Je viens de terminer la lecture de
Bienvenue au pays de la vie ordinaire de
Mathieu Bélisle. J'ai lu il y a quelques semaines
Ce qui meurt en nous de ce dernier et j'avais trouvé sa façon de vulgariser l'information accessible. Donc, je me suis dit qu'il fallait que je lise son autre essai au titre accrocheur.
Avant de commencer mon billet, j'aimerais juste mentionner que je ne suis pas une intellectuelle; je rédige des chroniques sur ce blogue pour partager mes trouvailles littéraires, pour discuter de livres, pour promouvoir la littérature québécoise. Je suis une lectrice québécoise, c'est tout. Dans une autre vie, j'ai enseigné le français pendant plus de vingt ans. Lorsque mon institution me l'autorisait, je faisais lire l'excellent bouquin d'Éric Plamondon, Pomme S, afin de permettre à mes étudiantes et à mes étudiants de développer leur compréhension de l'histoire de l'informatique. En ce sens, je ne me définis pas comme une intellectuelle, mais plutôt comme une lectrice et un professeure. Alors, c'est avec humilité que je présente mes pensées sur cet essai.
Je sais que je viens du pays de la vie ordinaire. J'ai souvent mentionné que nous sommes fiers d'acheter des maisons toutes pareilles, de regarder les coaches de la Voix les dimanches s'exclamer aux jeunes candidat-es qu'ils sont prêts à intégrer le milieu artistique et qu'ils sont des êtres extraordinaires, de porter les mêmes vêtements griffés, d'avoir un conjoint et deux enfants, d'avoir une piscine hors-terre dans sa cour, etc. Ici, nous aimons vivre dans la conformité absolue. Je viens de ce pays de la vie ordinaire, de ce Québec façonné au gré des saisons. Mais qu'est-ce que le pays de la vie ordinaire? Selon
Mathieu Bélisle :
«C'est un pays gouverné par l'habitude, où chacun vaque à ses affaires sans s'inquiéter de rien, tout à la certitude que demain sera pareil à hier, un pays où rien ne se transforme ni ne disparaît vraiment, où les événements ont toujours, par quelque côté, un air de déjà-vu, tant le cours de son histoire, comme celui du grand fleuve qui traverse son territoire, semble n'accuser aucune variation.» (p.9)
Ce n'est pas mauvais d'habiter au pays de la vie ordinaire. Mais il s'avère dangereux de ne plus prendre position et de se laisser porter par le courant.
Cet essai, je l'ai aimé pour plusieurs raisons et je vais m'expliquer. Tout d'abord, j'ai souvent remarqué qu'au Québec, les gens ne veulent pas s'engager dans une cause car ils savent qu'ils devront faire des efforts reliés à la collectivité. Nous ne pensons plus, nous ne réfléchissons plus, nous ne rêvons plus, c'est trop de travail. Les gens préfèrent se terrer dans leur voiture, attendre dans le trafic dans leur VUS qui consomme de l'essence à mourir (alors qu'ils n'ont pas besoin d'un quatre roues motrices pour rouler en ville ), car tous les autres autour en possèdent un, le standard exige… Il faut s'éloigner des personnes qui critiquent car elles sont trop négatives, il faut plutôt aller au centre-commercial la fin de semaine pour consommer encore et encore en se laissant porter par la musique du moment.
C'est beau au pays de la vie ordinaire… mais devient-on des insignifiant-e-s à vivre dans un tel système qui a perdu son sens?
Mathieu Bélisle stipule dès le départ qu'il n'a pas la prétention de sortir les Québécoises et les Québécois du pays de la vie ordinaire. Comme il le relève:
«Je ne prétends détenir aucune réponse, aucune solution. Je ne défends aucun programme. Mais si je devais plaider en faveur d'une idée, ce serait pour la nécessité impérieuse d'un dépassement de la situation actuelle, non par le rejet brutal de tout ce qui a été fait, non par la répudiation de la vie ordinaire ou par quelque autre table rase, mais par la quête d'un nouvel équilibre qui permettrait à la vie de participation et à la vie de contemplation de gagner en force et en autonomie. J'insisterais sur la nécessité de retrouver un certain sens de la hauteur, un goût du vertige et de la verticalité, de renouer avec la ligne du risque.» (p. 15)
Pour brosser son essai, l'auteur aborde le concept de la vie de cette façon :
La vie de la production, de la reproduction et de la consommation
La vie de la contemplation (idées, arts, etc.) et de la participation (engagement dans un projet de société)
Au Québec, nous sommes plutôt dans l'axe numéro 1 et tout le danger réside dans ce dernier. Nous nous éloignons de la vie de la contemplation et de la participation. Nous vivons selon la norme métro-boulot-dodo et nous ne sommes plus solidaires de quelque chose de plus grand.
Le concept de l'ordinaire est ancré dans notre inconscient collectif (nous n'avons qu'à nous référer à la célèbre chanson de
Robert Charlebois «Ordinaire» tirée de son album Un gars ben ordinaire). Avec le «Bienvenue» du titre, nous pouvons remarquer que «nous y sommes enfin arrivés» à cet endroit valorisant l'ordinaire et cela s'avère terrifiant, car nous pouvons ressentir une certaine satisfaction d'être «dans la pensée du terminus» comme il est mentionné dans l'essai.
Alors, il faudrait combattre le quant-à-soi, cette anesthésie généralisée qui passe entre autres par l'humour et retrouver un projet de société, une utopie, un vent d'ailleurs. Car à habiter dans un pays qui fait du surplace, nous risquons de ne plus prendre position et de ne plus chercher à atteindre notre inaccessible étoile.
Mais encore, j'ai beaucoup apprécié cet essai car il est question de la littérature et j'ai retrouvé des références aux romans que j'ai étudiés durant mes études en littérature québécoise. L'auteur s'y réfère pour partager sa vision et pour faire réfléchir son lectorat.
Alors, lisez cet essai, c'est brillant, c'est intelligent, c'est un nous terrifiant qui est exposé.
Que pensez-vous de mon article sur cet essai?
https://madamelit.ca/2023/04/03/madame-lit-
bienvenue-au-pays-de-la-vie-ordinaire-de-mathieu-belisle/
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