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Critique de domi_troizarsouilles


Voici un nouveau livre que je lis dans le cadre de cette Rentrée littéraire, tout à coup très présente sur Lirtuel, la bibliothèque belge francophone en ligne. Comme tous mes emprunts de cette Rentrée, j'avais à peine survolé le résumé, vaguement attirée par une couverture et/ou par un titre.
Ensuite, avant de me plonger dedans, j'ai survolé à leur tour les rares commentaires déjà écrits (car, il faut bien le dire : en un petit nombre de lecteurs actuellement, ce livre a une note tout au plus encourageante, mais même pas satisfaisante, oscillant autour de 13,5/20 selon les plateformes !). Et j'ai été très surprise de voir, de façon récurrente, les lecteurs reprendre inlassablement le leitmotiv de « premier roman », comme si ça expliquait tout… Tout quoi, d'ailleurs ?

En ce qui me concerne, quelques jours après avoir terminé ce livre, j'en garde le souvenir d'une lecture éthérée, vaporeuse, ce qui est tout à la fois un certain compliment, indissociable d'un manque de profondeur. En effet, la première chose qui frappe à la lecture de ce livre, c'est l'écriture : qu'on aime ou qu'on n'aime pas le propos de l'autrice, on ne peut nier que la plume est belle ! On se laisse bercer par la mélodie de ses mots, cette façon de les agencer entre eux, dans des phrases qui ne débordent jamais d'action mais qui semblent avoir chacune leur sens dans leur contexte, au moment précis où elles apparaissent dans le texte : c'est, indéniablement, une grande réussite !

En revanche, c'est donc bien vrai : de la sorte, l'autrice ne fait qu'effleurer ses sujets, qui par ailleurs sont nombreux. Deux d'entre eux en particulier auraient suffi à faire deux romans à eux seuls, tant il y aurait eu moyen de creuser les choses, et d'en faire des histoires bien plus « consistantes » ! L'autrice en avait tout à fait les moyens, avec cette belle écriture tout juste mentionnée, et son héroïne principale, qui présentait un intérêt certain (même s'il se perd dans ces vapeurs éthérées que je mentionnais plus haut), mais elle est finalement bien peu exploitée.
Je note ainsi la très longue relation de la traversée de la Méditerranée. Clara Benador nous parle ainsi de la fuite des Juifs d'Europe (surtout français) plus ou moins avisés, dès les premiers sursauts sérieux de la guerre, vers l'Afrique du Nord, avec réussite pour la plupart, mais dans des conditions de voyage terribles, dont personne ne rêverait !
Avec ça, on n'arrive au propos principal de son roman, du moins à ce qui fait l'essentiel du résumé, qu'à plus de 40% de l'ebook : la découverte par Lola, notre jeune héroïne encore très enfantine (elle a 12 ans mais se promène encore avec sa poupée…), d'un quartier réservé à la prostitution, ce fameux Bousbir, où vivent et exercent des filles, marocaines et quelques autres, souvent très pauvres parfois très jeunes, pour le bon plaisir d'une armée alors colonisatrice - enfin, le Maroc était alors sous protectorat français, mais n'est-ce pas la même chose dans les faits ? Ce n'est rien de très nouveau au cours de l'Histoire, c'est juste choquant parce que c'est plus proche de notre époque et qu'on voudrait croire que nos héros de la deuxième guerre mondiale ne sont pas entachés de tels aspects bien moins reluisants.

Quoi qu'il en soit, cette découverte d'un tel quartier, et en particulier d'une jeune fille de son âge mais déjà bien active dans sa profession, Shéhérazade, qui parle à peine français ; cette rencontre aurait pu faire l'objet de tout un roman à elle seule, et aurait pu être passionnante ! Malheureusement, c'est là que l'autrice m'a perdue… Je n'ai pas perçu, mais à aucun moment, en quoi les deux jeunes filles seraient des « petites amoureuses » ? si seulement il s'agit d'elles dans le titre !
Le gros problème, à mon sens, est que l'autrice dit les choses, mais ne les montre pas vraiment… dans cette écriture aérienne où Lola semble plutôt à la recherche d'une amie imaginaire, qui s'incarnera dans les traits de Shéhérazade qu'elle découvre à la dérobée, jusqu'à se risquer dans les rues de Bousbir. En revanche, je n'ai pas ressenti une seule fois l'intérêt réciproque de Shéhérazade envers Lola ; ainsi, quand tout à coup Lola espace ses visites à Bousbir (j'ai déjà oublié pour quelle raison), et que les femmes plus âgées disent qu'elle leur a manqué, je suis tombée des nues ! comment est-ce possible, alors qu'on ne nous montre à aucun moment un attachement quelconque de leur part, ni même de la part de Shéhérazade, et que cette absence aurait en plus conduit à un manque ?
Bref, on ne croit pas à cette histoire de « petites amoureuses », et on ne comprend pas bien ce que l'autrice a réellement voulu dire, quel message elle a voulu faire passer (si tant est qu'un roman doit faire passer un quelconque message) à travers ce nombre réduit de pages, qui aurait immensément gagné à se faire bien plus long, et surtout plus creusé.

Une dernière note, qui à mes yeux ne relève pas la qualité du livre, mais c'est davantage du fait de l'éditeur que de l'autrice (du moins je l'imagine) : à plusieurs reprises, l'autrice utilise des langues étrangères – l'italien quand il s'agit du précepteur de Lola et de ses petits frères, un homosexuel ayant fui les persécutions mussoliniennes (un autre sujet qui aurait pu être développé bien davantage à lui seul) ; l'arabe bien entendu, quoique transcrit en caractères latins ; et l'anglais, langue que les deux jeunes filles utilisent vaguement pour communiquer, dans un sabir mêlant aussi du français (que Shérérazade parle mal) et de l'arabe (que Lola ne parle pas du tout) – mais ces parties-là sont alors traduites… ou pas ! dans le texte, d'une façon qui me pose question.
En effet, si l'italien et l'arabe sont systématiquement traduits, l'anglais ne l'est jamais. D'une part, je ne comprends pas très bien à quoi servaient ces passages en pseudo-version originale, car ça n'ajoute rien à l'histoire (si ce n'est gagner quelques lignes dans un livre par ailleurs très court ?). Mais surtout, d'autre part, que nous dit-on ainsi ? Que l'italien et l'arabe sont des langues compliquées ? (merci, je comprends suffisamment l'italien écrit) mais que le lecteur francophone lambda est censé comprendre tout seul l'anglais ?!? Alors, certes, les quelques expressions ainsi utilisées sont basiques… il n'en reste pas moins que, si demain je décide d'offrir ce livre à ma maman de 83 ans, qui n'a jamais appris l'anglais (et elle n'est sans doute pas la seule parmi le lectorat francophone potentiel d'un quelconque livre écrit en français !), elle va rater ces quelques passages par choix de l'éditeur ou de l'autrice ? Même si lesdits passages n'ont qu'une importance toute relative, c'est tout simplement inadmissible !

Je retiens donc de ce livre qu'il laisse une impression éthérée, à travers son écriture indéniablement très belle, mais qui n'a pas su creuser davantage les sujets abordés, graves et pleins de potentiel, qui apparaissent dès lors à peine effleurés, et laissent un goût d'inabouti au lecteur. Cette histoire de « petites amoureuses » reste ainsi vaporeuse et manque de consistance, si bien que le lecteur ne peut saisir le propos de l'autrice, ni même le sens réel du titre. Dommage !
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