AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Isidoreinthedark


« On était en 1861. Flaubert écrivait « salammbô », l'éclairage électrique n'était encore qu'une hypothèse et Abraham Lincoln, de l'autre côté de l'océan, livrait une guerre dont il ne verrait pas la fin.
Hervé Joncour avait trente-deux ans.
Il achetait, et il vendait.
Des vers à soie ».

Dès la première page, l'écriture ciselée, limpide, musicale, empreinte de poésie d'Alessandro Barrico frappe le lecteur au coeur. En quelques mots, le décor est posé. Cette phrase se répétera d'ailleurs au cours du roman, à la manière d'un motif musical.

En 1861, les élevages de vers à soie sont contaminés par une épidémie, et Hervé Joncour va entreprendre la première de ses expéditions au Japon pour acheter des oeufs sains. A l'issue d'un interminable périple, traversant la Bavière, l'Autriche, Budapest, Kiev, la steppe russe, les monts Oural, la Sibérie, et longeant le lac Baïkal, il atteint le port de Sabirk, où un navire de contrebandiers hollandais l'amène sur la côte ouest du Japon.

Notre héros des monts du Vivarais y fait la rencontre d'Hara Kei, avec qui il fera affaire pour acquérir les oeufs tant convoités. Ce seigneur féodal est accompagné de son épouse qui dévore Hervé Joncour des yeux. Entre le commerçant voyageur et la jeune femme, c'est le début d'une impossible histoire d'amour, d'une passion dévorante et sans issue, d'un désir inextinguible voué au naufrage.

Dans « Soie », Alessandro Barrico se fait romancier, conteur, poète et musicien. Il nous propose un ouvrage hors du temps qui n'est ni vraiment un roman, ni un conte, ni un poème et qui est pourtant tout cela à la fois.

« Soie » transcende les genres littéraires, invente sa musicalité, et pose un regard à la poésie douce-amère sur le temps qui passe, la lenteur des voyages, la douleur de la quête du fruit interdit.

« Soie » est une musique qui va moderato, qui traverse les steppes russes et les monts Oural, qui enchante le lac Baïkal, et nous emporte dans des contrées lointaines et inviolées.

« Soie » est un conte qui nous conduit à la rencontre d'un seigneur féodal d'un autre temps, qui libère des centaines d'oiseaux pour dire sa joie à un monde oublié.

« Soie » est un poème qui nous narre la quiétude des saisons qui se succèdent, le désir inassouvi et l'amour aussi.

« Soie » est un court roman qui compose sa propre musique, que la voix douce et chaude d'Alessandro Barrico nous murmure au coin du feu. Il fait partie de ces livres que l'on referme à regret tant l'on aurait souhaité que la magie improbable du voyage d'Hervé Joncour traversant le monde pour quelques oeufs de vers à soie ne s'arrête jamais.
Commenter  J’apprécie          7018



Ont apprécié cette critique (65)voir plus




{* *}