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Critique de pseudoc


Une force incroyable se dégage de ce roman. Ecrit à la première personne, il fait l'économie des signes de ponctuation, surtout des points en fin de phrase, et c'est assez déroutant, surtout au début de la lecture.
En fait on s'habitue assez vite au rythme que cela donne : c'est comme un souffle, une urgence à dire, à raconter cette vie qui fut celle d'Emma Picard, une veuve qui s'installe en Algérie avec ses quatre fils dans une ferme, au 19e siècle. C'est Emma qui raconte. Elle s'adresse à son plus jeune fils, Léon, dont on comprend très vite qu'il est le seul survivant de ses quatre enfants. Et pour combien de temps ? On l'ignore, mais Emma semble lui raconter d'une traite leur histoire, parce que c'est important qu'il comprenne comment tout est arrivé, parce qu'il faut dire vite avant que lui ne meure aussi (pourquoi ? comment ? on le comprendra dans les toutes dernières lignes). Cette urgence, cet impératif accroche le lecteur au livre.
Emma Picard est arrivée en Algérie avec peu d'argent, mais beaucoup de volonté : non pas de réussir, ce serait trop ambitieux, mais de s'en sortir, de permettre à ses fils de vivre, et pas seulement de survivre. Mais rien n'ira comme prévu. La terre est trop aride, l'eau manque, ce n'est pas une bonne ferme qu'on lui a cédée. le faux-pas d'Emma Picard aura été d'accepter cette terre, sans la connaître, sans comprendre véritablement les enjeux. le lecteur voit bien, lui, que l'Etat français cherche à envoyer des colons à tout prix, pour occuper l'espace, l'exploiter, s'imposer face aux populations autochtones. Les colons sont pauvres, mais plus pauvres encore sont les Arabes, frappés plus tôt, plus fort par les catastrophes naturelles qui s'enchaînent : sauterelles, maladies, sécheresses, séisme... Emma est dépassée par les coups durs, et malgré toute sa force, son courage et ceux des siens, ne peut pas relever la tête.
J'ai pris conscience lors de cette lecture, que la colonisation de l'Algérie n'a pas été seulement une immense injustice pour les Algériens (ce qui est également dénoncé dans ce roman), mais qu'elle a souvent représenté un sacrifice indépassable pour de nombreux colons, à qui on a promis monts et merveilles et qui n'ont jamais eu qu'une existence misérable. Seuls s'en sortant ceux qui avaient déjà un capital de départ...
Le texte lui-même est magnifique, Mathieu Belezi restitue à la perfection le discours décousu et pourtant déterminé de cette femme qui perd peu à peu la tête, dans un rythme proche de la transe. Avec une chute à couper le souffle.
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