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Critique de Guillaume2890


Après « Bonheur TM » et « Vie TM », « Mort TM » constitue le troisième et dernier tome de la trilogie Trademark de Jean Baret. S'il est précisé que les trois tomes peuvent être lus indépendamment les uns des autres, mieux vaut prévenir d'emblée que pour « Mort TM », ne pas avoir lu les deux premiers tomes risque d'amener à passer à côté de beaucoup d'éléments et/ou de références. Ce troisième opus capitalise en effet sur l'existant et replonge le lecteur dans les deux univers créés dans les livres précédents, auquel il faut en ajouter un troisième, Babel, fondé sur la religion. C'est sur la juxtaposition et la comparaison de ces trois univers (« zones » dans le livre) que se joue la construction de l'intrigue du récit.

Retour donc dans « Mande-Ville » le nom donné au monde complètement déjanté de « Bonheur TM », où la consommation et le marché sont érigés en valeur suprême au point que chaque citoyen prend le nom de son sponsor, où tous les curseurs du néo-libéralisme sont poussés à leur paroxysme et où se côtoient Furries, Copycat, humain, transgenre, netrunners et autres Moreau...

Retour aussi à Algoripolis de « Vie TM » avec ses cubes de 8m² et la vie de leurs habitants entièrement tournée vers la réalité augmentée et exclusivement régulée par des algorithmes.

Et bienvenue à Babel, une zone où la religion est la valeur au centre de toute choses. Dans cet endroit, chacun doit avoir une confession, peu importe laquelle, et strictement se conformer à ses rites, sous peine de sévères sanctions.


« Mort TM » suit le parcours de trois personnage : Xiaomi pour Mande-ville, Donald Trompe pour Algoripolis et Rasmiyah pour Babel. Chacun évolue classiquement dans son quotidien jusqu'à entendre parler d'une certaine « M-Théorie », déclarée extrêmement dangereuse et donc prohibée par les autorités des trois zones. Bien que connaissant les risques de représailles qu'ils peuvent subir, chacun des trois protagonistes va chercher à en savoir plus sur cette « M-Théorie », ce qu'elle signifie, qui en est l'auteur et quels en sont les principaux vecteurs de diffusion. Ces recherches vont être autant d'occasion de questionner leur mode de vie et de se poser la question du reniement ou de l'acceptation de leur croyances, au marché, au virtuel ou à la religion...non sans lorgner parfois du côté des autres zones.


J'ai apprécié de replonger dans ce qui faisait le charme des deux premiers tomes. A quelques nuances près, on retrouve toute la folie et l'humour caustique des dystopies proposées précédemment par Jean Baret. La critique du néo-libéralisme est toujours férocement présente à travers l'histoire de Xiaomi tandis que Donald Trompe symbolise par son évolution l'inanité potentielle d'une vie uniquement tournée vers le virtuel. Il n'y a pas de réelle surprise dans ces récits, mais cela est toujours aussi efficace, et la mise en perspective de ces deux univers (ainsi que de celui de Babel) amène à quelques passages originaux sur ce qui différencie et rapproche les fondements des modes de vie des êtres de ces trois zones.

Concernant Babel justement, en capitalisant sur le passif des deux premiers tomes, Jean Baret réussit intelligemment à introduire, sous un angle critique, le thème ô combien casse-gueule du religieux. Moins dingue que les deux autres zones, celle de Babel réserve néanmoins son lot de surprises. le nombre de mouvements religieux, des plus absurdes aux plus sérieux, évoqués dans le récit est conséquent et donne par moment un certain cachet comique à l'ensemble. Néanmoins, tous les mouvements qui se côtoient à Babel ont en commun d'exister ou d'avoir existé et l'énumération des cultes et des rites qui y sont associés, au fil du récit est l'occasion d'ouvrir à la réflexion sur la relativisation du caractère universel de la religion et sa dimension salvatrice ou illusoire, en se gardant toutefois le côté « donneur de leçons » en exprimant trop ouvertement un avis sur ces sujets (mais ne se gardant pas toutefois de coucher par écrit nombre de dérives objectivement observables et observées).

« Mort TM » conclue efficacement le triptyque dystopique « Trademark », qui s'inscrit extrêmement bien le XXIe siècle et ses dérives potentielles. L'écriture de Jean Baret pourra rebuter certains amoureux des belles lettres, le style étant souvent et à dessein assez direct, cru et usant de nombreuses répétitions. Mais ce style est justifié, parfois par une redondance nécessaire dans la représentation de l'absurdité des actions des personnages, parfois par une violence subite qui nécessite une écriture donnant une vision extrêmement graphique des choses, parfois par une allégorie de la modernité qui nécessite sur même pas deux pages un enchaînement rapide et sans nuance des actions ; Jean Baret prouvant à diverses reprise qu'il sait aussi prendre le temps de poser et développer son récit quand cela est nécessaire.

Lecture essentielle pour ceux ayant lu les deux premiers livres, ils retrouveront dans "Mort TM", l'humour, la causticité et la folie qui caractérisent l'écriture de Jean Baret. Pour les autres, la lecture de « Vie TM » et « Bonheur TM » reste toujours recommandée, avec une préférence pour le Premier, qui allie superbement forme et fond.
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