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Critique de Fleitour


« L'enfant Qui », de Jeanne Benameur, est une sorte de conte, entre réalité et imaginaire, porté par l'émotion de l'enfant abandonné ou selon les moments l'enfant orphelin, "adossé à l'absence", où le coeur n'est plus qu'un silence .

L'imaginaire c'est l'espoir, c'est le message de la mère qui guide ses pas vers la maison de l'à-pic, vers la résilience entrouverte, vers le possible. Les mots, que la mère dépose dans le coeur de l'enfant, l'aide à revivre, ces mots qu'il est le seul à comprendre, seul à partager, puisqu'il est le seul à qui la mère parle.

A la page 84, la narratrice se rappelle que, "la mère s'était assise au bord de la rivière, t'avais pris tout contre elle. Elle avait continué à te regarder, tu contemplais son visage et elle t'avait parlé, longuement, comme jamais encore elle ne t'avait parlé."


Ce moment si crucial dans le récit, si démesuré de l'amour, oui on voudrait que ce moment fut vrai, car l'enfant revoit son visage quand elle s'était tournée vers lui. "Le visage de ce jour-là. Lavé de tout, juste empreint de son amour infini pour toi. Ce visage t'accompagnera toute ta vie".

Que peut demander un enfant qui a perdu sa mère si jeune, que cet aveu, "je ne t'ai pas abandonné, car l'enfant l'aurait suivie, un enfant comprend tout". Oui, " tu le retrouveras mon visage dans le visage de chaque madone sur les tableaux, car tu sais que les mères qui ont ce visage là, sont celles qui ont su retenir leurs pas".


Aujourd'hui elle disait :" tu dois avancer d'un pas égal. Comme un funambule".
Entre ton père, et ses cris, et le mutisme de ta mère, séquestrée par ce désir qui le tenait, lui, encagé ; il n'y avait que violence ;" tu as appris dans le ventre de la mère, la violence de vivre, page 22".

Il gronde comme une bête, il ne l'a jamais montré à personne, la destinée avait une longue jupe rouge fanée...

Et puis il y a la grand-mère qui couvre, l'insoutenable, qui n'a qu'une amie, qui savait, car elle avait compris, mais Émilienne ne disait rien. Il lui fallait faire bonne figure au village où au café, là où le père cuvait sa peine, entre deux mortes dira t-il bientôt.



Depuis combien de temps il n'a plus de mère ? Son silence quand il marchera sera lourd...Jeanne Benameur déploie, toute sa tendresse, elle découvre ta lente renaissance, ta nouvelle vie, ta rédemption celle que tu entends comme le murmure de ta mère, le chemin qu'elle ta dit de suivre.


Porté par ses danses, et le chien qui te suit, "ton regard se perd dans tous les verts puis, plus haut, dans le bleu du ciel.
Ton chant prend force. Ton Chant t'allège de tous les regards de tous les cris de tous les silences.
Ta vie peut se mêler à toute vie."


Ta main seule écoutait , Nul bruit que celui lent du vent ,doux sans doute pour le couper du temps. " un souffle, c'est çà le coeur d'une mère ".
"la place vide de la mère est une belle source."


Comment ne pas croire à cette rédemption, imaginer que la nature, et que le chien qui veille sur lui remplacera sa présence, que ce compagnon imaginaire l'aidera à le libérer de ce deuil ?

"Il découvre le silence habité de son propre corps et c'est un endroit où vivre".

J'aime cette phrase qui souligne combien l'orphelin n'est plus totalement dans le monde des vivants, sa vie souvent peut basculer, tel un funambule il n'a pas encore choisi, de quel côté il allait tomber ; "tout le monde dit et répète que tu peux parler quand tu veux mais que tu ne veux pas".
L'orphelin n'a plus de coeur, il s'est envolé, il n'a plus de repères, parfois c'est un voile qui occulte sa vie d'avant.

Jeanne Benameur, donne le sentiment de l'avoir été orpheline, ou du moins elle a connu la douce chevelure d'un tout jeune enfant abandonné.
Alors c'est un conte, plus qu'une fiction, un chemin qu'elle va tracer pour lui parler comme si elle lui racontait l'histoire de Rémi, rentrer dans son intimité sans le dérouter.

Jeanne Benameur a choisi l'émotion, pour nous raconter ces trois vies, un père dévasté encagé sur lui-même, une grand-mère qui a le sentiment de revivre sa propre histoire, un enfant qui va renaître, et ressentir une joie puissante l'envahir.

De la douleur aux larmes, de la puissance des mots, à la fascination de la forêt en goulées sonores, fluides et colorées, c'est un pari que celui de la résilience, de la possibilité de se reconstruire, et peut-être demain d'écrire de sa propre main ce parcours initiatique que caresse la robe rouge fanée de sa mère.

Jeanne Benameur dans son écriture charnelle, a trouvé les mots justes pour nous expliquer comment le parcours de cet enfant, vers sa renaissance fut possible, une réussite. le fait de ne pas lui donner un prénom en fait une fable universelle.
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