AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Ana_Kronik


Un petit livre qui bouscule bien des idées reçues. L'auteur, psychanalyste, commence par nous montrer que le conflit est inhérent à chaque être humain. En prenant par exemple le cas de la célèbre serveuse automate de Starmania, qui voulait s'échapper de son boulot pour aller planter des tomates. Il aurait pu aussi citer le businessman qui a "tout pour être heureux", mais qui aurait voulu être un artiste. Bref, ces situations de conflit interne sont courantes, elle correspondent à des contradictions entre le possible, le souhaitable, nos désirs, et nos passions... Sans compter le fait que nous évoluons avec l'âge, et que ce qui nous paraissait harmonieux un jour ne l'est plus le lendemain.

Le cas du conflit qui vient tout de suite à l'esprit est celui de la guerre. L'auteur n'a pas vraiment de solution ici, il invite à s'adapter à la situation, plutôt dans la philosophie chinoise qu'occidentale. Il nous fait réfléchir sur la différence entre l'affrontement - la partie externe du conflit - et le conflit lui-même. Et montre que la victoire, si elle met fin à l'affrontement, n'éteint pas le conflit...

Un autre exemple de conflit est celui de l'entrepreneur qui sait très bien que son usine pollue, ou celui devenu très populaire ces temps ci de la dissonance cognitive, lutte entre notre désir de consommer, et le sentiment que cela mène la planète à sa perte.

Le livre prend donc un tour politique lorsqu'il montre que la démocratie n'est pas un système adapté à la résolution des conflits. Elle se borne soit à les nier, soit à promouvoir une posture humaniste ("la guerre, c'est pas bien"), mais ne sait pas comment les résoudre. On se borne à exposer les différents points de vue (voir par exemple le cas de la dernière réforme des retraites) en sous-entendant que tous ces points de vue se valent.

Quant au néolibéralisme triomphant, il prône un récit qui lui aussi nie le conflit. C'est le triomphe de la norme, un idéal pour chaque individu, la croyance que tout le monde peut y arriver, et que, si l'on n'y arrive pas, on en est responsable. Cet idéal harmonieux, directement dérivé de la fameuse "main invisible", n'est tout simplement pas accessible: en effet, explique l'auteur, les points de vue des parties prenantes (le patron et le salarié, par exemple) sont objectivement irréconciliables, compte tenu de l'asymétrie de la situation. Et il est plus facile d'aller à l'affrontement, que de chercher à assumer le conflit. Pour cela, les politiques ont une tactique toute trouvée: l'argument de la complexité. Eux savent, et bien évidemment, leurs adversaires ne comprennent rien, ce qui les disqualifie.

Ce livre est parfois un peu ardu par son vocabulaire, mais il fait réfléchir. Notamment à ce que représente la norme, en quoi elle est souhaitable. J'ai bien aimé les exemples que donne Miguel Benasayag de ces cohortes qu'il regroupe sous le terme de "sans": les sans-papiers, les sans-logis. Les handicapés par exemple: on se doit de leur "offrir" une vie comme les autres. Pour exister, ils doivent obligatoirement pouvoir tout faire, et donc, aller travailler, comme les gens "normaux", comme si le travail était une fin en soi...
Commenter  J’apprécie          32



Ont apprécié cette critique (3)voir plus




{* *}