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"La Chambre claire. Note sur la photographie" de Roland Barthes est un essai lyrique, genre dans lequel Barthes n'a pas d'égal. Spécialiste éminent de la sémiologie française, il développe ici ses thèmes de prédilection: la philosophie de la perception et l'émergence de l'intime.

Contrairement à Susan Sontag ou à Pierre Bourdieu, Barthes ne s'intéresse pas au phénomène sous son aspect sociologique ou anthropologique. Il est indifférent aux processus historiques. Ce qui est au centre de son attention est l'observation de sa propre réaction à un stimulus culturel.

Barthes distingue les effets de la photographie en tant qu'art sur le récepteur: ces effets peuvent se manifester dans un contexte historique et universel (Studium), lorsque la photo nous intéresse pour son arrière-plan culturel et social, ou dans le contexte d'associations personnelles, intimes (Punctum), lorsque certains détails de la photo trouvent leur concordance dans nos émotions, lorsqu'ils nous «blessent».

C'est le deuxième aspect de l'impact de la photographie que Barthes explore le plus. Car il met l'accent sur ce que j'appellerais la "valeur sentimentale" de la photo au détriment de sa valeur intellectuelle.

Roland Barthes est toujours resté fidèle à lu-même, son raisonnement était caractérisé par sa subtilité et son originalité. le lyrisme de son approche lui permettait d'éviter l'ennui du discours didactique d'un Sartre. "La Chambre claire. Note sur la photographie"est, tout comme"Fragments d'un discours amoureux », de l'excellente littérature qui n'entre pas dans le cadre étroit de l'essai journalistique. Dans le cas de Barthes, le discours est toujours aussi un « coeur nu ».
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À qui en a assez des livres universitaires soporifiques, lisez La Chambre claire! À travers une écriture simple, on découvre un Roland Barthes plus humain qu'intellectuel et on dévore ce livre qui n'est pourtant pas un roman.
Aujourd'hui je fais de la photo dans le cadre de mon travail et je me sers encore et toujours des écrits de Barthes. Il nous apprend à regarder un cliché autrement et lorsqu'on a compris, on ne voit plus jamais les images de la même façon. La Chambre Clair est pour moi le meilleur livre de Roland Barthes.
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J'en suis à ma quatrième relecture de cet essai fondateur dans l'analyse de l'image photographique et chaque lecture me donne une vision nouvelle, intimiste autant qu'analytique de la prise de vue et de l'impact d'une image saisie, composée, posée.
En cette période de recouvrement d'images, des réseaux sociaux, des philtres, des selfies et de la mise en scène de soi (du moins de ce que l'on croit être soi) il me semble essentiel de relire Roland Barthes pour bien comprendre que " la photographie c'est l'avènement de moi-même comme autre : une dissociation retorse de la conscience d'identité".
J'ai eu beaucoup d'émotions en lisant les passages évoquant sa mère me rappelant la lecture du "Journal d'un deuil".
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Merci à Roland Barthes ! c'est dans la continuité de son livre "l'empire des signes"...
Il m'a fait comprendre ce qu'est la photo dans sa dimension naturelle, au de-là de la technique... c'est un état d'esprit, l'appareil n'étant que le prolongement de l'oeil... l'important étant d'apprendre à VOIR avant de manier l'objectif,
d'affirmer un REGARD qui se pose sur les choses banales de la vie, de ressentir un CADRAGE qui interroge ! creuser un sujet qui surprend ! guetter la LUMIÈRE, et bâtir une image profonde, bien à soi... celle qui est unique !
L'instinct se révèle être un décodeur visuel, la créativité un capteur de chaque instant, vivant une réelle transe photographique ! La photo "argentique" ou numérique ? c'est de l'apnée constante pour tous les sens...
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Barthes caractérise l'impression mentale produite par la contemplation d'une photographie en produisant deux concepts très personnels : le studium et le punctum. le premier est la perception la plus immédiate que nous avons de ce qui est représenté et que nous associons à nos propres expériences visuelles ; nous identifions un sujet que nous pouvons nommer avec l'évidence la plus spontanée ; le studium est l'impression première partagée par tous les regardeurs, antérieure à tout jugement esthétique, moral, personnel. le punctum quant à lui pointe un détail qui peut troubler la conscience du regardeur, il est la manifestation d'une relation personnelle du regardeur à la photographie regardée ; beaucoup plus subjectif, le punctum est un point focalisant l'intérêt, ce sera un ou plusieurs détails qui d'ailleurs ne surgissent pas toujours immédiatement à la conscience.

