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Critique de Athalie2


On est au début de la colonisation algérienne, la colonisation sale, la première, celle qui s'est faite à coups de sabre et d'exils, volontaires, certes, les exils, ce qui n'enlève rien à l'iniquité faite à cette terre.

On suit deux récits, celui d'un soldat et celui d'une femme colon, Caro, mariée à celui qui a voulu partir, Henri, et mère de trois enfants, deux garçons et une fille. Dans l'aventure inconnue, elle a elle-même entraîné sa soeur et son mari, Rosette et Louis. Ils viennent d'Aubervilliers, comme tout le groupe qui achève la traversée et découvre les terres promises, en plein désert du sud algérien. Les discours émouvants et patriotiques sonnent alors comme des glas de ce qu'on leur avait présenté comme un paradis. La terre algérienne ne veut pas d'eux, les habitants leur sont hostiles et c'est escortés de soldats qu'ils s'installent dans une grande précarité. » le sang neuf et bouillonnant dont la France a besoin sur ces terres de barbarie », la réalité va le faire couler. On leur a vendu une nouvelle vie, mais, à une journée de marche De Bone, la plus grande ville de la région, il n'y a rien, quelques tentes où ils s'entassent, la pluie, la poussière qui devient boue. La promiscuité, la faim, l'inconfort sont tels que le refrain de Caro « sainte et sainte mère de dieu » devient une rengaine qui se perd dans le froid glacial de ce premier hiver.

Le récit de Caro permet de suivre, ou de découvrir, l'inconscience des colons et la manipulation de la propagande. Même si le sort s'acharne sur eux et les décime à coup d'épidémie et d'attaques des « barbares », on ne peut les voir comme des victimes, car ce que Caro vit comme un exil et une séries d'injustices, est quand même bien une spoliation indigne d'un territoire dont ils n'avaient aucun accueil légitime à attendre. Que leur vie soit rude n'est finalement qu'une réalité que leur inconscience politique n'avait pas pris en compte.

Le récit du soldat est parfois à la limite du soutenable, et pourtant, je ne suis pas une chochotte des tripes. Sans aucune morale, le soldat raconte la pacification, c'est-à-dire les meurtres, viols, pillages, décapitations, sévices, humiliations commis par son bataillon, errant dans l'oued. Ces pouilleux se croient magnifiques, sous le commandement d'un capitaine, sorte de réincarnation d'Ubu, débordant d'une rage patriotique perverse. Galvanisés par la toute puissance que leur donne l'usage des armes et l'impunité garantie, ils massacrent au rythme d'une troupe de fous furieux, satisfaits de leur orgie de sang, fondant sur des villages isolés pour mettre « leurs couilles au chaud et avoir la panse pleine », chantant en choeur » Courons au carnage, Vive le pillage, Mitraillons, Brulons, saccageons, Et cueillons des galons, Nous colonisons »

Les deux récits ont en commun le même travail sur la langue, syncopée, où la ponctuation est rare, les mots sont crus, voire orduriers, même si ceux de Caro sont plus retenus. La mélopée obtenue est proche d'une poétique du flux, du déversement. L'idéologie colonisatrice est montrée comme un déferlement absurde des bas instincts du côté du soldat, et du côté des colons, l'absurdité de leur présence n'est interrogée que sous l'angle de leur survie. C'est un choix politique et stylistique que l'on peut comprendre mais ce livre est rude à apprécier.
Lien : https://aleslire.wordpress.c..
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