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Critique de Bigmammy


Faire un résumé de cet ouvrage foisonnant et terriblement documenté relève de la gageure. Devant l'inimaginable cruauté des événements historiques qu'il décrit, l'auteur s'est attaché à émailler son propos d'une foule de témoignages, formant une immense et cruelle fresque de ce que la nature humaine a de plus abject.

Ce n'est sans doute pas un hasard si ce livre paraît au moment où se déroule au flanc est de l'Europe un conflit d'une violence inouïe depuis plus de 76 ans. En réalité, ce que la presse internationale nous montre des exactions commises en Ukraine ne représente sans doute qu'une partie de la réalité du terrain.

Une tradition séculaire de sauvagerie qui remonte à bien plus loin que la Grande guerre Patriotique à laquelle se réfère si souvent l'agresseur.
Autre remarque : le lecteur doit se familiariser avec la dimension géographique du conflit actuel et à ses sources historiques.

Nous avons bien du mal à nous représenter l'espace sans obstacle naturel qui relie les pays baltes, la Pologne, les confins de l'ancien empire austro-hongrois, l'Ukraine et très spécifiquement la Crimée, la Turquie. Vaste territoire de passage et de conquêtes …

Pour ma part, j'ai dû réviser mes rares réminiscences des événements qui se sont succedés lors de la Révolution bolchevique de 1917 (et largement reconditionnés par la propagande soviétique), l'effondrement de l'armée du Tsar, son abdication, les tâtonnements du gouvernement provisoire de Kerenski appelant à l'élection d'une assemblée constituante que Lénine va immédiatement saboter.

C'est un chaos indescriptible qui s'empare de toute la zone : les déserteurs radicalisés de retour du front se servent dans les réserves, s'approprient le matériel des propriétaires et occupent les terres.
Ils veulent vivre libres, rentrer chez eux, ne plus payer d'impôt, ne reconnaitre aucune autorité. Et surtout la paix à n'importe quel prix, sans attendre une hypothétique assemblée constituante.

Lénine sait qu'il ne remportera la bataille qu'après avoir mis fin aux hostilités, persuadé qu'un mouvement révolutionnaire se produira en Europe.
Le traité de Brest-Litovsk est signé le 3 mars 1918. Les armées allemandes vont être transférées sur le front ouest … mais avant, elles avancent largement vers l'est pour rafler les ressources alimentaires, une spoliation amplifiée par leurs soldats. Cet élément m'avait jusqu'ici totalement échappé.

Et c'est là que tout commence : Rouges contre Blancs, la cruauté et les exactions sont générales. Les combats entre factions, l'ego surdimensionné des généraux blancs soutenus et armés par les puissances (Britanniques, Français, Japonais, Chinois …). Les haines sont inextinguibles contre les ennemis de classe (les aristocrates, les « bourjouis », les intellectuels porteurs de lunettes, les officiers capturés, les Juifs …). Surprenantes aussi : les différences de point de vue chez les gouvernants vainqueurs : Lloyd George s'oppose à Churchill sur la poursuite du soutien à la guerre civile à l'été 1919.

Pogroms massifs, liquidation de prisonniers et viols en masse, corruption généralisée, ivresse permanente et usage de cocaïne, passages d'un camp à l'autre : les Blancs ne sont pas capables de se coordonner mais s'enrichissent sur la « Bête ». Leurs chefs oscillent entre monarchie réactionnaire, virulence de l'antisémitisme, dictature, retour au passé. Les combats s'éternisent jusqu'en 1921, mais petit à petit, la discipline bolchevique, les qualités d'organisation de Trotski et l'omniprésence de la Tcheka vont faire basculer le conflit en faveur des Rouges, laissant le pays totalement dévasté et en proie à une famine incommensurable. Bilan : entre six et dix millions de morts … et des réminiscences non encore effacées dans les esprits.

Ce qui se passe aujourd'hui nous en dit autant sur la cruauté humaine que sur la capacité de résilience des populations habituées à souffrir un martyre renouvelé, et espérons-le, à s'en relever.
Lien : http://www.bigmammy.fr/archi..
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