Technique du compte rendu visuel, la photographie est d'abord l'invention d'un chimiste qui a su fixer dans la matière des impressions lumineuses formant la marque d'une analogie avec une portion de l'espace placé devant un objectif. C'est une saisie mécanique d'une portion du monde projetée sur les deux dimensions d'une surface chimique. Sans nier complètement le fait qu'un photographe puisse avoir une intention en cadrant de telle ou telle manière, la volonté de l'artiste photographe a un rôle mineur dans le résultat sans aucune comparaison avec celui du peintre dans la production d'un tableau. Ce petit bout d'espace-temps figé sur du papier qu'est la photographie ne prend sa signification ( ou ne la prend pas) qu'après coup. C'est le regardeur qui va lui donner un sens et qui la transforme en objet sémiologique (objet qui, en l'occurrence, est susceptible de connaître un destin social s'élevant au rang de mythe).

La photographie n’est pas une invention d’opticien mais une invention de chimiste. Les peintres de la renaissance se servaient de la camera obscura bien avant que Nicéphore Niepce ait pensé à placer au fond de cette chambre noire une surface sensibilisée au nitrate d’argent. L’art photographique n’est pas un art de la chambre noire comme on aurait pu le dire de la peinture de la Renaissance. La chambre noire de l’appareil photo est entièrement mécanique et automatique ; le photographe lui a délégué son pouvoir de représenter. Mais c’est la lumière du jour qui révèle le photogramme, cet instant de réel irrémédiablement perdu dont la trace est figée dans une émulsion. C’est dans le jour que la photographie se fait invisible sous le masque d’un sens qui occulte le non-sens de ce qui fut une fois pour toute sans espoir de retour. L’art photographique est un art de la chambre claire.

La photographie comme saisie d'une contingence qui renvoie du reconnaissable au regardeur (studium) par lequel pointe parfois un détail troublant (punctum) sont les idées principales qui se dégagent de cette « note sur la photographie ». Mais la forme même de « La chambre claire » est une méditation mélancolique qui n'est pas sans beauté, à l'opposé d'un exercice théorique aride. L'écriture de Roland Barthes se situe ici entre l'essai et la méditation. La Chambre claire a tout l'air d'un essai conçu après la mise en ordre de notes prises en regardant des photographies ; ces contemplations, rapportées à la première personne, donnent au texte un caractère méditatif où l'auteur assume sa subjectivité. C'est d'ailleurs une méditation très personnelle tant l'intimité de Roland Barthes y affleure: lorsqu'il écrit ces notes, il évoque la perte encore récente, de sa mère et c'est ce deuil qui l'a ramené vers quelques vieilles photos de familles.
Enfin, cette méditation à un caractère explicitement mais subtilement bouddhiste (en passant d'abord par la phénoménologie).
Puisant dans le vocabulaire husserlien, il assigne à la contemplation de la photographie une noématique dont il m'est difficile de dire si elle est conforme à la phénoménologie husserlienne : « le nom du noème de la photographie sera donc : « ça a été », ou encore : l'Intraitable. » (p. 120). Mais c'est pour insister sur le caractère contingent de l'impression réalisée par la lumière sur la pellicule et le papier photographique. La méditation de Barthes ne s'intéresse pas aux façons de cadrer et à la technique du photographe ; ces questions ne touchent pas à l'essence de cet art (qui n'a pas acquis ce statut d'art sans mal) mais sur cette saisie unique de quelque chose « qui fut » par la chimie des révélateurs sur une surface de papier. Car la photographie « répète mécaniquement ce qui ne pourra jamais plus se répéter existentiellement ». Elle est la rencontre matérialisée et singulière de quelque chose qui fut et qui n'est plus et qui nous ramène à l'impermanence de toute chose qui est au fondement de l'ontologie bouddhiste. Se référant à Alan Watts, Roland Barthes écrit : « Pour désigner la réalité, le bouddhisme dit sunya, le vide ; mais encore mieux : tathata, le fait d'être tel, d'être ainsi, d'être cela ; tat veut dire en sanscrit « cela » et ferait penser au geste du petit enfant qui désigne quelque chose du doigt et dit : Ta, Da, ça ! Une photographie se trouve toujours au bout de ce geste ; elle dit ; ça, c'est ça, c'est tel ! Mais ne dit rien d'autre (...) » (pp.15-16). Mais parce qu'elle ne peut montrer que quelque chose qui fut et ne sera désormais plus jamais, la photographie met le regardeur face à ce qui est sans retour ; autrement dit l'idée de la mort. (Une mort que nous conjurons en recherchant les photographies les plus « vivantes »).

