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Critique de Emilie6344a18



Les relations maternelles, sujet de prédilection, conscient ou inconscient, de bien des auteurs, est le coeur de cet ouvrage qui s'est avéré beaucoup plus complexe que je ne l'aurais cru, largement entrecoupé d'extraits de Virginia Wolfe et de textes psychanalytiques du Britannique Winnicott. En écrivant ce livre, Bechdel confirme la coupure et la résilience que des années, voire des décennies, de thérapie lui ont finalement permis d'obtenir.
L'attrait des autobiographies sous forme de roman graphique vient pour moi de cette double opportunité de pouvoir choquer, ou d'exprimer avec candeur, autant avec les mots qu'avec les images. Ainsi, l'effet d'un texte de plaisir peut se voir décupler pendant un instant éphémère, souvent à la toute première lecture, puisqu'accompagné par la surprise des oeuvres (planches ou cases dans ce cas-ci) illustrant le propos, ou n'en tenant pas compte. Néanmoins, lorsque l'étonnement des images s'estompe, les mots restent pour ancrer notre réaction initiale, un peu comme le décrit Barthes.

…ces productions de l'art contemporain, qui épuisent leur nécessité aussitôt qu'on les a vues (car les voir, c'est immédiatement comprendre à quelle fin destructive elles sont exposées : il n'y a plus en elles aucune durée contemplative ou délectative), une telle introduction ne pourrait que se répéter sans jamais rien introduire. (Barthes, 1978,p. 32)

Paradoxalement, à travers le texte et les images d'une de ces planches en particulier, une scène anodine familiale ( p.169), Bechdel a su saisir un je-ne-sais-quoi, un souvenir de ma propre enfance que je ne saurais décrire, autant par la parole que par impressions mémorielles. Lire le texte séparément, sans y juxtaposer les cases, n'aurait pas déclenché une émotion qu'on pourrait qualifier de quasi destructive. Les images, malgré qu'elles soient indissociables du propos dans ce cas-ci, dépassent la force du contenu littéraire. L'atteinte du « Cela » n'aurait pu être possible pour moi, et ce, de façon répétée, si le texte n'avait pas été supporter des dessins.
Ainsi, à elle seule, cette planche eut sur moi le même effet d'un texte jouissif,'' à la façon d'un scandale'' (Barthes, 1978, p. 35), indescriptible et troublante, et est devenu ce qu'on qualifie de case mémorable, décrite en ces termes par Peeters; ‘'…la dimension picturale domine la fonction narrative au point de la supplanter totalement'' ( Peeters, 1998, p.18)
Cette symbiose indescriptible de la plume lyrique de Bechdel se retrouve à travers le roman graphique Are you my mother ? , lui conférant une unicité touchante, malgré la certaine lourdeur des propos, qui a l'avantage de garder le lecteur actif tout au long de sa lecture, ce qui est aussi « Cela » pour moi.

Références :
• Peeters, B. (1998). Lire la bande dessinée (2e éd.) France : Flammarion.
• Barthes, R. (1973). le plaisir du texte (p. 23–36). Paris: Éditions du seuil.
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