite, vous vous laissez simplement porter par sa plume envoûtante.

J'ai donc passé un excellent moment avec ces six nouvelles même si je confesse une nette préférence pour les trois premières histoires dont l'atmosphère possède définitivement un charme particulier mêlant lumière et ombre, terreur et espoir. Je vous propose donc de m'attarder plus particulièrement sur celles-ci en espérant vous donner envie de les dévorer.

Ayama and the Thorn Wood

Ayama, jeune femme peu gracile, vit dans l'ombre de sa soeur dont la grande beauté fait la fierté de ses parents. A l'image de Cendrillon, elle est alors traitée en domestique et est cantonnée aux basses besognes. Ses parents vont même jusqu'à la cacher au reste du monde. le deuxième fils du roi, à l'apparence quelque peu animalière, est condamné, quant à lui, à vivre dans un labyrinthe. Il arrivera heureusement à s'échapper et à trouver refuge dans une forêt. Par un concours de circonstances, la route de ces deux laissés-pour-compte va se croiser.

J'ai été dégoûtée si ce n'est courroucée par le comportement de la famille des deux protagonistes. le roi, malgré ses moyens financiers, n'a jamais tenté d'élever son fils faisant fi de son apparence. Quant à la reine, elle ne semble pas s'être opposée à sa décision d'envoyer son fils dans un labyrinthe. Un bel exemple d'amour parental en somme ! Même son de cloche du côté de la famille d'Ayama. Sa soeur n'est pas méchante et semble d'ailleurs apprécier sa cadette, mais j'ai trouvé qu'elle ne l'aidait pas vraiment à sortir de sa place de domestique. Alors elle aime sa soeur, mais bon, c'est pratique d'avoir quelqu'un qui fait toutes les corvées pour que vous puissiez vous faire belle en vue d'attirer un prétendant, fortuné si possible. de manière encore plus frappante, les parents d'Ayama se montrent ignobles en condamnant leur deuxième fille sur le seul critère du physique. Quant à la grand-mère, elle n'apparaît pas bien plus sympathique à moins, évidemment, qu'elle ne cache bien son jeu… Mais pour le savoir, il vous faudra lire le livre.

J'ai quelque peu regretté la passivité d'Amaya qui se laisse traiter comme une esclave sans se rebeller. Je l'ai néanmoins trouvée très courageuse puisqu'elle finit par accepter une épreuve, potentiellement mortelle, afin de gagner un peu de liberté. J'ai également adoré sa manière de se sortir de toutes les difficultés qui se dressent devant elle montrant ainsi toute l'étendue de son intelligence et de sa débrouillardise. Elle se révèle en outre émouvante durant les scènes où elle trouve enfin une oreille attentive alors qu'elle était jusqu'alors condamnée au silence. A la manière des contes des Mille et Une Nuits, elle saura d'ailleurs utiliser sa voix comme une arme ou plutôt comme un moyen de gagner la paix et de se réapproprier sa vie. Un joli pied de nez à sa famille ! Il est juste dommage que la fin soit un peu trop lisse à mon goût…

The too-clever fox

Koja, renard de son état, n'est pas beau, mais il a pour lui sa grande intelligence et sa ruse, deux atouts qui vont lui permettre de se sortir de situations dangereuses. Un jour, sa route va croiser celle d'un chasseur et de sa très jolie soeur…

Adorant les récits où la parole est donnée aux animaux, j'ai dévoré cette histoire d'autant que l'auteure a su exploiter l'image classique que l'on peut avoir du renard dans la littérature, à savoir un animal rusé ayant du bagout. Si vous n'en avez pas cette image, filez alors vite lire le Roman de Renart ou la célèbre fable de la fontaine, le corbeau et le renard. Koja joue de son intelligence pour se sortir de situations tendues ou transformer un prédateur en ami. Au fil des pages, on s'attache donc à ce renard qui a l'art et la manière de survivre malgré les obstacles qu'il rencontre. On le voit toutefois, petit à petit, prendre un peu trop confiance en lui au point de se transformer en fanfaron. Son excès de confiance lui sera malheureusement préjudiciable quand il rencontrera un ennemi dont la fourberie dépassera de loin son intelligence. le lecteur sent poindre le danger, l'ambiance se faisant de plus en plus pesante. Il ne peut donc que ressentir une certaine angoisse devant un Koja presque hypnotisé par sa nouvelle et charmante amie alors qu'une menace se profile. On tremble pour lui et on croise très fort les doigts pour que sa célèbre intelligence lui permette une nouvelle fois de survivre. Je ne vous en dirai pas plus si ce n'est que j'ai adoré le retournement de situation même si je l'avais deviné ayant vu l'illustration finale du conte qui l'explicite clairement.

The witch of Duva

Nadya vit avec son père qui finira par prendre une deuxième femme, Karina, après la mort de sa femme. La jeune fille en est certaine, Karina, loin d'être une femme aimante, est une sorcière qui a envoûté son père et qui est prête à tout pour se débarrasser d'elle. Sinon, comment expliquer son comportement odieux envers elle et la manière dont elle met sa vie en danger en lui demandant d'aller dans la forêt alors que ne cessent de disparaître des filles du village ? C'est décidé, Nadya doit faire quelque chose pour sauver son père de ce monstre et retrouver sa vie d'avant !

L'auteure revisite de manière originale le conte d'Hansel et Gretel en lui insufflant quelques notes du mythe de Baba Yaga. Page après page, elle s'évertue à créer une ambiance angoissante avec cette impression de danger qui rôde et qui peut frapper à tout instant, que ce soit dans la forêt ou dans le propre foyer de l'héroïne. Comme elle, on en vient à être en permanence sur le qui-vive guettant les actions de Karina afin d'y déceler des signes de sorcellerie ou des preuves qui la lieraient d'une manière ou d'une autre à toutes les disparitions. Et ce n'est pas le départ de Nadya et son séjour chez une sorcière qui vont faire cesser notre angoisse. Méchante sorcière qui aide la jeune fille avant de la dévorer ou gentille sorcière qui veut simplement l'aider ? Une question qui ne pourra que vous tarauder.

En plus d'une ambiance angoissante, voire étouffante, ce qui fait la richesse de cette histoire est sa fin qui m'a laissée complètement pantoise. C'est le genre de final, digne d'un bon scénario de film d'horreur, dont on se souvient longtemps. Il y a un côté gore et tellement dérangeant, car très imagé, que j'ai relu deux fois les dernières pages pour être certaine d'avoir tout compris. Et pas de doute, l'esprit de Leigh Bardugo est tortueux !

En conclusion, l'auteure nous offre six histoires envoûtantes qui sentent bon les contes d'antan et qui vous feront passer de délicieux moments de frissons et d'angoisse. Si vous aimez les Frères Grimm et tous ces autres conteurs qui ont donné leur lettre de noblesse à ce genre, The Language of Thorns est un livre qui devrait vous ravir. J'espère maintenant qu'une maison d'édition décidera de nous en offrir une version française et qu'avec un peu de chance, elle conservera le format hardback qui sied à merveille à ce genre de recueil.
Lien : https://lightandsmell.wordpr..
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