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Critique de SerialLecteurNyctalope


« FINISSONS-EN »

Premier roman de 1998, réédité par le Tripode, le petit roi dérange et percute. L'écriture est sèche et intime, puissante et large et vient réveiller le calme ambiant d'une littérature parfois trop amorphe (On reparlera du rôle de la littérature au XXI ème siècle dans un prochain débat). À travers le jeune Mathieu, douze ans, on arpente la Provence telle une âme en peine. La guerre d'Algérie en toile de fond, elle germe déjà dans l'esprit de l'auteur. Mathieu, on le voit. On le sent. On l'imagine. On l'aime. On le déteste. On le craint. On s'inquiète pour lui mais aussi pour les autres. On aimerait le calmer, l'adoucir ou le raisonner. Il est fictif et pourtant il parait si réel. Nous avons beau secouer le livre, rien n'y changera, il continuera d'agiter notre esprit lorsqu'on y pense.

Sans jamais édulcorer ce dont est capable un Homme au XXI ème siècle, sans aucun jugement ni manichéisme, Mathieu Belezi bouscule son lecteur pour ne pas nier la cruauté humaine. L'autre Mathieu, le narrateur se venge. de la vie. de ses parents aux disputes qui le hantent. de la solitude qui l'a « condamné à l'abime ».
Il se venge. Sur les animaux qu'il découpe. Qu'il dissèque. Qu'il écrase. Qu'il tue ou humilie. Poules, chat, fourmis, peu importe tant que coeur bat. « Ce sang me venge de la désinvolture du monde à mon égard ». Sur Parrot son compagnon de classe et souffre-douleur préféré. Il faut urgemment expulser la violence qui l'anime. Spectre d'un exutoire à la tristesse. L'adolescence, âge de tous les dangers permet de déceler l'intention de cet enfant qui lutte contre ses démons. La violence l'épuise et il n'y reste aucune alternative tant il demeure seul. Rien ne l'apaise.

« Je ne peux éviter les larmes qu'en basculant dans la cruauté (…) J'ai tant de raisons de pleurer que je ne pleure pas. »

À chaque personnage qu'il croise, la tension s'installé. Une mère battue qui abandonne son fils alors que ce dernier la réclame tout au long du roman. Il réclame sa tendresse, son amour, et fait preuve d'une grande pudeur voire d'une certaine dignité pour cacher sa véritable sensibilité. Nous sommes sur un fil. À tout moment tout pourrait basculer. La narration est entrecoupée de flashback sur les disputes des parents sans les distinguer du coeur textuel. Ces moments s'entremêlent comme des souvenirs traumatisants. La lumière ne viendra que de Papé, cet homme reclus et taiseux, qui fera office de père de substitution. le sauvera t-il de cet état ?

«  Je bute contre le mystère de cet homme qui voit ce que je ne sais pas voir, qui entend ce que je ne sais pas entendre. Je préfère qu'il ne parle pas, je comprends mieux ce qu'il veut me dire. À mon âge je suis déja soulé de la parole d'adulte »

On y croise la nature, émerveillement évident pour cet enfant qui vient de la ville et qui doit apprendre les codes. « Ici, les ciels sont écurés par un mistral qui n'a pas la main légère (…) derrière les vitres, je regarde comment le vent s'y prend pour dénuder les arbres ». On aperçoit un semblant de lumière au gré d'un premier amour et puis le cercle vicieux continue. « Finissons-en »
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