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Critique de maevedefrance


Attention pépite ! J'ai englouti ce livre en quelques jours, littéralement prise par la spirale infernale de l'Histoire de l'Irlande et du destin particulier de Roseanne Clear.

A priori, en ouvrant ce livre, je m'attendais à une thématique pure sur les "Magdalen Sisters", fait social irlandais que le cinéaste Peter Mullan a rendu célèbre aux yeux du public par le film éponyme. Or, si le roman de Sebastian Barry aborde sans conteste ce fait, il va beaucoup plus loin en montrant à travers le destin personnel de Roseanne, comment l'Histoire du pays ont eu un impact direct sur la vie personnelle.

Le lieu où est enfermée l'héroïne depuis soixante ans est en fait peu présent dans le roman (contrairement au film de Peter Mullan qui s'attardent plus à montrer le sadisme des religieuses à l'égard de leurs pensionnaires). Ici le récit s'échappe hors les murs, à Sligo où elle a grandi, mais aussi dans le village reculé Strandhill et sa plage. C'est l'Irlande du mont Ben Bulben, du mont Knocknarea qui abrite le tombeau reine Maeve, d'une Irlande pétrie de secrets, de légendes, de mystères. Mais aussi d'Histoire. Et c'est là que Sebastian Barry plante le décor et promène le lecteur, ne le ramenant dans les murs de l'hôpital psychiatrique de Roscommon que de brefs instants.

Sebastian Barry laisse la parole alternativement à la vieille dame centenaire (qui d'ailleurs n'est plus très sûre de son âge) et à son médecin psychiatre, le docteur Grene, veuf, qui a beaucoup d'affection pour elle. Roseanne entreprend d'écrire ses mémoires ou plutôt un "témoignage sur elle-même" alors que l'hôpital psychiatrique de Roscommon où elle enfermée depuis 1957 va être détruit. Il y a donc urgence. Et parce qu'il y a urgence, le médecin doit enquêter sur la vie de ses patients pour savoir s'ils sont aptes au retour à la vie "civile" ou non. Mais cela semble une question vaine, un prétexte à bien autre chose quand, comme Roseanne, on est centenaire et que votre vie a été rayée de la société des hommes.

Par l'écriture, Roseanne tente donc de se réapproprier sa vie. Et le carnet du docteur dévoile peu à peu son enquête sur sa patiente, (mais aussi sur lui-même), sur les écrits que le Père Gaunt a laissé sur elle : des écrits qui, a priori, parraissent un peu trop "soignés" pour être totalement exacts. Car le testament caché n'est pas une enquête sur la vérité d'exactitude des choses mais sur la mémoire, sur une "vérité utile", sur la manière dont chacun peut interpréter des événements qui se sont déroulés, soixante ans auparavant, dans les années 20, dans une Irlande malmenée par L Histoire (notamment la guerre civile engendrée par l'avènement de l'Etat libre), où l'Eglise catholique joue un rôle sans cesse grandissant dans la société, s'immiscant sans complexe dans la vie privée des gens."Dans une large mesure, Roseanne et le Père Gaunt se sont tous deux montrés aussi sincères qu'il leur était possible, compte tenu des caprices et des ruses de l'esprit humain" remarque le docteur Grene.

Sans cesse Roseanne est accâblée dans sa destinée par une Eglise et une société étriquées, bien plus soucieuses du "qu'en dira-t-on" que du bonheur individuel.Mais le destin lui révèle cependant bien des surprises et au lecteur aussi ! Si l'on se demande tout au long du récit pourquoi Roseanne a été internée et que l'on s'en doute, on se demande surtout QUI est coupable de cette infâmie. Ce n'est pas celui qu''on croit. Je n'en dis pas plus si ce n'est qu'on ne le découvre qu'à la fin, avec plusieurs surprises de taille qui m'ont de ce point de vue-là laissée un peu perplexe !

Roseanne et le docteur Grene sont deux personnages vraiment attachants, émouvants et pétris d'humanité. On les laisse avec regret. J'ai vraiment passé un très bon moment avec le testament caché qui est le premier livre que je lis de cet écrivain irlandais, de père britannique et de mère irlandaise, considéré comme l'un des meilleurs de sa génération. Il puise l'inspiration de ses romans dans l'histoire personnelle de sa famille et le personnage de Roseanne lui a été inspiré par une de ses grande-tantes, semble-t-il. On retrouve ici le personnage d'Eneas McNulty, qui semble être le même que celui des Tribulations d'Eneas McNulty (paru chez 10/18).
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