La multiplication de moyens de communication ne nous a pas tant rapproché des autres que rendus plus sensible à nous-mêmes, à l'image que nous projetons, de sorte que chaque individu est désormais chargé par les médias sociaux d'assurer sa propre mise en scène et d'orchestrer sa propre campagne de relations publiques, que l'atomisation est la nouvelle loi des sociétés, où chacun se préoccupe d'abord de son bien être ou de sa survie, obéissant à l'idéal inavouable de l'autarcie.
Je ne prétends détenir aucune réponse, aucune solution. Je ne défends aucun programme. Mais si je devais plaider en faveur d’une idée, ce serait pour la nécessité impérieuse d’un dépassement de la situation actuelle, non par le rejet brutal de tout ce qui a été fait, non par la répudiation de la vie ordinaire ou par quelque autre table rase, mais par la quête d’un nouvel équilibre qui permettrait à la vie de participation et à la vie de contemplation de gagner en force et en autonomie. J’insisterais sur la nécessité de retrouver un certain sens de la hauteur, un goût du vertige et de la verticalité, de renouer avec la ligne du risque.
On ne peut renoncer qu'à ce qu'on possède déjà. En ce sens, seuls les riches ont vraiment les moyens d'être pauvres.
Nous squattons le monde bien plus que nous ne l'habitons.
C’est un pays gouverné par l’habitude, où chacun vaque à ses affaires sans s’inquiéter de rien, tout à la certitude que demain sera pareil à hier, un pays où rien ne se transforme ni ne disparaît vraiment, où les événements ont toujours, par quelque côté, un air de déjà-vu, tant le cours de son histoire, comme celui du grand fleuve qui traverse son territoire, semble n’accuser aucune variation.