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Critique de gerardmuller



La Terre qui meurt /René Bazin
Tandis qu'il s'active dans son champ, Toussaint Lumineau, métayer maraîchin, voit venir à lui le garde régisseur du marquis de Fromentière. Il dit venir suite à l'insistance du marquis pour percevoir deux mois de retard de redevances de fermage qui lui sont dus. Pour Lumineau, dans ce marais vendéen, la vie est dure. Veuf depuis trois années, il a élevé cinq enfants dont l'aîné âgé de trente ans, Mathurin, est devenu infirme accidentellement alors qu'il allait se marier avec Félicité Gauvrit d'une closerie voisine. Il sait que le marquis qui a toujours été compréhensif avec lui est parti vivre à Paris et ne revient que rarement à la Fromentière.
Et le garde ajoute qu'il a vu Jean Nesmy, le valet de Lumineau, un braconnier avéré issu d'une misérable closerie, traîner sur les voyettes en compagnie de Marie-Rose, sa dernière fille, une jolie sauvageonne de vingt ans. Il le met en garde contre cette mauvaise fréquentation.
Toussaint pense demander à son fils cadet François de lui prêter de quoi payer le dû. Devant le refus de François, c'est Marie-Rose qui propose à son père sa part d'héritage que gère sa vieille tante Adélaïde.
Pour Toussaint, un mariage entre Marie-Rose et Jean Nesmy est absolument inenvisageable et il le lui fait savoir sèchement et le chasse de la ferme. Jean Nesmy promet de revenir. Marie-Rose fait ses confidences à sa tante Adélaïde.
À quelques temps de là, François annonce à son père qu'il veut être son maître et gagner pour lui. Il a reçu un avis favorable pour être embauché dans les chemins de fer. le départ de François avec Éléonore pour La Roche sur Yon laisse Toussaint abasourdi. Heureusement le retour d'Algérie d'André lui apporte un peu de baume au coeur.
Mais André voit bien que les temps ont changé. Il explique à ceux qui l'entourent que s'ils lisaient les journaux comme il le fait , ils sauraient que maintenant tout est apporté de l'étranger , à meilleur compte qu'on ne peut le produire , le blé , l'avoine , les chevaux , les boeufs , et qu'il y a , contre eux , les Américains , les Australiens , et qu'il y aura bientôt les Japonais , les Chinois …Visionnaire André ! Ce qui paraissait immuable pour le vieux Toussaint est en train de s'écrouler.
Dans ce magnifique roman paru en 1898 et qui connut un succès immédiat, René Bazin, vendéen de naissance et écrivain régionaliste, met en lumière le malaise paysan et célèbre la paysannerie de façon magistrale tout en faisant le constat d'une mutation irréversible. Peut-on parler vraiment d'échec de l'autorité paternelle ou bien plutôt de clairvoyance filiale ? L'esprit de caste séparant maraichins (ceux du marais) et boquins (ceux du bocage) est omniprésent, créant des rancoeurs et contrariant des amours d'adolescents. Les descriptions émouvantes du Marais vendéen avec ses closeries vivant en autarcie et ses fermes entourées d'étiers, la valorisation du travail de la terre et l'entrée dans la vie intime de la famille Lumineau sont particulièrement évocatrices. Violence et générosité, joies simples et peines irrépressibles alternent dans ce roman du terroir pour un dénouement fatal. Une véritable saga de la condition paysanne avec en filigrane le changement d'époque, le délitement des liens familiaux et la désertion des campagnes au siècle dernier, le tout dans un très beau style poétique, et avec des personnages forts, charismatiques et vrais.
Aujourd'hui, on assiste un peu à la suite de ce que Bazin, visionnaire, a bien su mettre en lumière ici et la lutte des paysans semble désespérée : le monde rural est à l'agonie Un paysan se suicide tous les deux jours…
Un chef d'oeuvre.
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