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Critique de RChris


Lorsqu'elle décède le 09 janvier 1905, il n'est pas un journal, même parmi les plus hostiles, qui ne titre pas sur la mort de Louise Michel et n'évoque son récit de vie.
Cette citation journalistique m'a paru significative, qui la qualifie de : “révolutionnaire d'instinct et de sentiment plutôt que de calcul et de raison qui se laissait aller à rêver d'une société idéale”

Mais qui était donc cette Lorraine, comme Jeanne d'Arc, née à Vroncourt entre l'Aube et la Meuse, qui a inspiré cette nouvelle biographie de Marie-Hélène Baylac ?
Née d'un viol commis par le fils d'un hobereau local ou par son père : “Mon père soutenait que j'étais sa soeur et non sa fille.”
Elle sera élevée au sein de cette famille avec sa mère, servante.
Tout au long de ma lecture, j'ai regardé la photo de couverture pour essayer de percer le mystère de celle qui a “rassemblé des foules, donné à rêver un monde idéal aux misérables, fait trembler les possédants et les gouvernements” .
Je ne la trouve pas laide mais habitée, alors qu'elle est décrite ainsi : “L'adolescence n'a pas métamorphosé la “vilaine enfant”. Elle conserve un physique ingrat : un front large et fuyant, encadré de cheveux châtains plaqués en arrière, un nez très long qui s'élargit à la base, une bouche rendue démesurément grande par une lèvre inférieure saillante ; un menton rond et surtout de grands yeux de velours qui adoucissent cependant l'aspect viril de son visage.”
Mince ! s'il y a déjà des divergences sur son aspect physique, qu'en sera t-il sur ses engagements ?

Elle fut d'abord institutrice, mais pas une institutrice classique, une qui pratiquait “l'éducation intégrale”, c'est-à-dire un enseignement “actif et concret, soucieux de développer toutes les aptitudes intellectuelles, physiques, affectives de l'enfant“.
Mais dans son procès pour sa participation à la Commune, on lui reprochera de faire “chanter la Marseillaise à ses enfants auxquels elle n'apprenait pas la moindre prière.”!

Elle sera l'égérie de la Commune, tirant au fusil au milieu des hommes.
Elle projeta d'assassiner Thiers à Versailles.
Elle sera condamnée à la déportation dans une enceinte fortifiée.
C'est durant le long voyage vers la Nouvelle-Calédonie qu'elle se convertit à l'anarchisme de Pierre-Joseph Proudhon et du russe Bakounine.

Tout n'est pas rose dans cette personnalité exacerbée, intransigeante, implacable, d'ailleurs elle se définit ainsi : “Je suis maintenant d'une sensibilité pareille à la sauvagerie du sanglier longtemps chassé.”
Louise Michel était aussi une poétesse, une écrivaine et ce livre fait la part belle à des citations de ses contes, romans et poèmes…
22 titres paraissent à son retour de Nouvelle-Calédonie.
Elle écrit pour les enfants “Des légendes et chants de gestes Canaques”, des contes qui révèlent une sensibilité à l'opposé de son image d'épouvantail politique.

Sur sa vie affective, la biographie de Marie-Hélène Baylac ne peut faire l'impasse, même si elle est cependant réduite… à deux pages. Théophile Ferré, “martyr” de la Commune fut l'amour platonique de sa vie…
Cette relation lui vaudra le surnom de “vierge de la Commune”.
Certains lui prêtent des relations lesbiennes, beaucoup la considèrent comme ”unsexed”.
Méchamment, un journaliste dira : “Elle n'est pas jolie et on dit qu'elle est vierge. Mauvaise affaire pour la raison ! Virginité est mère de démence. Comme dans nos ménages, nous faisons tourner une barrique de vin avec un verre de vinaigre, la virginité fait tourner la vertu en aigreur.”
A l'inverse, ses partisans affirmaient : “Elle aime en général et non en particulier.”

Dans une biographie, je suis toujours à la recherche de ce qui est à l'origine de ce destin, quels sont les ressorts, psychologiques, sociologiques, psychanalytiques… Ici, je reste un peu sur ma faim : comment expliquer une telle abnégation, un tel dévouement, une telle générosité, une telle constance dans la radicalité de “la sainte de l'anarchie”, qui refusait les grâces qui lui paraissaient infâmes mais qui l'auraient sortie de prison, ne sollicitant des sorties que pour aller au chevet de sa mère malade ?
L'époque qui a vu l'apogée du mouvement anarchiste n'explique pas tout.

Quelle détermination, quel engagement à “se révolter ou mourir”, l'historienne ne dresse pas pour autant un panégyrique, elle montre quelques dérives dans ses discours qui prêtent le flanc au diagnostic d'aliénation mentale.
La peur d'être “enfermée” l'incite d'ailleurs à rejoindre Londres, ville des exilés politiques d'Europe par excellence.
Elle continue ses conférences enflammées et ouvre une école à “l'éducation à la fois physique et intellectuelle, polyglotte, s'intéressant aux avancées scientifiques et techniques de l'époque, qui diffusera les principes d'humanité et de justice chers aux anarchistes.”

Jusqu'à la fin de sa vie, elle encouragea la recherche du bonheur de l'humanité dans la révolution anarchiste.
“Dans notre histoire, faite et dominée par les hommes, elle apparaît parmi les très rares figures politiques féminines célèbres” remarque l'autrice.
A sa mort, on dira : “Ç'a été non un enterrement mais une apothéose”.

Elle ne cesse aujourd'hui d'inspirer théâtre et cinéma, et l'oeuvre de celle qui avait la “névrose de la générosité" est constamment rééditée.
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