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Critique de tilly


Voilà la suite, et sans doute malheureusement la fin, de la formidable saga du Consortium de Falsification du Réel (CFR) d'Antoine Bello, commencée avec Les Falsificateurs (2007), poursuivie avec Les Éclaireurs (2009). Même si les premières pages des Producteurs sont consacrées à un résumé des volumes précédents de façon à pouvoir apprécier celui-ci indépendamment des deux autres, il serait vraiment ballot de se priver du plaisir de lecture des deux premiers romans de la série (disponibles en poche).

Quand nous le retrouvons au début des Producteurs, le héros-narrateur islandais, Sliv Dartunghuver, travaille depuis seize ans au CFR, l'organisation secrète mondiale qui « fait » l'Actualité ou « refait » l'Histoire, en montant des scénarios originaux, et surtout en créant de toutes pièces les sources sur lesquelles reposent les inventions de ses agents (juste un exemple parmi beaucoup d'autres : les fausses cartes du XVème siècle qui attestent que les Vikings ont découvert l'Amérique...).
Depuis sa cooptation en 1991, Sliv a brillamment gravi tous les échelons de l'organisation, jusqu'à siéger au comité exécutif, à Toronto. Alors que la grande affaire du moment (2008) est l'élection américaine et la candidature Obama (le CFR pousse McCain à prendre l'effarante Sarah Palin pour colistière, et précipite ainsi l'échec du candidat républicain), une sacoche contenant des dossiers CFR est malencontreusement égarée à Londres. Le Comex s'inquiète de voir les activités du CFR rendues publiques, ou pire, détournées à des fins malveillantes.

Ce n'est pas la première fois que le CFR tremble sur ses bases idéologiques. En 2002 (in: Les Eclaireurs), il n'avait tenu qu'à un fil que le Consortium se saborde, comprenant être à l'origine de rapports trafiqués sur lesquels les États-Unis avaient fondé leur décision de faire la guerre en Irak. Sliv en avait profité pour se faire révéler le secret de l'origine du Consortium, et surtout le pourquoi de son existence, sa finalité.

Le temps passe, le monde change, dans les romans aussi. Les réseaux sociaux, les blogs, les forums, sont les nouveaux supports de l'information et de la communication, et de puissants outils pour la manipulation de l'opinion. Au CFR, c'est la belle danoise Lena Thorsen, amie et rivale depuis toujours de Sliv, qui est la spécialiste des opérations d'influence à grande échelle de la communauté internet.

A quarante ans, la vie affective de Sliv n'est pas un désert, non, mais plutôt une morne plaine. Son hyperactivité professionnelle et son empathie pour ses collègues et amis ne lui font pas complètement oublier sa déconvenue amoureuse avec Lena qui rejette ses avances. Dépité, il rejette à son tour celles de la charmante Nina toujours prête à le consoler. Peu rancunier, incorrigiblement optimiste et chevaleresque, Sliv apporte son concours au nouveau projet de Lena : inventer une civilisation antique proche des Mayas, disparue au VIIIè siècle, basée sur les préceptes humanitaires de conciliation et de concorde, et sur la volonté de se mettre à la place de l'autre pour le comprendre. Épave, trésor, codex : Lena et Sliv se lancent avec enthousiasme dans une superproduction avec acteurs, décors, accessoires, mise en scène, et surtout, plan médias. Suspense, action, coups de théâtre, jusqu'au générique de fin : une postface fameuse dont je ne peux rien révéler ici !

La trilogie « Sliv Dartunghuver » est une construction romanesque totalement originale où la fiction et la réalité sont étroitement intriquées pour notre plus grand plaisir. Antoine Bello, en plus d'être doté d'une imagination incroyable, est un mécanicien de la narration hors pair. Grâce à l'humour et à la dérision, il rattrape sur le fil certains scénarios proches de verser du côté de la théorie du complot, ou de l'apologie du maniement de la rumeur (par exemple, entre autres, le réchauffement climatique, ou l'épidémie H1N1). Tout en amusant le lecteur, Antoine Bello l'invite à réfléchir sur le sérieux et l'indépendance de l'information livrée au grand public sur les sujets géopolitiques actuels. A réfléchir aussi sur la mémoire, les souvenirs, vrais, faux, recréés volontairement ou non. Dans Les Producteurs, c'est par la voix d'un second rôle haut en couleurs - mon préférré (Ignacio Vargas, inénarrable coach hollywoodien) - qu'il démonte les rouages de la crédulité humaine, et les multiples facettes de la vérité historique.

Divertissement et réflexion : la combinaison idéale pour une lecture d'été jubilatoire !

Lien : http://tillybayardrichard.ty..
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