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Critique de Lamifranz


Ce roman, le 7ème d'Hervé Bazin, renoue avec un thème qu'il affectionne : la province, et bien entendu, la bourgeoisie provinciale qui va avec. Et un autre qui revient souvent également dans son oeuvre : la famille, et plus particulièrement la place des femmes dans la famille. Parfois femmes de pouvoir, parfois condamnées au contraire aux travaux domestiques. Hervé Bazin s'est attaché aussi à définir ou redéfinir le rôle du père et celui de l'époux, ce qui a contribué à faire de lui un romancier de tendance naturaliste, abordant les problèmes de société par leur côté humain.
Le titre « Qui j'ose aimer » est quelque peu accrocheur : on a l'impression que le « je », le narrateur, en l'occurrence la narratrice, s'apprête à faire un inceste, et qu'elle l'assume. Et le roman ne nous donne pas tort :
Nous sommes dans la région nantaise au début des années 50. Isabelle Goudart, dite Belle, divorcée, est la mère d'une autre Isabelle, dite Isa (la narratrice), 18 ans, et de Berthe, plus jeune et un peu simplette ; une gouvernante, Nathalie dite Nat, vient compléter ce quatuor de femmes qui gère le domaine de la Fouve. Les choses se gâtent quand Belle, la mère, se met dans la tête de se marier avec un homme, Maurice Mériset, plus jeune qu'elle, contre l'avis de la communauté. La guerre est déclarée entre Belle et Nat. Isa prend en grippe le nouveau venu. Belle tombe malade, ce qui change un peu les rapports de forces dans la maisonnée. Isa se rapproche de Maurice, et tous les deux nous jouent Phèdre à l'envers : ce n'est pas la belle-mère qui s'amourache du beau-fils, c'est la belle-fille qui s'amourache du beau-père (lequel, en plus, est consentant). Belle meurt. Maurice doit partir. Ce qu'il ne sait pas qu'Isabelle attend un enfant de lui, une fille. Décidément la Fouve restera ce qu'elle a toujours été : une maison de femmes.
Ce qui ressort de ce roman « d'atmosphère », c'est d'abord le portrait – l'autoportrait – d'Isa, une jeune fille de 18 ans. L'auteur a su parfaitement dépeindre les états d'âme de cette « jeune fille en fleur » que dirigent ses sentiments. Et à travers elle, cette société matriarcale où l'homme n'arrive pas à trouver sa place. Il faut bien dire que Maurice n'est pas tout à fait à la hauteur. Son rôle n'est déjà pas très clair, en sa qualité de « pièce rapportée », et surtout il a en face de lui un quarteron, non pas de généraux en retraite, mais de femmes en activité : Belle, la pauvre, lui est à peu près acquise, Berthe, une gamine un peu simplette, ne l'embêtera pas beaucoup, mais les deux autres… Isa après une belle passe d'armes, finira par céder, mais Nat, la gouvernante au chapeau bigouden sur la tête (au fait, où voulez-vous qu'elle le mette ?) est un personnage hors normes. Sous ses allures de Maritorne bougonne et sévère, elle a un coeur d'or, et c'est elle l'âme de la maison.
Portrait de jeune fille, portraits de femmes, dessinés avec sensibilité et tendresse. Et aussi portrait de la province où la nature tient le premier plan. Les personnages évoluent dans un cadre champêtre et poétique que l'auteur restitue avec talent. de la même façon l'arrière-plan social est également mis en lumière : on sent en coulisse les regards en dessous du voisinage, les médisances, voire les calomnies de ces cancanières de village qui réprouvent le divorce, alors pensez le remariage d'une divorcée, et je ne vous parle pas de la naissance d'une petite bâtarde, prénommée Isabelle comme sa mère et sa grand-mère…
Sans être tout à fait un roman de terroir, « Qui j'ose aimer » se rapproche de ces romans balzaciens qui se passent chez ces bourgeois de province, où l'intrigue tout à fait intemporelle s'incruste dans un cadre bien précis, bien dépeint géographiquement, historiquement (la Fouve a une histoire jusque dans ses meubles) et également dans les mentalités.
Une belle réussite de cet auteur, Hervé Bazin, que l'on a tendance à réduire au créateur de Folcoche. Il vaut bien mieux que ça ! Toute son oeuvre littéraire en fait foi. A redécouvrir !

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