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Critique de Lazlo23


Que reste-t-il aujourd'hui de Maurice Barrès, de son oeuvre abondante, de son engagement politique (à l'extrême droite la plus cocardière), de la vénération qui l'a entouré ? Bien peu de choses, en fait : quelques pages dans les encyclopédies, un chapitre du Lagarde & Michard. Guère plus.
Pourtant, il a été un temps adulé par toute une génération de jeunes gens, dont certains se sont fait un nom, tels Malraux, Yourcenar ou Bernanos et, quand il meurt, en 1923, l'État n'hésite pas à lui organiser, comme à Victor Hugo, des obsèques nationales...
Il est vrai qu'en ouvrant « La colline inspirée », son livre le plus connu, on est frappé par l'écart qui existe entre cette esthétique et celle de certains de ses jeunes contemporains : le livre est publié en 1913, la même année que « Du côté de Chez Swann », « Alcools » ou « La prose du Transsibérien ». Entre ces livres fondateurs de la modernité et le roman de Barrès, la comparaison est écrasante : loin des audaces de ses cadets, c'est plutôt du côté De Chateaubriand et d'un certain romantisme incantatoire et suranné, que lorgne l'écrivain national.
Il n'empêche que, même pour un lecteur d'aujourd'hui, le roman de Barrès ne manque pas d'intérêt. Centré sur un « lieu de mémoire » lorrain, la colline de Sion-Vaudémont, où les Celtes vénéraient Wotan et Rosmerta, et où la religion catholique a imposé le culte de la Vierge, « La colline inspirée » raconte le destin véridique de trois prêtres, les frères Baillard, bien décidés à en découdre avec le rationalisme façon Lumières. Ils restaurent le vieux sanctuaire, y organisent des pèlerinages, raniment la ferveur populaire… jusqu'au jour où ils croisent le chemin de Vintras, un illuminé comme il y en avait tant dans la seconde moitié du XIXè siècle : « … on ne rêvait que miracles et prophéties, raconte Barrès ; plusieurs voyants annoncèrent le règne de l'Antéchrist et la fin du monde ; d'autres, au contraire, le triomphe définitif du grand Roi et du grand Pape... »
Vintras est des premiers, qui prédit l'« année noire », la disparition d'une grande partie de l'humanité, sa régénération grâce aux prières d'une poignée d'élus… Pour les malheureux Baillard commence alors une longue descente aux enfers, qui va faire d'eux des parias : rejetés par leur hiérarchie et leurs paroissiens, puis excommuniés, ils sont bientôt réduits à prêcher dans le désert.
Au-delà de cette histoire, qui interroge les racines du sentiment religieux (cette soif d'irrationnel et de merveilleux qui forme le substrat de la ferveur populaire), ce que met en scène le roman de Barrès c'est la revendication d'un culte et d'une culture autochtones face à un dogme venu de Rome. Pour les lecteurs de 1913, cette opposition entre Gaulois et envahisseurs romains sonne bien sûr comme un vigoureux coup de clairon, alors qu'une partie de la Lorraine est encore occupée par une puissance étrangère...
Ce qui personnellement m'a le plus intéressé, ce sont moins ces débats d'un autre âge (et vaguement nauséabonds, disons-le) que la plongée quasi documentaire qu'offre ce roman dans la France de la seconde moitié du XIXè siècle ; une France villageoise, groupée autour de l'église et du curé (mais où le sorcier a encore son mot à dire), et vivant au rythme lent des attelages et des saisons.
Une curiosité, baignée par la lumière sépia des très anciennes photographies.
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