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sur 931 notes
Après avoir déjà écrit une trilogie sur l'Algérie (« C'était notre terre », « Les Vieux Fous » et « Un faux pas dans la vie d'Emma Picard »), l'écrivain Mathieu Belezi remporte le prix littéraire « le Monde » 2022 pour ce roman qui plonge les lecteurs dans les débuts violents de la colonisation française de l'Algérie en 1845.

« Attaquer la terre et le soleil », ce sont deux voix qui s'alternent et qui se font écho au fil d'un récit bouleversant et d'une puissance évocatrice incroyable.

D'une part, Séraphine Jouhaud, une femme colon venue de Marseille avec son mari, leurs trois enfants, sa soeur et son beau-frère. Des familles françaises venues peupler une colonie agricole vendue comme une terre promise par l'État, mais qui n'est finalement qu'un lopin de terre peu fertile, entouré de palissades qui les préservent d'une population hostile.

D'autre part, un soldat anonyme suivant aveuglement les ordres d'un capitaine sanguinaire venu apporter une prétendue « civilisation » aux autochtones, en imposant sa vision de la « pacification » à coups de baïonnettes, massacrant, pillant, violant et brûlant village après village.

Mathieu Belezi raconte la désillusion coloniale en étalant d'une part la cruauté des soldats et de l'autre la peur et la souffrance des colons. La famine, le manque d'hygiène, les ravages du choléra et du paludisme, la chaleur étouffante, les conditions de logement déplorables, les récoltes infructueuses, les animaux sauvages et la crainte de se faire décapiter par les yatagans affûtés de rebelles bien décidés à repousser l'envahisseur. Une bien belle histoire coloniale… dont personne ne ressort vainqueur.

Après avoir lu ce roman qui évoque régulièrement Dieu afin de traduire l'effroi des narrateurs, c'est à mon tour de le citer car, Mon Dieu, quelle claque cette narration ! Mathieu Belezi nous installe en effet au coeur des pensées de ses protagonistes, là où les mots ne sont pas encore dompté par la ponctuation et se retrouvent étalés sans majuscules au rythme effréné de pensées qui se bousculent à vive allure, restituant le chaos et la folie ambiante. Un roman écrit d'un souffle par un auteur qui invite le lecteur à retenir le sien, en l'immergeant dans l'absurdité et la bêtise humaine, et dont il ressort écoeuré, bouleversé, en apnée, au bord du vertige et proche du KO.

Coup de coeur !
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Prix du Livre Inter 2023.

Prix littéraire du journal le Monde.

