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Critique de tomlarret


Le printemps approche. Aussi, en bonne lépidophobe tourmentée, il est temps pour moi de me cloîtrer derrière mes persiennes tout en suivant d'un oeil exorbité les gracieuses évolutions de frêles ptérygotes colorés. Or, tant qu'à me cloîtrer pendant que les papillons papillonnent, que le soleil rayonne et que les gouvernements couillonnent, autant me consoler avec un roman garanti sans primevères.

Si la quatrième de couverture asticotait déjà mes penchants pour le glauque le plus effroyable, la première phrase m'a hameçonnée sans retour, sitôt lus les mots « la nuit des bébés possédés ». Même sans eux d'ailleurs, la mise en place du roman s'avère tellement immersive que j'aurais plongé tôt ou tard. Je me suis donc embarquée dans une ambiance de cauchemar latent, portée par un style fluide, poétique, à la noirceur aussi subtile que profonde, qui se dispense des excès de sordide au profit d'images fortes, concises, saisissantes. « Elles dansent, rient, vivent et grouillent, sur les murs et à l'intérieur de nos entrailles. Rien n'est plus noir que les ombres qu'elle invite chez elle, ses amis serviteurs qui avalent les étoiles ».
On est pas encore au registre de terreur du vol abracadabrant d'un Ascalaphe soufré, mais on s'en rapproche.

L'horreur grésille à travers tout le roman jusqu'à diverses explosions, empruntant parfois les décors classiques du genre (de cimetières au clair de lune en fêtes foraines à l'épouvantable perfection), dans une alternance de points de vue qui maintient un niveau de tension aussi vif que l'approche erratique d'une monstrueuse Hespérie du marrube à l'horizon. Les personnages se débattent entre une réalité intolérable et d'insidieuses hallucinations qui brouillent un peu plus les frontières entre événements, désirs, actions et délires. « Une armée de fourmis invisibles me grimpait sur la peau, et pénétrait en moi par les moindres interstices, à la recherche de mon coeur palpitant, fruit pourri d'un arbre succombant qu'elles souhaitaient dévorer jusqu'au noyau. »

Au fil des pages, la figure d'un antagoniste démoniaque s'esquisse, un mal sans nom ni visage mais riche de symboles et d'images, à l'entropie lovecraftienne, un « cercle aux milliards d'angles aigus », auquel vous demeurez libre d'accoler l'image qui vous terrifiera le plus, c'est cadeau, merci Pablo Behague.

Tout comme les personnages, groupe d'adolescents évoquant les bandes chères à Stephen King, ou l'homme de Dieu à la foi désagrégée, le lecteur se voit entraîné dans l'intrigue, incapable d'échapper à sa terrifiante absurdité, tournant les pages presque malgré lui sous la traction d'une main invisible. Enfin, « pas tout à fait une simple main. Elle accueillait des articulations en trop, des phalanges en trop aussi, et sa surface même ne paraissait pas constituée de peau, plutôt d'un étrange tissu miteux qui se tendait, se détendait et se déchirait même par endroits ». Risibles marionnettes égarées dans une noirceur totale, les protagonistes s'enchevêtrent dans leurs filins, jusqu'à les finir garrottés sur une trame chaotique où la réalité s'écroule, où la joie s'effondre, où l'espérance s'étouffe.

L'atmosphère prenante, la richesse des descriptions et la plume de l'auteur ne vous permettront pas d'échapper à ce sort. La quatrième de couverture ne mentait pas, cette lecture « ne laissera que peu de lumière à ceux qui y survivront. » Imaginez qu'un Zygène d'Occitanie se pose sur votre épaule, tenez, pour vous faire une idée. Ou mieux, lisez-le.
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