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Critique de PatrickCasimir


SPQR : Billet du 19 novembre 2017

Chers Babéliens

Vous connaissez cet aphorisme que l’on trouve dans les pages roses du Larousse : Doctus cum libro. Aphorisme dépréciatif autant qu’ironique. Aujourd’hui, si je devais faire du latin de cuisine (je ne suis pas latiniste et je ne demande qu’à être corrigé), je me mettrais au goût du jour et je dirai : doctus cum «Internet ». Comment traduire Internet en latin, à moins de considérer que c'est déjà du latin ?

Tout cela pour indiquer que si l’on peut se moquer de celui qui « fait son savant » avec les livres des autres, il est devenu plus facile, désormais, de se prétendre cultivé avec Internet. Mais, comment faire autrement ?

Ce que nous savons, nous l’apprenons dans les livres, ailleurs, par nos expériences et, de nos jours sur Internet. Ainsi, nous avons beaucoup appris par des livres écrits par ceux qui, eux-mêmes, ont puisé dans les recherches que leurs prédécesseurs et leurs contemporains ont fixées, à leur tour, dans les livres, et ainsi de suite. Ecrits que l’on retrouve souvent sur Internet

Peut-être est-ce un appel à la modestie qui doit servir d’écrin à un savoir généralement approximatif, incomplet, quand on a acquis une petite culture, une connaissance modeste, dans un domaine qui n’est pas sa spécialité. Bref, l’humilité sied à la connaissance acquise notamment, par la lecture, par la curiosité intellectuelle. J’y souscris totalement.

Pourquoi ce préambule ? Parce que je viens d’achever le très beau livre d’histoire sur la Rome antique de Mary Beard, qui m’a fait faire des découvertes formidables, et me permet de considérer cette histoire romaine avec un regard neuf. Je suis comme tout le monde, l’empire romain ne m’était pas totalement inconnu. Mais avec ce livre, je m’aperçois que je n’en savais rien, en définitive.

Babelio incite les Babéliens à citer des passages qu’ils ont particulièrement remarqués de leur lecture. Il leur suggère aussi des critiques ; ce commentaire sur un livre que l’on a apprécié (ou pas du tout apprécié) constitue un exercice remarquable et plutôt difficile, si l’on ne souhaite pas se contenter du : « Une chronique magistrale » de The Economist, à propos du livre de Mary Beard, sans que l’on ait d’ailleurs la garantie que cette exclamation prouve que son auteur a lu le livre.

Cet exercice est intéressant en ce qu’il implique une réflexion sur ce que l’on pourrait dire d’un très bon livre, et qui présenterait quelque originalité tant dans la forme que sur le fond. En effet, après la lecture des 544 pages de ce livre, je puis, à mon tour, déclarer que j’ai trouvé SPQR, FORMIDABLE !

Cependant, cela me paraît un peu court pour inciter les Babéliens à le lire, à leur tour. Alors, que faire ? Je me suis rendu sur Intenet (Doctus cum rete « Internet »), pour faire un peu connaissance avec l’auteure.

Où l’on apprend que Winifred Mary Beard, est née le 1ᵉʳ janvier 1955, est une universitaire et une érudite britannique, qu’elle a acquis des idées féministes dans sa jeunesse, idées qu’elle a conservées (les grandes intellectuelles finissent presque toujours par être féministes), qu’elle aime et pratique l’archéologie (ce qui est manifeste dans son livre), qu’elle a reçu un prix important pour son œuvre, qu’elle est très connue Outre-Manche, qu’elle anime des émissions pour la BBC, et possède par-dessus-tout, le franc parler d’une grande intellectuelle qui ne s’en laisse pas conter (cela se remarque aussi dans son écriture).

Je voulais donc connaître un peu mieux cette historienne, et Internet m’a facilité le travail. Pour son SPQR, c’est une autre paire de manche, comment parler de tant de richesse et d’érudition avec un petit peu d’intelligence, en tout cas sans paraître mièvre, plat, etc. ?

ET BIEN C’EST SIMPLE, JE N’EN PARLERAI PAS !