En me faisant partager la vie des premiers colons poussés par la France à traverser la Méditerranée, en me plongeant au plus près des atrocités commises par l'armée française en Algérie, Mathieu Belezi a réussi une vraie performance littéraire.
C'est pourquoi le Prix littéraire du journal le Monde et le Prix du Livre Inter 2023 qui ont été décernés à Attaquer la terre et le soleil sont une formidable opportunité pour faire connaître et faire lire un livre qui sort des sentiers battus. Si le style de Mathieu Belezi est fluide, la disposition de son texte surprend. Peu de points et de majuscules, des virgules rares, d'autres signes de ponctuation absents et, si c'est surprenant, cela ne m'a pas du tout gêné.
Entre Rude besogne et Bain de sang, me voilà plongé dans la réalité dure, atroce, insoutenable de ce que nos actions de « pacification » ont apporté à l'Algérie, au XIXe siècle. Notre volonté de civiliser, bref de coloniser un pays par la force, par tous les moyens, décidée en haut lieu, comme on dit, ne recule devant aucun sacrifice, aucun massacre. Les colons, pour la plupart braves gens du peuple séduits par la propagande officielle, se retrouvent plongés dans des épreuves, des souffrances difficilement soutenables et la plupart y laissent la vie, emportés par des maladies terribles, ou tués par les autochtones qui n'acceptent pas d'être spoliés de leurs terres.
Séraphine, mariée à Henri et mère de deux garçons et d'une fille, raconte dans Rude besogne. Rosette, sa soeur et son mari, sont du voyage aussi. Cela donne un récit émouvant, sensible, déchirant comme dans cette page où elle détaille son quotidien sans occulter les moindres détails les plus concrets qui font que notre vie est supportable ou non. Quelles douleurs ! Quelles épreuves !
Quand le soldat prend le relais avec Bain de sang, le contraste est énorme. La liste des méfaits causés par l'armée française s'allonge, dans des conditions extrêmes certes, mais avec la baïonnette qui transperce tous les êtres vivants qui se présentent, hommes de préférence, les femmes ayant droit au traitement que l'on imagine avant de passer de vie à trépas…
Mathieu Belezi est encore original lorsqu'il glisse, en italiques, un paragraphe de commentaires qui se voudraient objectifs, ce qui irrite beaucoup notre soldat qui s'écrie : « suffit ! suffit ! » avant d'obéir aveuglément aux ordres de son capitaine, véritable fou furieux qui se distingue par sa fougue et sa volonté d'occire le maximum de ceux qu'il appelle des « guenillards ».
Quand Séraphine répète régulièrement « sainte, sainte mère de Dieu » et se pose de plus en plus de questions sur sa foi aveugle, le soldat répète, à chaque intervention sanguinaire : « on n'est pas des anges »…
Attaquer la terre et le soleil est un livre absolument nécessaire qui permet d'éclairer de manière très concrète les ravages causés par la colonisation, ravages qui se poursuivent indéfiniment. Ici, tout se fait sous l'autorité du général Mac-Mahon, gouverneur général d'Algérie (1864-1870) avant d'être Président de la République en 1873 pour six ans. Cet éminent personnage qui pousse au maximum la colonisation de l'Algérie, rend même une visite aux colons qui tentent de survivre dans leur village fortifié, sans même descendre de son cheval de parade…
Pendant que les uns sont décimés par de terribles maladies, choléra, fièvre jaune, terribles diarrhées… les autres s'acharnent à exterminer les gens du pays refusant de se soumettre, à détruire, à violer, à piller sans état d'âme. Je n'avais jamais lu un livre aussi juste, aussi original.
Attaquer la terre et le soleil est une petite merveille de littérature !

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L'auteur nous plonge dans une histoire dramatique, celui de la colonisation, Un pays l'Algérie, que les français ont décidé de s'approprier.
Le récit se déroule au 19 éme siècle, Séraphine fait partie de ce voyage, entraînant avec elle famille, mari ,enfants et sa soeur, , dans l'optique de créer un nouveau monde , exploiter de nouvelles terres, un monde merveilleux, Tout est beau, tout va bien, Un rêve qui se transforme en cauchemar, Ils doivent vivre dans des baraquements de fortune , ils sont confrontés à la misère, la saleté des conditions d'hygiène ,impensable, la famine et la maladie, principalement la malaria. Ils n'étaient pas préparer à cela . Ces premiers colons , partagent ce triste voyage, avec des soldats , Une véritable barbarie, qui fait froid dans le dos, ils tuent sans aucun état d'âme, l'auteur ne tergiverse pas dans ses descriptions, il nous dépeint, ses assassinats d'une violence extrême, une haine , n'hésite, pas à choisir des femmes pour se libérer de leurs pulsions sexuelles, Un monde immonde, le titre "Attaquer la terre et le soleil" donne de la véracité au récit. Nous sommes en face dans l'horreur de la vie .Certains passages m'ont mises mal à l'aise, elle sont brutes de pomme, il faut avoir le coeur accroché, un ressenti personnel, Un roman remarquable, un témoignage où la réalité prend le dessus sur la fiction Une histoire racontée par Séraphine et celle d'un soldat, deux visions différentes pour une même histoire. Un roman, L'auteur dénonce , la colonisation de tous les pays, d'arrêter de respecter tout le monde, mais malheureusement le sujet est , toujours d'actualité, Un roman très documenté que je vous conseille à découvrir.
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Avec son mari, ses trois enfants et sa soeur, Séraphine débarque en Algérie au tout début de la colonisation du pays par la France, dans les années 1830-1840. Au terme de leur pénible voyage, les colons ne trouvent que les cailloux d'une terre ingrate qu'il va leur falloir tenter d'exploiter dans des conditions effroyables : la boue et le froid l'hiver, la canicule l'été ; la saleté et les épidémies de choléra qui les déciment dans leurs misérables baraquements de planches ; le manque de tout et la peur qui les étreint, entre attaques arabes, pillards, vipères à cornes et lions du désert… Pendant qu'ils s'échinent et tombent comme des mouches, un escadron de soldats français s'emploie à « pacifier » les territoires conquis, sans autre stratégie que de razzier, violer et massacrer.


