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Critique de beatriceferon


Erika est le type même de la pure aryenne. Sa beauté est telle qu'elle affole tous les hommes qui croisent sa route. Mais, du haut de son piédestal, la déesse n'a pas un regard pour eux. Depuis qu'elle a entendu Hitler prononcer un de ses discours, Erika est fidèle au Führer. Seul un fier officier SS dans son prestigieux uniforme noir aurait ses chances auprès d'elle. Et rien n'ébranlera sa foi dans le parti national socialiste. Même pas le recul des troupes devant les Russes, la débâcle, la marche hallucinée à travers les plaines glacées de Pologne.
La jaquette toute blanche sur laquelle se détache en grands caractères un nom de femme surmonté d'un insigne nazi, une broche sertie de pierres précieuses, provoque un mouvement de recul. On se dit : encore un livre sur la Deuxième Guerre mondiale ! Que pourrait-on inventer d'inédit ? Eh bien, la réponse se trouve dans ces pages. Je fais confiance à Hervé Bel, j'ai beaucoup aimé ses précédents romans.
L'histoire commence « un jour de mars 1944 » dans une forêt où travaillent des prisonniers surveillés par des gardes armés. Profitant d'une pause, L'un des détenus s'éloigne un peu pour satisfaire un besoin naturel. Adossé à un arbre, il ferme les yeux quelques secondes... Quand il les rouvre, il est seul. On l'a oublié. Panique. A coup sûr, quand on l'aura retrouvé, il sera abattu sans pitié. Pourtant, l'officier SS qui le découvre lui sauve la vie.
La suite du livre se divise en cinq parties relatant chacune une journée du repli de l'occupant allemand en Pologne devant l'avancée russe, du 16 au 20 janvier 1945. On a peine à penser que l'histoire qu'on lit se déroule en cinq jours seulement, tant elle est riche et touffue, fertile en suspense et rebondissements. Bien sûr, des rétrospectives nous projettent dans le passé pour nous expliquer des pans de la vie des protagonistes. Ce qui est original ? Hervé Bel nous emmène du « mauvais côté ». Son personnage principal (qu'on ne peut vraiment pas qualifier d'héroïne), celle qui donne son titre à l'ouvrage, est tout sauf sympathique. Dès l'âge de seize ans, elle s'est laissé hypnotiser par le charisme des discours d'Hitler et a décidé de se vouer corps et âme à son parti. Sous ses airs d'ange se cache une véritable goule dont on peine à croire qu'elle ait un coeur Un des soldats qu'elle croise la compare à Marika Rökk (actrice allemande célèbre à l'époque). On l'imagine donc très belle. Elle en joue. Elle sait, quand il le faut, prendre des airs d'ingénue, de frêle poupée blonde aux grands yeux bleus, ou, au contraire, de militante ne reculant devant rien, voire d'aristocrate face à laquelle les autres sont réduits au rôle d'esclaves, si pas de vermisseaux.
Elle a jeté son dévolu sur Gerd, fier officier SS qui en impose, sanglé dans son prestigieux uniforme. Malheureusement, il est déjà fiancé. Erika en est donc réduite à se rabattre sur Paul Sattler qui, s'il a tous les critères de l'aryen pure race, a cependant, aux yeux d'Erika, une tare rédhibitoire : il aime la littérature, est un doux rêveur, et surtout, un être sensible. Et ne parlons pas de sa famille qui se permet d'exprimer des critiques à l'encontre du régime. Comme le seul rôle réservé aux femmes est celui de mère et d'épouse, Erika se résigne à soigner cet homme qu'elle méprise pourtant, à lui offrir un foyer impeccable, à lui mitonner de bons petits plats et à fournir au Reich toute une tribu de petits soldats blonds. Mais on dirait que Paul n'est même pas capable de les lui donner.
On suit l'odyssée d'Erika obligée de fuir devant la barbarie russe. Les « Ivan » comme les appellent leurs ennemis, bombardent, tuent sans pitié et surtout violent tout ce qui porte jupon. de nombreuses scènes sont très dures et, si Erika a un instant d'humanité en prenant sous sa protection une mère et son fils, très vite, on la voit n'éprouver que mépris et dégoût pour cette Katherine dont le plus grand tort est d'avoir les cheveux noirs et le nez pointu.
De temps à autre, cette relation s'interrompt pour suivre Paul Sattler et aussi, un peu, un juif alsacien qui tente d'échapper à cet enfer.
Le récit se termine vingt-quatre ans plus tard, en 1969, par une sorte d'épilogue dans lequel on comprendra le sens de cette phrase d'Édith Beer, choisie par Hervé Bel comme épigraphe : « même les êtres les plus inhumains ne le sont pas toujours. »
J'ai dévoré en quelques jours à peine ce récit passionnant qui m'a fait découvrir des choses que je ne connaissais pas, même si on ne peut vraiment pas s'attacher à un personnage aussi odieux qu'Erika Sattler. Heureusement, en contrepoint, d'autres permettent de ne pas désespérer totalement du genre humain.
Par certains aspects, ce livre m'a fait penser au film d'Olivier Hirschbiegel « La Chute », dans lequel Magda Goebbels préfère tuer ses six enfants, plutôt que de les vouer à un monde sans Hitler.
C'est donc un roman qui m'a plu énormément et que je recommande sans hésiter.
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