Je ne parlerai pas de ces mythes des origines de la Rome archaïque, chantés sur le tard, par un Virgile courtisan et qui déboucha sur la royauté, dont un Tarquin de sang royal, précipita la chute, par le viol de Lucrèce,

- Ni de la République corrompue par un Sénat rendu impuissant face aux généraux romains ;

- Ni de celui qui, en franchissant le Rubicon (petite rivière ridicule, devenue symbole de toutes les audaces), ne prit point de titre usé, mais fit de son nom un titre supérieur à celui des rois (Chateaubriand) ;

- Ni du premier véritable empereur, Pompée, qui se faisait appeler Magnus, comme Alexandre, sans en avoir l’envergure, et qui précédera César chez Pluton, selon la méthode désormais éprouvée à Rome, de l’assassinat politique ;

- Pas davantage, du premier qui régna plus de 40 ans, le dénommé Octavien dit Auguste, dont notre calendrier garde la mémoire dans la plus grande indifférence des aoûtiens fréquentant nos plages du nord ou du sud de la France ;

- Encore moins des 14 empereurs qui offrirent deux siècles de stabilité à l’empire, ni de Cicéron, ni de Pline, ni de Suétone, ni de tous ces noms célèbres de cette histoire, dont nous avons, au moins, une fois entendu parler.

Par contre, comme moi, vous ne connaissez pas Caius Pupius Amicus, que la fière épitaphe décrit comme purpurianus (teinturier), ni Vergilius Eurysaces, entrepreneur boulanger et fier de l’être comme l’indique son tombeau de 10 mètres de haut ! Encore moins l’obscure Ménophilos, musicien venu d’une lointaine contrée d’Asie pour mourir à Rome en laissant cette épitaphe émouvante : « Je n’a jamais prononcé de paroles offensantes, et j’étais un ami des Muses. ».

Et puis, il y a cette héroïne celte, bien connue des Britanniques, sorte de Jeanne d’Arc, avant l’heure, ou d’Astérix en robe – c’est comme vous voulez-, la « Reine » Boadicée qui mena la vie dure aux garnisons romaines de la Bretagne et dont les statues figurent en bonne place à Londres et aux Pays de Galles.

Bien mieux, je croyais les graffitis « modernes » ; voilà que Mary Beard, nous présente la « culture des bars » (ou tavernes), très nombreux à Rome, faite, notamment, de la passion du jeu de dés contre sesterces sonnants et trébuchants, de graffitis qui valent bien ceux que nous trouvons dans les toilettes publiques de nos jours, comme ce « J’ai baisé la patronne » figurant sur un panneau de bar, ou bien encore des dessins de sexe explicite.

On trouve aussi, des graffitis d’Ostie, par exemple, qui détournent avec humour et impertinence les premiers mots d’une œuvre littéraire archiconnue à l’époque : « Je chante les combats et ce héros qui le premier, etc. », qui devient, sous un dessin de façade d’une blanchisserie : « Je chante les fouleurs et leur hibou et non les combats et l’homme. ».

Il y en a beaucoup d’autres ; et si la grande Histoire n’a pas retenu leurs noms, si aucun professeur ne vous en a jamais parlé, si la vie quotidienne dans l’empire est passée sous silence au profit des portraits des grands personnages, Mary Beard, rétablit les choses et nous rappelle que des millions d’anonymes, pauvres ou riches ont, certes, laissé peu de traces dans l’Histoire (surtout les pauvres), mais que les quelques unes que l’archéologie exhume, affûtent le regard de l’historien, améliore sa compréhension et la nôtre de ce monde qui a enfanté l’Occident.

Une chronique magistrale ! selon The Economist, j'aurai tenté de vous expliquer pourquoi … Pat


Première critique alors que la lecture était en cour... (que je ne renie pas)

Un livre d'histoire, un livre d'érudition qui se lit comme un roman ; une grande historienne qui sait raconter l'Histoire et passionner son lecteur.

Où l'on apprend, comment le verbe de Cicéron détruisit Catilina ;

comment, le début de son discours (à charge) a traversé l'Histoire et que les contestataires de tout pays n'hésitent pas à reprendre à leur compte.

Ainsi, ce célèbre "Quo usque tandem abutere, Catilina, patientia nostra ? ", "plane encore sur la réthorique protestataire du XXIème siècle". Même François Hollande en a fait les frais : "Quo usque tandem abutere, François Hollande, patientia nostra ? "

Lecture à suivre donc...Pat

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