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Critique de florigny


Sebastian Barry évoque la sale histoire irlandaise, la face noire de la verte Erin, dont on sait maintenant qu'elle a érigé la pédophilie au rang d'un art de vivre, perpétrée au nom de la religion catholique par l'église – le E majuscule ne s'impose pas -, son bras armé et sexué. Commis par des prêtres ou tout ce qui porte soutane, couverts par des « archevêques des saloperies dévastatrices », par des bonnes soeurs faussement niaises avec leur visage lisse stéréotypé de jambon encore intact, protégés par une police complice, des médecins complaisants et une société coupable, les viols à grande échelle ont détruit des générations entières d'enfants, éteint leurs âmes en les plongeant dans une mer de luxure, transformé leurs vies en scènes de crimes, souillé leur innocence, déchiré leurs corps mais vous savez, dit un toubib à une cornette : « Ces fillettes sont délicates, ça se déchire assez facilement, elle s'est peut-être assise sur une brindille » et la cornette réjouie joint ses mains rougies du sang d'innocents pour rendre grâce à son dieu de lui envoyer une si bonne explication.... de nombreux enfants, enterrés à la va-vite dans des charniers ne témoigneront jamais de la barbarie subie Au bon vieux temps de Dieu quand même le plus humble des hommes était légalement un tyran pour les femmes et jeunes filles.


L'auteur donne la parole aux victimes par l'intermédiaire de Tom, fraîchement à la retraite, policier qui a passé sa vie à fréquenter des méchants, c'est dire si sa foi en la nature humaine a été ébranlée ; pourtant, ce sont les souvenirs de son enfance « de progéniture du diable » battu comme plâtre, témoin d'horreurs, et les confidences de son épouse June sur son calvaire entre ses 6 ans et l'âge où risquer une grossesse sonnait la fin de la récréation des monstres, qui le torturent. June, éperdument aimée par son époux et leurs enfants, capable de voir le bon côté dans le moindre événement du quotidien comme autant de perles enfilées sur le collier du temps, a survécu à tout, sauf à sa propre survie.


Trois gestes impitoyables du destin ont arraché de son existence les êtres qu'il aimait le plus, rendant Tom déjà orphelin de père et de mère, orphelin désormais de son ancien bonheur simple et le dispensant à tout jamais de la joie de vivre. Depuis il rumine sa solitude, s'y complaît, ressasse inlassablement des souvenirs qui s'effilochent à mesure que le temps passe, rendant de plus en plus souvent poreuse la ligne de démarcation entre réalité et imaginaire. le roman démarre au moment où deux jeunes policiers consultent Tom à propos de l'enquête réouverte d'un meurtre non élucidé qui a jadis marqué sa carrière. A cette occasion, la mémoire de Tom, stimulée par cette piqûre de rappel, convoque de nombreuses réminiscences mal étiquetées dans les méandres labyrinthiques de son cerveau. Quel crédit le lecteur peut-il accorder aux souvenirs de Tom ? Reflètent-ils l'exacte réalité, ou l'ont-ils enjolivée ou amputée ? Où se situe la vérité ?


Les mots me manquent pour parler de ce roman à la beauté tragique, à la puissance rarement égalée, au style hypnotique sous l'élégance et la pudeur duquel couve la fureur de l'auteur. Sebastian Barry rend hommage à d'anonymes victimes d'un crime d'Etat, dont les cris nous parviennent par l'entremise de la mémoire défaillante d'un homme à l'automne de sa vie. C'est beau, c'est grand, c'est mélancolique... A lire absolument.
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