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Critique de tamara29


J'appréhendais une telle lecture, un sujet sur la guerre, l'enfermement, la douleur. J'appréhendais une telle immersion. Je savais que Jeanne Benameur était de ces auteurs dont l'écriture peut m'ébranler.
Dès la première page, j'ai retrouvé le plaisir et les émotions à son écriture. J'ai retrouvé la beauté de ses textes et de ses personnages.
Les variations entre les phrases presque longues à celles plus courtes, brèves, saccadées, parfois jusqu'à uniquement un mot, donnent un rythme émotionnel à notre lecture. Des changements de cadence pour mieux rendre et faire partager le souffle, le rythme d'une respiration, les battements du coeur, les peurs, les états d'âme, les émotions. Des mots qui nous emmènent directement à l'essentiel : les ressentis des personnages qui nous pénètrent et qu'on éprouve à l'état brut, à fleur de peau, sans couche superficielle et inutile. L'effet est immédiat. Nous sommes touchés directement en plein coeur. Au coeur de l'intime.
Etienne, photographe de guerre, a été retenu en otage. Il a vécu l'enfermement, l'isolement qui oppresse, la peur physique, la nuit, le silence, le moindre bruit, la guerre, la violence des hommes…
Libéré, le temps de sa reconstruction, Etienne retourne auprès des siens, dans le village de son enfance. Il y retrouve sa mère Irène, ses deux amis d'enfance Enzo et Jofranka « la petite qui vient de loin », devenue avocate à La Haye. Et parmi les personnages qui gravitent autour de lui, il y a aussi Emma, la dernière femme qu'il a aimé et ceux qu'il a croisé dans ce pays en guerre, d'autres otages, des personnages qui vivent la guerre au quotidien.
Avec le soulagement de sa libération, son retour est, aussi, pour tous, un flux des souvenirs, de leur passé avec lui ou avec d'autres, une introspection de leur relation avec Etienne, mais aussi de leur propre vie, de leur vécu, de leur propre personnalité et caractère.
Ce sont des envies et des besoins différents qui se mêlent et parfois divergent et se confrontent. le besoin de paix, de simplicité pour la mère ; d'aide à la reconstruction, à la lutte, au témoignage pour Jofranka ; le besoin d'être au coeur de l'action, et même de la violence pour Etienne. Il y a ceux qui restent, qui attendent l'autre, qui l'espèrent, qui recherchent une certaine tranquillité, la douceur, le silence de la nature. Il y a ceux qui ont besoin de bouger, de partir, d'une fuite, d'autres vibrations, d'un ailleurs. Il y a l'amour aussi qu'on recherche ou qu'on éprouve différemment.
Dans le roman de Bénameur c'est presque organique, minéral. le coeur de la vie. Car autour de ces personnages, autour de nous, les quatre éléments sont toujours là, présents, nécessaires : la terre (le jardin de la mère), l'air (le parapente d'Enzo, la flute, la musique, notre souffle), l'eau (le père parti en mer, le ruisseau, le sang qui coule), le feu de la guerre mais aussi l'embrasement des corps, qu'il soit brutal ou qu'un simple effleurement, et pour nous, le feu des émotions. Et les arts divers liés ou non à ces éléments : le travail de la terre, du bois, la photographie, la musique, l'écriture, la poésie... Tous autant des refuges, des moments de bien-être, d'instants de solitude ou de contact, de complicité avec les autres, le rappel de notre existence. Oppresseurs, rédempteurs, salvateurs, libérateurs…
Le roman de Jeanne Benameur est d'une beauté évidente, profonde, car à l'état brut, empli de troubles, de sensations, parfois douloureuses, bien sûr, de battements du coeur, de l'âme qui s'émeut. On aime ses personnages, on s'y accroche, on voudrait les étreindre.
On ne referme ce roman à la légère, on n'en ressort pas intact… Nous sommes tous otages de quelque chose. Nous vivons ou avons vécu des blessures différentes, au corps et à l'âme. Ce roman nous plonge dans le questionnement sur notre propre liberté, sur notre enfermement personnel et sur notre conception d'être vivant.
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