Raconté dans des mots d'autant plus frappants qu'ils décrivent l'horreur à hauteur de gens simples, au fil de leur narration humble, morne et résignée de ce qui fait leur banalité quotidienne – un enfer d'une violence inouïe dont ils sont absurdement devenus les acteurs, misérables pions sacrifiés dans une partie motivée par de bien plus gros intérêts que les leurs –, le texte est d'une intensité rare, en tout point saisissante. Alors que, dans sa sidération impuissante, Séraphine n'a plus la force que de ponctuer son récit d'une litanie de « sainte et sainte mère de Dieu » et que, du côté des soldats, l'on s'efforce, avec des termes de soudards, de se redonner du coeur au ventre à coups, faute d'autres motifs, d'exonérants « nous ne sommes pas des anges », c'est une bien peu glorieuse épopée que l'on fait mener par ces pauvres hères, abandonnés à leur misère et à leur peur, à leur lâcheté et à leur cruauté, pour implanter sur ces terres d'Algérie une présence française qui se veut irréversible.


Sans majuscules ni points, la narration s'écoule comme le fleuve du temps et de l'Histoire. le processus infernal dans lequel les protagonistes se retrouvent pris s'est enclenché bien avant le début de leur récit et se poursuivra bien au-delà de leur bref passage dans l'histoire de cette terre. Ils ne sont que de modestes rouages, mais à travers eux et leur parcours aussi pathétique que sanguinaire, s'enracine un mal profond, une colonisation construite sur la pourriture du sang et de la violence, qui, démentant toute prétention dite « civilisatrice », n'annonce qu'un désastre sans fond.


Peinture ultra-réaliste de l'horreur, c'est avec une efficacité sans pareille que, sur un ton d'autant plus implacable qu'égal et factuel, ce roman dénonce les viles réalités de la colonisation. L'on en ressort saisi par cette abjection, on ne peut plus clairement débarrassée des fards dont l'Histoire tend habituellement à l'enjoliver. Jamais je n'avais été aussi tentée d'associer un livre au célèbre Cri de Münch.

