« En 1940, la défaite de la France , un grand moment le meilleur peut- être de toute cette guerre!
On éprouvait un immense soulagement et une grande fierté .
Même à Nebenwald , il y avait eu la fête toute la nuit dans une grange .
Paul était là d’ailleurs .
Elle était fière de lui.
Il avait combattu en Pologne, il avait failli mourir.
Ce jour - là de juin 40, elle avait cru l’aimer »
La compassion est affaire de gens bien nourris.
« Les Polonais sont devenus des bêtes menaçantes que le feu éloigne, mais qui attaqueront dès qu’il sera éteint .
Quand les Russes seront là, ils se déchaîneront contre les allemands qui n’auront pas fui.
Il y a dans le village près de l’usine une famille de fermiers qui ne veut pas partir. Ils disent qu’ils sont chez eux.
Bien sûr qu’ils ont raison !
Mais les Polonais, ces lâches, ces veules, les massacreront sitôt que l’armée aura le dos tourné…… »
Aux yeux d’Erika, la guerre était avant tout une aventure lointaine. Il était entendu que l’Allemagne, jamais, ne serait conquise. Qu’il y eût des aléas, bien sûr, cela faisait partie du jeu… Mais que celui-ci puisse se terminer par l’anéantissement de la patrie, elle n'y avait jamais songé. Pense-t-on que la Terre, le Soleil et les étoiles puissent un jour périr?
La peur lui étreint le ventre. Jusqu’à maintenant, elle ne se croyait pas vraiment en danger. Même durant l’attaque du train de la veille. Il lui semble d’ailleurs, dans le souvenir qu’elle en garde, que quelqu’un en elle observait paisiblement la petite Erika affolée par les bombes.
Cette idée qu’on est toujours puni pour nos mauvaises actions, c’est de la bêtise, croyez-moi. Cela vient des églises. Il n’y a pas de justice. Le fort gagne, et s’il perd, c’est qu’il devient faible.
« Erika avait seize ans.Elle était rentrée chez elle transformée. Elle serait nationale - socialiste.
Pour le Reich, elle tiendrait plus tard son ménage avec soin, dans l’unique souci de donner du courage à son mari qui serait soldat.
Et puis elle ferait beaucoup d’enfants , pour donner à l’Allemagne la force de vaincre ses ennemis .
Elle était exaltée comme par un poème épique . »
« Voyez- vous, même les êtres les plus inhumains ne le sont pas toujours .
Ce fut pour moi une leçon que je ne devais jamais oublier.
Les individus sont absolument imprévisibles lorsque leurs principes moraux sont en cause. » .
EDITH BEER.
Gerd, lui, n'était pas un lâche: il l'avait prouvé et le prouvait encore, en traitant la racaille comme elle le méritait. Lui pouvait assommer des gens sans défense: c'était un soldat, il avait du courage.
Ce « Je t’aime » qu’il lui lançait régulièrement lui vrillait les nerfs. Déballage qui lui faisait l’effet d’une obscénité, comme un slip sali qu’on lui aurait mis sous le nez.
Avec les gens, cela finit toujours comme ça, par des confidences dont on n’a que faire, et que l’on doit recevoir avec gratitude, sauf à blesser la personne qui se confie.