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Critique de Luque74


La chambre claire de Roland Barthes fut écrite en 1979 et paru l'année suivante.

Cet ouvrage est très intéressant pour qui s'intéresse à la photographie et à l'art. Barthes va nous transmettre sa vision de la photographie et va essayer d'analyser la manière dont celle-ci le touche. Il va agencer son livre à travers deux parties. Dans la première, il va parler des photographies qui le touchent, et dans la seconde, il va se centrer sur une image de sa mère enfant. Après le choc de la perte de sa mère, il va chercher des images afin de se rappeler d'elle, de son caractère. Il veut en quelque sorte s'assurer qu'elle a été et se remémorer de ce qu'elle a été.

Ce livre est agencé sous formes de notes et illustré avec des photograhies. L'agencement en notes est très intéressant car cela lui permet de nous jeter des pensées éparpillées, sans lien direct entre chacune mais toutes reliées à un même thême. A contrario, un plan rigide aurait empêché la partution de certaines idées car ces dernières s'écarteraient du sujet. Toutefois, notamment vers la fin de son ouvrage et dans la partie II (celle de sa mère), il me devient plus compliqué de suivre la pensée de Barthes. C'est peut-être car la profondeur de ce que ressent l'auteur devant cette image dépasse ses mots et rend plus flou à un étranger sa pensée. Il n'aurait pas été de refus un développement plus poussé sur certaines parties. Mais cela peut-être subjectif.

Au fil de l'ouvrage, Barthes va nous dévoiler ce qui rend la photographie si intense. Il va nous dévoiler l'essence de la photographie : un évènement qui a été. Un évènement qui a été dans le monde réel, dont les reflets lumineux ont touché une pellicule (les appareils photos numériques firent leur apparition au grand public dans les années 2000). En regardant la réaction chimique des photons sur la pellicule, nous sommes témoins d'un évèmenent réel, qui a réellement été. Si nous nous plongeons dans la photographie et omettons le fait que nous regardons un écran ou une feuille de papier représentant le résultat de photons sur une pellicule, nous sommes en quelque sorte dans le passé. Barthes dira "la chose d'autrefois, par ses radiations immédiates (ses luminances), a réellement touché la surface qu'à son tour mon regard vient toucher," La notion d'un évènement réel est très importante pour Barthes.
Ainsi, avec la démocratisation de la photographie et de facto, la prolification des clichés et leurs variétés, il devient normal de ne pas être troublé par certaines images. Barthes essaiera d'expliquer, de théoriser ce qui nous fait aimer une image. Premièrement, il définira le "studium", ce qu'est la photo "en apparence, dans les faits" en quelque sorte. Cette évènement "dans les faits, en apparence," est très souvent le sujet de l'image et trouve de la valeur à travers la connaissance et l'éducation (studium, studiare). En prenant pour exemple une image de militaires dans un pays en guerre, le studium est les militaires et le fait qu'ils soient dans un pays en guerre. Ensuite, il parlera de punctum, quelque chose qui nous transperse comme une flèche, qui nous point. Cela peut-être un détail mais c'est ce qui nous trouble selon barthès. Par exemple, derrière ces militaires, des nonnes qui passent en marchant. Ces nonnes nous troublent plus que les militaires qui ont pourtant surement tué des humains. le punctum est très subtil et subjectif, mais, selon Barthes, c'est ce qui donne une âme à l'image.
Barthes est un réaliste, il voit la photo comme un témoin de la réalité. Il va ainsi dans son ouvrage nous donner davantage d'indications sur l'essence de la photographie. Par exemple, il va distinguer la valeur des photographies par différentes formes de "surprises". La surprise de la rareté du référent, la surprise d'un geste saisi au point de sa course (quelqu'un sautant d'un immeuble) etc... Bref, cet ouvrage est loin d'être un de ces tutoriels technique de la photographie vous imposant des règles de composition ou vous expliquant comment bien exposer une image.

Personnellement, j'ai adoré cet ouvrage. Il m'a procuré un nouveau visage de la photographie auquel je n'avais jamais pensé. En effet, je n'ai jamais abordé la photographie sous cet aspect réaliste: le fait que je regarde un témoin fidèle du passé.
Barthes ma fait remarquer un fait sociétal dans lequel nous baignons et nous rentrons de plus en plus : l'intensification des média numériques. Né en 2005, ayant 17 ans en 2022, mon avis sur la photographie est drastiquement différent de celui de Barthes. En voyant une photographie, je ne suis pas abasourdi par le fait d'être témoin d'un évèmenent qui a réellement été. Mon esprit ne divague pas en se demandant ce qu'est devenu l'enfant sur cette image de 1960. Je ne me demande pas "est-il en vie ?", "où est-il maintenant ?"... Je vois la photographie comme quelque chose de commun et il me faut plus qu'une image témoignant d'un évènement passé pour me troubler. Cela peut-être lié au fait que, depuis ma naissance, je baigne dans les images. La vision réaliste de Barthes, qui a vécu dans un monde moins numérique, n'a aucun sens chez moi. Je pense être habitué à la photographie. Et je pense aussi ne pas être le seul de ma génération. Est-ce que, au fil des photographies que je contemplerai, je basculerai dans une vision Barthesienne (je suis débutant dans l'art) ? Ou est-ce que ce fossé de perception artistique est un fait normal et est même le moteur des nouveaux courants artistiques ? Je suppose que les impressionnistes étaient lassés de la vision de l'art qu'avaient leur sphère artistique et voulaient quelque chose de nouveau, quelque chose qui ne leur paraissait pas banal, commun. C'est pourquoi je trouve un intéret fort dans les photographies plutot abstraites, utilisant des procédés techniques (que Barthes jugera superflux) comme les reflets, une vitesse d'obturation lente, une photographie totalement floue etc... A contrario, je peux me tromper et cette différence d'appréciation de la photographie ne peut-être que subjective et je peux être entourré de réalistes sans l'avoir identifié.

Je conseille vivement ce livre !
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