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Attaquer la terre et le soleil est un roman sur la colonisation de l'Algérie au XIXe siècle.
Deux voix racontent. L'une donne le point de vue des colons et l'autre, celle des soldats.
La première c'est celle de Séraphine venue avec sa famille, son mari, ses trois enfants et sa soeur.
Ils ont dû depuis Paris suivre les voies d'eau, sur des bateaux plats, pour arriver jusqu'à Marseille où ils étaient pas moins de cinq cents à embarquer à bord de la frégate le Labrador, et supporter des jours et des nuits de traversée avant de poser les deux pieds sur cette terre d'Algérie.
Elle raconte alors la vie de misère qui est la leur, loin de ce qui leur avait été promis…
Les conditions qu'ils vont rencontrer à leur arrivée seront déplorables. Ils vont devoir supporter des mois de mauvais temps, vent, pluie, sous des tentes militaires avant que soient construites des cabanes. Une chaleur extrême va alors s'installer et bientôt l'arrivée du choléra qui va décimer une partie de sa famille et de la colonie. À cela s'ajouteront le travail du sol particulièrement rude, les attaques des lions sur leurs vaches et moutons, les pillages des récoltes par les Arabes et le massacre de ceux qui n'étaient pas assez prudents…
Les chapitres qui lui sont consacrés ont pour titre Rude besogne ce qui n'est pas un vain mot…
L'autre voix est celle d'un escadron de soldats pillards qui, sous le prétexte d'apporter les lumières de la civilisation se laissent aller à leurs plus bas instincts, pillant, violant, massacrant brûlant les villages, abattant le bétail, les arbres fruitiers. À leur tête, un capitaine tout ce qu'il y a de plus grotesque s'il n'était pas ce fou sanguinaire !
Les chapitres qui relatent cette violence inouïe de la part des soldats français, Mathieu Belezi les nomment Bain de sang, voilà encore une dénomination bien adaptée au contenu.
Attaquer la terre et le soleil, en l'occurrence, celle de l'Algérie, de Mathieu Belezi est un roman que j'ai lu d'une traite et en apnée.
L'auteur y décrit à travers ces deux voix très différentes par le style et se complétant parfaitement, le destin d'une poignée de colons et de soldats pris dans l'enfer oublié de la colonisation algérienne au dix-neuvième siècle.
Que ce soit, le froid, la pluie, la chaleur, la maladie ou la souffrance Mathieu Belezi sait nous les faire sentir et ressentir au plus profond de nous-même tout comme il sait nous plonger dans cette horreur et cette folie de massacres et nous en écoeurer jusqu'à la nausée.
Toute la folie et l'enfer que fut cette colonisation sont évoqués dans ce superbe bouquin avec puissance et réalisme.
Une écriture avec peu de points, des retours à la ligne fréquents et sans majuscules, tels des vers libres, apportent force, vie et réalisme au récit.
Lauréat du prix du journal le Monde en 2022 et Prix du Livre Inter 2023, Attaquer la terre et le soleil de Mathieu Belezi s'attache à démontrer la folie des hommes et l'absurdité de la colonisation, rappelant que l'horreur en Algérie n'a pas commencé avec la guerre d'indépendance comme on pourrait le croire parfois.
Un véritable coup de coeur !

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Lorsqu'ils arrivent sur cette terre inconnue, cette terre africaine, le moins que l'on puisse dire est que le choc est rude. Rien, il n'y a rien de ce qu'on leur avait fait miroiter. Tout est à faire, à construire, contre la pluie, le vent, le froid, la chaleur, le choléra et les Algériens qui ne veulent pas d'eux — eux les colonisateurs qui se croient tout permis, avec leurs soldats, ces sauvages qui violent, pillent et tuent femmes enfants vieillards hommes dans un même élan de barbarie gratuite. À qui bien sûr il faut rendre la pareille, en étant plus cruel encore, si tant est que cela soit possible.