Ce qu'il y a d'étonnant dans ce texte entièrement parcouru par l'idée de la mort, c'est que le fond d'inquiétude funèbre qui l'imprègne ne se réduit peut-être pas à l'état subjectif d'un Roland Barthes encore endeuillé de la perte de sa mère. Il reste qu'il parvient à nous persuader (sinon convaincre) qu'il touche aussi à quelque chose d'universel.
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Une réflexion poétique et très riche sur l'imaginaire photographique. En partant de ses expériences personnelles, Barthes invite son lecteur à réfléchir sur ce qu'est "l'essence" de la photographie. Pourquoi certaines photographies nous parlent plus que d'autres? Comment expliquer ce malaise ressentis lorsque nous sommes confrontés à des photos nous représentant? Toute une série de questions pour lesquelles Barthes ne s'attache non pas à répondre mais à donner des clefs de compréhension.
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Relecture de cet ouvrage de Roland Barthes, paru en 1980 et qui fait depuis partie des ouvrages très souvent cités pour qui s'intéresse à la théorie de la Photographie. Dans cet ouvrage, Roland Barthes se pose la question de l'essence de la Photographie. Pour cela, il va adopter une approche très peu académique : "Je résolus donc de prendre pour départ de ma recherche à peine quelques photos, celles dont j'étais sûr qu'elles existaient pour moi." En ce sens, on a affaire ici plus à l'auteur de "Fragments d'un discours amoureux" qu'au professeur de sémiologie du Collège de France. "Comme spectator [opposé à l'operator ], je ne m'intéressais à la Photographie que par "sentiment", je voulais l'approfondir, non comme une question, mais comme une blessure. Dans la première partie, en se basant sur quelques photos reproduites dans l'ouvrage, il s'attache à distinguer le studium, c'est à dire un champ d'intérêt culturel général du punctum, d'une photo, sorte de satori ; il rapproche ainsi la Photographie du Haïku. Mais c'est dans la deuxième partie, la plus intime, qu'il va trouver ce qui, selon lui, est l'ontologie de la Photographie : le "ça a été". Il arrive à cette découverte en rangeant des vieilles photos de sa mère, décédée et en tombant sur une photo d'elle fillette au Jardin d'hiver (photo non reproduite): "J'observais la petite fille et je retrouvai enfin ma mère". Il précise : "La photographie ne remémore pas le passé (rien de proustien dans une photo). L'effet qu'elle produit sur moi n'est pas de restituer ce qui est aboli (par le temps, par la distance), mais d'attester que ce je vois a bien été." Un peu plus loin, dans une photographie du jeune Lewis Payne, dans sa cellule, condamné à mort, prise par Alexander Gardner en 1865, il découvre ce nouveau punctum : "il va mourir". La photo est dans ce cas un futur antérieur, elle dit la mort au futur. Roland Barthes exprime à plusieurs reprises les liens de la Photographie avec la mort. Alors qu'il insiste sur le caractère de pure contingence de toute photographie, je ne peut m'empêcher de penser à sa mort à lui, fauché par une camionnette dans une rue de Paris.
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Barthes essai de nous livrer son impression sur qu'est ce que l'essence même de la photographie! Pour cela il part d'exemple de photos qui lui plaisent! Un pari audacieux que de faire un livre théorique à partir de sa propre expérience! Un classique!
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Ah, Barthes ! L'intellect affiné et la sensibilité raffinée. Ce livre est un essai en même temps qu'un autoportrait, une confession pudique. Il propose un lexique restreint pour étudier la photographie (le "studium" et le "punctum" en particulier) et surtout pour mieux décrire ce qui le touche et le trouble intimement dans chaque photographie choisie. Livre qu'on ne peut que chérir. (À moins d'y être hermétique, ce qui se conçoit bien sûr.)
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(...)
La chambre claire n'est pas un ouvrage d'analyse photographique, de dissection de ce qui fait une bonne photo ou une mauvaise, c'est plutôt une interrogation personnelle, intime, subjective du regard de Barthes sur la photographie. Et c'est par ce côté personnel, justement, que La chambre claire touche et passionne, par cette volonté de ne pas en imposer, mais d'être sincère, que le livre nous amène à nous interroger sur notre propre regard de spectateur. Passionnant.
Lire la critique complète sur mon site :
Lien : http://chroniques.annev-blog..
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