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Critique de fuji


Sortie le 16 aout 2018.
François Bégaudeau, sur un célèbre plateau de TV, ONPC pour ne pas le citer, s'insurgeait contre l'emploi de « en guerre » pour parler des attentats. Il expliquait qu'il fallait savoir employer les bons mots et prendre le temps de déplier les situations.
Dans ce roman encore plus que dans les précédents il s'y emploie, en dressant un roman social noir de notre contemporanéité.
Une ville, son centre et sa banlieue, un conflit social.
La presse n'a pas le temps d'en parler car elle est focalisée sur les attentats…
Dans cette entreprise depuis deux ans, Catherine Tendron opère, elle est là pour dégraisser les effectifs. Elle ne fait pas face à des grévistes en colère mais à des « lanceurs d'alertes », pour cela elle a, avant toute chose, métamorphosé son bureau en espace Feng Shui et elle gère façon Yogi. Lorsqu'elle fait face à la délégation, elle leur dit qu'elle aussi elle fait partie de cette entreprise Ecolex qui produit des connecteurs automobiles etc. Mais elle doit leur expliquer que la conjoncture… D'ailleurs elle les invite à partager une tasse de thé rouge. Catherine est des leurs, elle n'impose rien elle obtient le consentement.
Dans ce chaos, se dessine le portrait de Cristiano, mari de Louisa, qui après une journée de travail fait des balades à moto en écoutant du Métal. Cristiano est « fort en gueule mais faible en mots ».
Voici ce qu'il pense de cette situation : « On ne dilapide pas en deux semaines ce qu'on a élaboré en soixante ans, dont dix-huit avec sa pomme. On ne meurt pas comme ça d'une seconde sur l'autre. Ça c'est bon pour le gibier d'eau tel qu'abattu par son grand-père. »
Alors la délocalisation en Slovaquie va le laisser « sur le carreau ». Il va rester sur son canapé pendant que Louisa, sa femme, va trimer dans les entrepôts d'Amazon. Louisa c'est une battante, elle sait ce qui fait bouillir la marmite, elle ne va pas supporter de le voir ainsi. Elle sortira de plus en plus, d'abord avec les copines, puis seule.
Dans la même ville, mais au centre, les bobos, dont Romain Fraisse, n'ont pas conscience de cette situation, à peine lisent-ils les gros titres dans le journal.
La rencontre entre Louisa et Romain était improbable, et c'est tout de même à cause de cet évènement, qu'elle se produira.
Romain, travaille au Bureau Régional des Affaires Culturelles. Avec ses amis, ceux qui lui ressemblent il est habitué aux débats d'idées sur des sujets de hauts niveaux, comme : l'épilation intégrale chez les filles ou bien peut-on s'entendre sexuellement avec un partenaire dont les convictions politiques sont opposées ? Voilà tout de même des sujets plus importants dans la vie que la situation des banlieues.
« Bien que Romain estime aussi son temps limité, qu'il ne tienne pas spécialement à le gaspiller, que contre toute attente il aime mieux se forger une opinion que gober celle des autres, qu'au risque de choquer il ne trouve pas infamant de suivre son coeur et son intuition, cette dernière salve de philosophie achève de le convaincre que Louisa et lui n'ont rien à se dire. Il n'est que temps de passer à autre chose. »
François Bégaudeau joue avec le langage qu'il met à niveau des situations sociologiques qu'il décrit, ses personnages sont érigés sur la psychologie qui les a fondés et il n'oublie pas la gestuelle qui elle aussi les situe, aussi bien qu'une boussole vous donne le Nord.
Une analyse très réaliste, même si parfois, des raccourcis sont pris.
Le déterminisme n'a pas reculé d'un pouce malgré le progrès. le 21ème siècle ne sera pas celui des bouleversements fondamentaux qui replacerait l'humain au coeur des préoccupations.
Non, l'individu, pas tous, sera écrasé par l'effet de masse. Il y aura toujours l'effet boomerang qui renverra dans sa case celui qui aurait eu l'impudence d'en sortir.
La question est posée, encore et encore, sommes-nous réellement en démocratie ?
Le « pouvoir de l'ensemble des citoyens » n'est qu'une énorme farce.
Roman sombre, sarcastique et caustique qui tend à montrer que « La chance s'attrape par les cheveux, mais elle est chauve » citation attribuée à Stendhal.
Merci Babelio et aux éditions Verticales pour cette lecture.
©Chantal Lafon-Litteratum Amor 11 août 2018.


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