C'est parce que Mathieu Belezi a décidé de ne rien nous épargner de la violence insoutenable déployée de part et d'autre de la colonisation algérienne, tout comme de la vie misérable des colons auxquels on a menti pour qu'ils viennent s'installer sur cette terre d'enfer, qu'Attaquer la terre et le soleil est une lecture coup de poing, un plaidoyer contre toute colonisation, qui ne peut être que barbarie, sang et larmes, comme l'est toute guerre.
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Un texte très beau, aussi barbare que lumineux, sur la colonisation de l'Algérie au 19ème siècle.
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Nous suivons alternativement deux groupes de personnes : d'une part, une colonie qui, encadrée par des militaires pour la protéger dans ces contrées « sauvages », va devoir tenter d'implanter des exploitations agricoles et bâtir des villages sur des grands espaces vides de terre brûlée par le soleil. Vides ? Evidemment pas. D'où, d'autre part, les militaires français chargés de « nettoyer » les terres des « rebelles » autochtones avant l'arrivée des civils colons.
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La narration est faite directement par les protagonistes, nous plongeant sans préambule dans ce bain bouillant, sur cette cuite par le soleil : D'abord, une civile volontaire pour être colon nous raconte son périple et sa déception en arrivant sur place, découvrant ce lieu hostile qu'on leur avait fait fantasmer comme une aubaine pour eux, alors qu'ils n'y trouveront que camps militaires en guise de villages, rebelles autochtones prêts à défendre leur territoire en coupant des têtes, épidémies de choléras, morts de leurs proches…
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Ensuite, un soldat parmi les nettoyeurs qui, selon leur leit-motiv pour survivre là-bas en exécutant les ordres radicaux du gouvernement, « ne sont pas des anges », raconte quant à lui les horreurs qu'ils sont obligés de subir pour accomplir la mission que le gouvernement leur a confiée, et celles qu'ils doivent faire subir en retour aux habitants originaires, ces derniers voyant forcément d'un mauvais oeil l'arrivée de l'envahisseur. Obligé de se convaincre que ce qu'ils font est bien pour leur patrie, son mental se reprogramme pour légitimer leurs pires actions : pillages, décapitations, viols… Comment ces hommes, s'ils survivent, pourront-ils un jour revenir à la vie après avoir vécu dans tant de violence ?
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Des deux côtés, rien ne nous sera épargné et nous comprenons alors toute l'horreur qu'a vécu chacune des parties, autochtones compris, à cause de décisions politiques. Si les autochtones sont bien sûr victimes de l'envahisseur, les militaires sont victimes des représailles autant que des personnes qu'ils doivent devenir pour survivre. Aussi lorsqu'on pense à ce qui leur a été demandé on souffre pour eux, même si l'absence de prénom au personnage militaire veut peut-être lui offrir un peu moins le statut de victime. Quant aux civils, ayant un prénom eux, ils en baveront également leur saoul. On aurait pu crier à l'invention si des témoignages de proches revenant plus tard de la guerre d'Algérie ne nous avaient détaillé pareilles horreurs, prouvant que l'Homme n'apprend pas toujours de ses erreurs.
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Malgré tout, je ne vous envoie pas au casse-pipe avec ce roman. Parce que la plume de Mathieu Belezi est incroyablement belle, forte et douce, violente et caressante, sombre et lumineuse. Aussi cruelle que sentimentale, suivant les actions de ses personnages. Ce qui fait qu'outre les rares jolis moments comme les bals, même dans la barbarie des soldats on perçoit leur souffrance, leur douleur sous les carapaces.
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L'auteur nous livre les pensées de ses narrateurs sans ponctuation ni majuscule, comme pour nous couper le souffle avec ses esprits dont les pensées et souffrances ne trouvent aucun repos, en prenant soin néanmoins de placer des paragraphes à chaque respiration, chaque changement d'idée afin que nous puissions les digérer avant les suivantes. Malgré tout la pilule aura parfois du mal à passer et nous sentons à chaque moment, avec les personnages, que la coupe est pleine, prête à déborder. Et l'on se demande à chaque page tournée : sera-ce la dernière, la goutte d'eau qui fera déborder le vase ?
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Un livre tout simple, tout court, et pourtant j'ai trouvé ces 150 pages déchirantes, d'une beauté et d'une force incroyables.
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Mathieu Belezi est de ces auteurs que je vois régulièrement passer sur mon fil mais que je n'avais pas encore pris le temps de découvrir. "Attaquer la terre et le soleil" est celui que je croise le plus souvent en ce moment, et les nombreux et jolis retours des Babelpotes m'ont incitée à le lire à mon tour.

Ce court roman nous emmène en Algérie au XIXe siècle. Nous sommes amenés à suivre d'un côté les colons français fraîchement arrivés dans une des colonies agricoles, et de l'autre côté, la campagne des soldats colonisateurs.

"Rude besogne" d'un côté. "Bain de sang" de l'autre. Gentils français et méchants algériens d'un côté. Méchants français et gentils algériens de l'autre. Choléra et désillusions d'un côté. Razzias et barbarie de l'autre.

De sa plume puissante, âcre, qui ne mache pas ses mots, l'auteur nous emporte dès les premières lignes dans une atmosphère suffocante que l'on ne veut pourtant pas abandonner. Choléra, mort, désillusions, hostilités, viols, massacres, tels sont le quotidien des protagonistes. Certains subissent, peinent à se relever et abandonnent pendant que les autres profitent de leur position et prennent plaisir à se servir. J'ai eu beaucoup d'empathie pour les premiers, alors que les seconds m'ont horrifiée (pour le coup, je puis vous assurer que je ne suis pas fière d'être française...).

