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Critique de Channer


Ne cherchez pas dans ce récit l'autobiographie de l'auteure, elle s'en défend sinon pour clamer comme l'héroïne sa soif de littérature. Mais le propre des écrivains n'est-il pas de ressentir et de restituer par procuration la chair et l'âme des modèles de leurs personnages ? Nul doute qu'au cours de son enfance, Gaëlle Bélem a croisé les Dessaintes au bord de la rivière des Marsouins. Car oui La Réunion c'est bien ça, même si ce n'est pas seulement ça ou même s'il y a toujours pire que cette tribu de sacripants.
Ne cherchez pas non plus la rue Descartes à Saint-Benoît. Autant l'histoire de l'île fut désespérément éconduite des manuels scolaires, autant le moindre notable possède son nom de rue, ne laissant de place aux grands hommes que pour quelques Mandela ou Gandhi.
Il y a dans le sordide des tableaux de ce roman, dans l'exposition de ces existences, un cri de compassion pour le non-amour auquel on se rattache : « Je n'ai peur que d'une chose. de perdre le bourreau qui me considère comme son erreur de jeunesse ».
Il y a dans l'aspiration de la narratrice à s'élever une détestation de la culture de l'inculture, ce marasme d'une pensée qui s'enlise dans l'autosuffisance, qui n'est pas propre aux milieux populaires de la Réunion mais qui par insularité a développé une forme d'endémisme aux rites et aux codes particuliers qu'on évoque finalement avec nostalgie.
Si vous avez connu La Réunion d'avant l'an 2000, vous revivrez avec acuité l'ambiance sociale de l'époque. Si vous êtes trop jeune ou trop étranger vous découvrirez que les monstres les plus malfaisants ne sont pas ceux qu'on imagine, là, derrière la porte.
L'écriture est singulière, la facture générale classique, sans crainte de l'imparfait du subjonctif, empreinte de mots recherchés parfois un peu vieillots ou précieux jusqu'à provoquer délibérément le tournis. On entend le dix-neuvième siècle, un peu De Maupassant ou De Balzac, mais aussi la verve moderne et fleurie d'un San Antonio, et puis tous ces emprunts au vocabulaire créole métissés aux citations latines. le style est surtout incisif et dense. Chaque mot compte, porte une histoire et un sens.
S'il fallait citer la première bonne raison parmi tant d'autres de courir acheter et lire ce livre, ce serait son caractère unique, sa rafraîchissante nouveauté, un bonbon tamarin cruellement confit par Gaëlle Bélem.
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