C'est un roman court mais très efficace, dur également, qui marque, tourneboule, dérange. J'aurais pas mal de chose à lui reprocher, si je me fie à ce que je recherche dans mes lectures habituellement. Pourtant, je n'y ai pas fait attention, tellement j'étais prise dans ses filets.

Je regrette seulement l'absence de majuscules et de points en début et fin de phrases, ainsi que la fin moyennement satisfaisante, parce que vite arrivée et expédiée pour les uns et totalement absente pour les autres.

Mais il n'empêche que c'est une lecture que je n'oublierai pas de sitôt, tout à la fois dure et prenante.

Première expérience avec Mathieu Belezi, et certainement pas la dernière.
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Séraphine prend la parole la première pour nous expliquer le départ de la famille pour l'Algérie. Les promesses du gouvernement français pour des terres agricoles, des maisons solides et accueillantes, la richesse. Elle avait émis ses doutes et craintes à son mari mais il ne voulait pas entendre et écouter à ce moment-là. Les voilà partis pour un voyage éprouvant et interminable . Séraphine et son mari Henri, leurs trois enfants, deux garçons et une fille, sa soeur Rosette et son mari Louis.

Ils sont parqués dans des tentes militaires dans un camp, encadrés par des soldats français, accueillis par une terre aride et pourtant des trombes d'eau, les maladies, les morts, dont deux des enfants, et les attaques des algériens.

Puis Séraphine laisse la parole à un soldat français désabusé et un brin cynique qui nous raconte les pillages, les viols, les massacres et la débauche.

À tour de rôle, ils nous entraînent dans cette descente en enfer. le texte n'a qu'un point, le final, car dans une agonie il n'y a pas de pause ni d'arrêt. L'écriture est puissante, voire violente pour décrire les débuts de la colonisation algérienne mais avec la sensibilité d'une femme colon qui va chercher au fond de ses entrailles la force de s'en sortir.

Un roman sublime.


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« La France a pour mission divine de pacifier vos terres de barbarie, d'offrir à vos cervelles incultes les ors d'une culture millénaire ! Que ça vous plaise ou non ! Et ceux qui refusent notre main tendue seront renversés, écrasés, hachés menu par le fer de nos sabres et de nos baïonnettes. »

Je croyais avoir beaucoup lu sur l'Algérie. Saint-Marc, Larteguy, Bergot, Sergent ou Bonnecarrère et tant d'autres autrefois (il faut bien que jeunesse se passe…). Puis Stora, Benamou ou Jenni plus tard. Mais il me manquait Mathieu Belezi, et c'est réparé avec Attaquer la terre et le soleil.

Tenter de comprendre ce qu'il advint des relations franco-algériennes au XXe siècle sans en avoir exploré la genèse n'a pas de sens. Passer outre cette furie colonisatrice du XIXe siècle qui vit des familles françaises traverser la Méditerranée vers cette terre qu'on leur annonçait promise, tandis que la troupe tentait – déjà – d'y imposer sa vision de la pacification, n'en a pas davantage.

Belezi nous apprend qu'en guise d'eldorado, nombre de colons français installés à Bône (devenue Annaba) ne trouvèrent que le froid, la pluie, les lions, le palu, le choléra, le pillage de leur récolte et le massacre des isolés. Une découverte avant l'heure que la misère n'est décidément pas moins pénible au soleil.

« Et en moi-même je me disais que la justice était un mot inventé par les riches pour calmer la colère des pauvres. »

Belezi nous rappelle l'état d'esprit de ces soldats français déjà sensés « maintenir l'ordre », obéissant aveuglément à leur dieu-capitaine pour imposer le bien et la « civilisation » au nom de la sainte et sainte mère de Dieu, par la grâce sanglante, vengeresse et meurtrière de leurs sabres.

Belezi nous le dit dans un texte puissant, violent et souvent furieux, qui reste d'un bout à l'autre d'une tension, d'une émotion et d'une beauté absolue et va me conduire très vite à me plonger dans sa trilogie algérienne.

Un grand livre de cette rentrée 2022.
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